Mine de rien, Joseph Kabila est en train de réussir son pari. Sous le regard impuissant de ses compatriotes et grâce à une incompréhensible hésitation de la communauté internationale, le président congolais, se jouant par ailleurs d’une opposition aussi émiettée qu’inconséquente, déroule un troisième mandat qu’on s’obstine pourtant à lui refuser. Mais lui n’en a cure. Assuré du soutien infamant de ses pairs africains et sachant les institutions du pays à sa botte, il avance, imperturbable. Comme on s’y attendait, les élections prévues en fin d’année, n’auront sans doute pas lieu. Les massacres que le régime a orchestrés dans les régions du Kasaï devaient servir de prétexte. Et pour des années encore, la RD Congo, richissime pays de l’Afrique centrale, devra se préparer à vivre le pire, avec toutes les conséquences éventuelles sur une population qui n’en peut plus de la pauvreté et de l’insécurité.
RDC, un pays maudit
La RD Congo, un pays maudit, on peut désormais oser ce lien. Parce que c’est le terme qui sied à un pays aussi pourvu par la nature, mais qui demeure éternellement dans le creux de la vague. Un paradoxe attristant dont la plus grande responsabilité est à imputer à une classe politique dont l’actuel président, Joseph Kabila, est le prototype. Une classe qui n’a jamais pu avoir la vision, la hauteur de vue et la clairvoyance qui permettent au Congo de sortir des méandres de l’instabilité chronique et des conflits à répétition. Arrivé à la suite de la longue dictature que le président Mobutu avait imposée dans ce pays-continent, Joseph Kabila, relativement jeune, incarnait pourtant l’espoir d’un nouveau départ. Mais au vu de toutes les manœuvres qu’il déploie pour consolider son pouvoir, on se rend compte qu’il n’est en rien différent de tous ces politiciens congolais qui ne se sont battus que pour soumettre le Congo et les Congolais à leurs fantasmes de roi redouté. Dans un contexte régional perçu comme un désert démocratique, Joseph Kabila ne s’interdit aucune abjection pour se maintenir au pouvoir. Y compris le fait d’instiguer les massacres dans le Kasaï pour ensuite s’en servir comme prétexte pour se soustraire aux accords de la Saint-Sylvestre. Ce genre de coups aussi tordus que cyniques, est justement à la base du visage hideux qui est aujourd’hui encore celui de la RDC.
démon argent et la jalousie
Cependant, Joseph Kabila et son camp, ne portent pas à eux seuls la responsabilité des sombres perspectives qui attendent le Congo. L’opposition y est également pour une part qui n’est pas négligeable. En fait, à l’image de ce qu’on voit sur l’ensemble du continent africain, les opposants congolais sont minés par le démon argent et une espèce de jalousie maladive qui font que la méfiance règne entre eux en permanence. Ainsi, après la mort, le 1er février 2017, de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, on a vu comment le pouvoir a cassé la dynamique d’unité qui s’était installée dans les rangs de ses adversaires. Il lui a suffi de faire miroiter la perspective de quelques nominations, et les opposants ont accouru de partout. C’est aussi cette jalousie qui fait que le retour de Moïse Katumbi ne fait pas l’objet d’une revendication unitaire. Or, dans les rangs même de l’UDPS, on ne retrouve plus les fortes convictions qui ont permis à Tshisekedi père de hisser ce parti au rang des grandes formations politiques du continent. Sans une préparation conséquente, ses successeurs rêvent de l’occasion qui les propulserait au sommet de l’Etat à moindre frais. Ainsi, quand il est question de capitaliser le malaise général des Congolais avec des manifestations, beaucoup d’entre eux sont en dehors du pays, se contentant de brèves apparitions/interventions sur des médias internationaux. Bien entendu, avec une telle attitude et une aussi faible implication, les moyens d’action de la communauté internationale restent limités. Quant aux Congolais, ils pourraient se résoudre à accepter leur triste sort. Hélas.
Boubacar Sanso Barry