Pour se procurer un soupçon de fraîcheur, les fidèles musulmans font montre d’un savoir-faire génial. La canicule et l’instinct de survie dopent le sens de l’ingéniosité
Ségou, la 4è région administrative du Mali, il est 13 heures ce vendredi, le thermomètre affiche une température de 44°C. Les fidèles musulmans en plus de cette forte chaleur doivent braver un vent poussiéreux et chaud pour se rendre à la mosquée pour la prière du vendredi, surtout la première du mois de dévotion. Comme dans d’autres régions du pays, le mois béni de ramadan coïncide cette année avec la canicule. Ce qui rend le jeûne très difficile pour les fidèles musulmans. Une dure épreuve pour des milliers de fidèles musulmans appelés à s’abstenir de boire et de manger du lever au coucher du soleil en cette période de forte chaleur, où il est recommandé de boire régulièrement. Dans la Cité des Balanzans, à partir de 12 heures déjà la canicule assèche les gorges. Pas étonnant que les gens fassent preuve d’imagination et d’ingéniosité pour atténuer la chaleur. Dans les rues, sur les marchés, dans les maisons, les jeûneurs, en quête de fraîcheur, font montre d’un savoir-faire génial. Certains se couvrent la tête avec des mouchoirs et des vêtements mouillés ; d’autres cherchent frénétiquement à s’abriter à l’ombre des grands arbres ou dans des endroits où il y a un soupçon de fraîcheur. Toutes les stratégies sont bonnes pour s’offrir ne serait-ce qu’une once de fraîcheur. Avant la rupture du jeûne, les fidèles musulmans souffrent réellement le martyre. Comme c’est pour la bonne cause, les sacrifices sont récompensés au centuple. De quoi donner du courage pour endurer la soif durant toute la journée. Mais attention à la déshydratation. Assis à l’ombre d’un grand arbre ce quinquagénaire, comme beaucoup de fidèles musulmans, s’est réfugié ici pour fuir la chaleur. Malgré la canicule, il est bien décidé de s’acquitter de son devoir religieux. Abdrahamane Sylla, c’est son nom, entouré de quelques membres de sa famille, attend sagement à l’ombre de l’arbre. Mais cela ne semble pas suffire. Notre quinquagénaire garde à côté de lui une tasse pleine de sachets d’eau. Il se rafraichit souvent en se versant de l’eau sur le corps. Cette pratique est-elle autorisée ? Sans réfléchir, il répond par l’affirmative. Est-il interdit de prendre une douche pendant le ramadan ? « Autant nous pouvons nous asperger d’eau fraîche autant nous pouvons nous rincer la bouche sinon comment faire ses ablutions », s’interroge-t-il en se versant de l’eau sur la tête.
PLUS DE SALIVE – Pour son jeune frère assis à côté de lui, cette année, le ramadan est particulièrement éprouvant. Gaoussou Sylla explique que le soleil est difficile à supporter et qu’il a tout le temps des maux de tête. « Je ne sens pas la faim, c’est surtout la soif qui me fatigue et m’affaiblit. Regarde, il n’est pas encore 14 heures, je n’ai plus de salive », lance-t-il en couvrant sa tête d’un mouchoir qu’il venait de tremper dans l’eau. Au Grand marché de Médine, les vendeurs d’eau en sachets se frottent les mains. Les uns et les autres n’achètent pas pour boire, mais pour s’asperger le corps. Du coup, à l’heure de la rupture, il est difficile pour beaucoup de trouver de la glace. Une vendeuse d’eau nous révèle qu’elle peut faire deux à trois tours entre sa maison et le marché car la demande est forte. Elle se souvient que l’année dernière, elle devait attendre le petit soir pour faire de bonnes affaires. Calme devant sa boutique, Ibrahim Djiré est presque somnolent. Il confie que cela fait longtemps qu’il n’avait pas éprouvé autant de peine pendant le ramadan. « Je n’ai plus de force. C’est plus difficile entre midi et 15 heures.
Du coup, je suis obligé de me verser de l’eau sur la tête constamment jusqu’à la rupture du jeûne », souligne-t-il. Cependant, la forte chaleur est loin de décourager notre interlocuteur qui trouve que le ramadan est fait pour cela. C’est un mois, dit-il, de pénitence au cours duquel l’on doit apprendre la patience et l’endurance. Ici dans la Cité des Balanzans, comme partout ailleurs où il y a les cours d’eau, les jeunes investissent les abords du fleuve pour trouver du rafraichissement. Au mépris des risques de noyade, certains font trempette à longueur de journée.
Pour les femmes, l’affaire est plus compliquée car, en plus de la forte chaleur, elles doivent surmonter la chaleur de la cuisine. La solution toute trouvée par Mme Diakité Coura est de placer à côte d’elle un ventilateur. Cela ne suffit pas. « Je couvre mon corps d’un pagne mouillé, que je plonge dans l’eau constamment. Cela me permet de résister jusqu’au moment de la rupture. Quand je ne suis pas dans la cuisine, je me verse plusieurs fois de l’eau », explique-t-elle.
RESTER À L’OMBRE – Que recommandent les spécialistes de la santé en la matière ? Dr Issa Benzakour est le médecin chef du CSRéf « Famory Doumbia » de Ségou. Il constate que la période est difficile, car, nécessitant pour les uns et les autres de boire suffisamment d’eau. Comme conseil, notre toubib suggère aux jeûneurs de ne pas s’exposer au soleil. « Il faut être à l’ombre, il faut être dans des endroits aérés pour pouvoir passer la période la plus caniculaire de la journée », explique le Dr Benzakour. Face à cette canicule d’une rare intensité, indique-t-il, les gens doivent porter des vêtements moins chauds. Il recommande également de rompre le jeûne avec de la boisson chaude et sucrée.
Le médecin chef du CSRéf « Famory Doumbia » de Ségou est catégorique. Il ne faut pas boire immédiatement de l’eau fraîche au moment de la rupture du jeûne. Il conseille plutôt pendant les 30 premières minutes après la rupture de consommer beaucoup de fruits et de légumes. «C’est une heure après que les gens peuvent manger convenablement et surtout boire de l’eau à volonté », précise-t-il. Cependant tempère notre médecin, il faudra boire l’eau par petites quantités toute la nuit. Une exigence ? Dr Issa Benzakour répond par l’affirmative. Car il faudra compenser les pertes d’eau pendant la journée pour ne pas être déshydraté.
« Il est une obligation de boire suffisamment d’eau par petites quantités une heure après la rupture, ce qui permettra à l’organisme d’absorber progressivement l’eau », insiste le médecin. Le CSRéf « Famory Doumbia » a déjà enregistré son premier cas d’urgence, après la rupture du jeûne. Il s’agit d’une personne âgée qui, peu de temps après la rupture, a eu un malaise.
« Dieu merci, il y a eu plus de peur que de mal.
Le vieil homme qui se plaignait de vertiges a été pris en charge et est retourné chez lui », confie Dr Issa Benzakour.
Il est bon à savoir que le jeûne n’est pas une obligation pour bon nombre de personnes. « Dieu veut vous rendre les choses faciles. Il ne veut pas pour vous la difficulté », lit-on à la sourate « La Vache » (verset 185). Ainsi, toute personne se sentant en incapacité de jeûner par crainte pour sa santé, au même titre que les malades, les personnes très âgées, les femmes enceintes ou encore les voyageurs sont dispensés de jeûne. Bon ramadan à tous et à toutes.
Mariam A. TRAORÉ
AMAP-Ségou
Source: L’ Essor- Mali