En brisant le silence autour de l’intervention du Premier ministre malien sur l’échec des armées au Sahel, le Président français, Emmanuel Macron dit aux autorités de la transition malienne de cesser d’enfermer les hommes politiques. Il adresse ainsi aux magistrats du Mali, de façon détournée, une critique qui ne dit pas son nom. Cet état de fait est assimilable à une immixtion du président du pays de « Liberté, Egalité, Fraternité » dans les affaires judiciaires du Mali.
En répondant avec virulence aux accusations de Choguel sur la lutte contre le terrorisme, Emmanuel Macron a touché les magistrats maliens. Histoire de mettre en cause l’indépendance de la justice. Comme il a affirmé ne rien attendre des autorités de la transition malienne, il leur ordonne de mettre fin à l’arrestation des hommes politiques. Comme si cela relevait de leur compétence.
Il l’a fait savoir, le nerf à fleur de peau. Une colère qui prend sa source non seulement dans le contrat militaire du Mali avec la société russe, Wagner et s’intensifie aussi avec l’intervention de Choguel à la tribune de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). Le chef du gouvernement malien avait parlé « d’abandon du Mali en plein vol par la France » dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Macron était joyeux dans sa discussion avec certains participants de la saison Africa 2020 dans la cour de l’Elysée. Mais cela n’a été que d’une courte durée. Quand le sujet portant sur l’intervention de Choguel à l’ONU a été évoqué, l’actuel locataire de l’Elysée a changé de ton. Maintenant courroucé, il a lancé ces premiers mots : « J’ai été choqué, ces propos sont inacceptables, c’est une honte ». Par la suite, très remonté, il s’en prendra à Choguel, le traitant « d’enfant de deux coups d’Etat » avant d’ajouter que la légitimité du gouvernement malien est pratiquement nulle.
Par ailleurs, sur un ton tout à fait paternaliste, il tente d’ancrer la leçon de démocratie dans les esprits des dirigeants de la transition. Ses priorités pour une nation souveraine comme le Mali est l’organisation des élections à bonne date et de cesser d’emprisonner les hommes politiques.
Là, on comprend aisément qu’Emmanuel Macron est toujours dans la dynamique d’une mainmise sur le Mali et la condescendance. Il ignorerait que le monde va vite et que les événements tournent autrement. Il ne semble pas comprendre que des dirigeants actuels africains, les esprits ne sont plus faibles comme il le pense. Il doit savoir aussi que leurs cœurs ne battent plus la chamade devant qui que ce soit.
Macron veut que le Mali cesse d’enfermer les hommes politiques. C’est dire qu’il faut fermer les yeux sur le détournement des deniers publics. Un président qui défend les valeurs démocratiques dans un pays doit-il se mêler à un processus de lutte contre la corruption et les malversations financières ? Donc il ne faut pas punir les hommes politiques quoi qu’ils aient fait.
En vertu du respect de la séparation des pouvoirs comme l’a bien pensé Montesquieu dans son livre ‘’L’Esprit des Lois’’, Emmanuel Macron, s’il est respectueux des principes démocratiques, ne doit donner son avis sur l’interpellation d’un citoyen français. S’il le fait, ce sera à ses risques et périls. Le Mali est sur plusieurs fronts pour la construction de sa nouvelle société.
Si Macron pense que les autorités sont derrière l’emprisonnement des hommes politiques, il touche donc les magistrats car l’Exécutif n’a pas le droit de se mêler aux affaires judiciaires. Lorsqu’on tente de déchiffrer ses propos, l’on saura que Macron trouve les juges à la solde des plus hautes autorités de la transition malienne. Le Mali n’étant pas une région de la France, le président Macron ne doit, en aucune manière, avoir un pied ou une main dans les décisions judiciaires maliennes. Les juges maliens ont raté le coche de mettre le président français à sa place. Ne sont-ils pas les mêmes textes qu’ils ont lus, Macron et les magistrats maliens ? C’est sûr qu’une virgule ne change pas dans un livre de droit, lu au Mali ou en France. Il s’agit pour les hommes de droit du Mali d’appliquer la loi comme il faut sans une influence extérieure. C’est à eux de dire qui doit aller en prison et qui ne le mérite pas. Et non une autre voix paternaliste venant de l’extérieur. Le statut de président de Macron ne lui confère guère le rôle que les juges maliens doivent jouer.
Le temps semble venu pour secouer le cocotier et sonner le glas pour cette dépendance née du néo-colonialisme français. 61 ans dans la vie d’une nation n’est pas 61 jours. Saperlipopette !
Bazoumana KANE
Source : L’Alerte