En entretenant les communautés musulmanes des pratiques cultuelles constituant le fondement de leur foi, les exégètes ne se limitent pas toujours exclusivement à l’énumération des grandes prescriptions. Ils en sous-tendent l’exposé par la relation des différentes phases que ces prescriptions ont connues à l’aube de l’islam, avant d’atteindre leurs formes définitives léguées aux communautés musulmanes. Si la dimension spirituelle n’en est pas quantifiable, l’éclairage qu’ils apportent au contexte historique de ces évènements n’en est pas moins repérable.
Lorsque la huitième lune du calendrier islamique connue sous nos latitudes sous l’appellation de «mois d’attente du mois de jeûne» aborde ainsi son dernier quartier, toute l’attention de la communauté se focalise sur le mois sacré qui s’annonce. Dans leurs différents rappels, l’évocation de cette période d’importance se fait plus fréquemment, les commentaires sur ses divers compartiments plus détaillés. Les exégètes rapportent ainsi que le Messager (PSL), encourageait au sein de sa communauté la pratique de trois jours de jeûne mensuel depuis les débuts de sa mission.
Cette exhortation n’avait cependant aucun caractère obligatoire à l’époque. L’institutionnalisation de ce qui sera l’un des piliers de la religion n’interviendra pas avant la première confrontation d’envergure entre les musulmans, défendant leur droit à l’existence, et les incroyants qui étaient encore en position de force à La Mecque. La modeste colonne des premiers émigrés, bénéficiant de l’assistance de certains résidents autochtones, les «Ansars» ou «Aides» de Médine, eut à affronter à peu de distance de cette cité d’accueil, une impressionnante formation des polythéistes. La nommée bataille de Badr, sous la conduite du Messager, que les théologiens situent au mois de Ramadan, occupera ainsi une place de choix dans la geste musulmane. Hommage sera ainsi rendu à ces combattants dans le Livre saint de l’islam : «Le Tout-Puissant aime ceux qui combattent en ordre dans son sentier, et qui sont fermes comme un édifice solide ». (61:4).
Selon les théologiens, c’est après cet évènement que sera érigée en obligation rituelle la pratique du jeûne du Ramadan. Les références à la portée bénéfique des actes méritoires en cette période ne manquent guère au fidèle. Dans l’un des hadiths, il est ainsi annoncé : «Un grand mois, un mois béni, un mois comportant une nuit qui vaut mieux que mille mois approche. C’est un mois de partage avec les autres». En évoquant cet esprit de solidarité qui devrait se cultiver et se répandre au sein des communautés musulmanes, les théologiens rapportent qu’un calife avait pour principe de ne point convier les notables à partager sa nourriture. Pour cela, sa préférence allait plutôt aux indigents.
Interrogé sur cette attitude, il fera remarquer: «Vous invitez à vos repas ceux qui n’en ont point besoin, et vous délaissez ceux qui ont vraiment faim». En cette période, de multiples recommandations et appels sont adressés aux fidèles pour aider leurs coreligionnaires à rompre le jeûne, ne serait-ce que par le don d’une demi-datte. Les oulémas citent à cet effet des propos du Messager selon lesquels : «Si vous ne pouvez assister autrui de vos biens, au moins assistez-le d’un visage gracieux et d’un bon caractère».
A. K. Cissé