Son élégance, sa taille, sa technicité rappellent ce joueur brésilien des années 1970-1980 du nom de Socrates Brasileiro Sampao de Souza Vieira de Oliveira dit Socratès (il est décédé le 4 décembre 2011). Après ses débuts à l’AS Commune II en 1985, notre héros du jour dans le cadre de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? ” qui s’appelle Alou Wane, finit au Stade malien de Bamako sa carrière ponctuée d’un parcours glorieux avec les équipes nationales junior et sénior. Depuis la France où il vit actuellement, Alou a bien voulu nous accorder une interview au téléphone pour parler de sa carrière au Mali et de ses activités dans l’Hexagone. Nous avons pu mettre la main sur l’ancien joueur de la Commune II, du Stade malien de Bamako, et des Aigles du Mali, grâce à cet autre ancien international Seyba Coulibaly, que les fidèles lecteurs de la rubrique connaissent déjà. Et Alou Wane s’est montré disponible et a tout mis en œuvre pour la réussite de notre entretien. Fidèle parmi les fidèles de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, Seyba Coulibaly et sa femme Assitan Touré dite Yaoundé (elle aussi ancienne héroïne de la rubrique) œuvrent pour son épanouissement. Ils ne cessent de téléphoner pour prendre les nouvelles de son animateur. Mieux, ils ne ménagent aucun effort pour nous mettre en contact avec les anciens sportifs vivant en France. A ses propres frais, Seyba Coulibaly établit la communication entre nous. Que le couple Coulibaly en soit remercié et la Direction du journal Aujourd’hui Mali lui sera toujours reconnaissante. Revenons-en à notre héros !
A l’instar de tous ces enfants des quartiers populaires de Bamako, Alou Wane avait comme seconde vie le football, après l’école.
Tiré des rues de Médina Coura
Né à Medina-Coura, il a fait le beau temps d’un club du quartier “Cœur de Lion” en 1983, avant de rejoindre les juniors de l’équipe de l’AS Commune II en 1985. Impressionné par le talent du jeune Alou Wane, le coach, feu Fousseyni Sissoko, lui paya de sa poche une paire de crampons. C’était une façon de l’encourager de ne pas abandonner les entrainements au profit des compétitions inter quartiers. Il n’a passé qu’une seule saison avec les juniors. Les matches amicaux contre l’équipe A et le championnat junior précipitent son intégration dans l’équipe sénior. Très technique, dépositaire dans le médian de l’équipe communale, son entraineur Amadou Traoré dit Tioukan (ce surnom rappelle aux ainés une phrase de feu Demba Coulibaly, dont nous faisons l’économie), fait de lui son enfant chouchou. Pour la circonstance, il prend en charge son alimentation. Même si Alou Wane ne venait pas, la femme de Tioukan, Dado Bathily, gardait au frais ses repas.
En 1987, l’AS Commune II est admise en première division, avec des joueurs comme Mamoutou Kané dit Mourlé, Samba Diarra, Dramane Dembélé dit Dra Djan, Gaoussou dit Art 12. Cette ascension débouche sur un concours de circonstances qui ouvre à Alou d’autres portes. Elève au Collège Technique Moderne de Dravela où il est le meneur de jeu dans les compétitions inter scolaires, titulaire et vedette de l’AS Commune II, Alou Wane est sélectionné en équipe nationale des juniors sur la base des informations parvenues à l’entraineur Idrissa Touré dit Nani.
La première fois où il se présente à l’entrainement, Nani (paix à son âme) et son adjoint Mamadou Diakité dit Doudou lui font savoir que le milieu de terrain est saturé avec dans l’effectif Kassim Touré, Amadou Bass, Alassane Diallo dit Tom Foot, Mamoutou Tolo, Sory Ibrahim Touré dit Binkè. Ils lui conseillent de ne pas paniquer et surtout de se défaire d’un éventuel complexe. Au bon moment, ils verront comment Alou Wane pourrait se rendre utile. Parce qu’ils sont persuadés que l’enfant de Medina Coura a des atouts incontestables. Raison pour laquelle il n’a pas joué les deux premiers matches contre le Sénégal, un match au cours duquel le capitaine Amadou Bass a marqué les 8 buts de la double confrontation (4 à l’aller et 4 au retour). Il joua son coup. Comment ? Nous reviendrons sur son parcours avec les juniors et les Aigles du Mali.
Non au Stade, Oui au Stade !
De l’AS Commune II, Alou transfère au Stade malien de Bamako en 1990. Cela a-t-il fait l’objet de tractations ou de promesses ? Alou Wane raconte : “Quand l’équipe nationale junior a commencé à créer la sensation, le Djoliba et le Stade malien ont mûri l’idée de débaucher les meilleurs qui s’y trouvent. Moi, personnellement, j’ai été approché par les deux clubs. Les dirigeants du Stade m’ont même remis une moto Piaggio et beaucoup d’argent pour la circonstance. Mais, comme je vous ai déjà signalé, Amadou Traoré dit Tioukan est à la base de ma réussite dans la vie. Donc, c’est lui qui m’a conseillé de ne pas aller au Stade. Au bout d’un mois, j’ai retourné la moto du Stade en déclarant clairement que je renonce au transfert. En 1990, j’ai décidé d’aller au Stade de façon gratuite et mon premier match s’est déroulé à Kayes lors du jubilé de l’ancien gardien du Sigui, feu Mamadou Kouma dit Champion. Les Stadistes m’ont accueilli à bras ouverts et j’ai eu la preuve que le Stade est une famille”.
Au Stade malien de Bamako, Alou Wane s’impose durant six ans, parce qu’il a passé deux ans en touche pour cause de fracture. Il remporte trois coupes du Mali (1990-1994-1995) et trois titres de champion (1993- 1994- 1995) et réalise un doublé en 1995.
Pour parler d’un de ses exploits en équipe nationale junior, nous revenons sur ce match amical que les Aiglons devraient disputer à Conakry. Subitement à la veille de la rencontre, les deux latéraux titulaires des Aiglons sont forfaits, pour des raisons de santé diverses. Nani et Doudou, en bons techniciens, modifient le dispositif du bastion défensif après cette situation inattendue. Ils décident de faire évoluer Souleymane Sangaré dans l’axe, Alou Wane au poste de latéral droit, et Ely Traoré à gauche. Par le pur hasard, cette solution alternative de l’encadrement technique donne le résultat escompté. Les trois joueurs tirent leur épingle du jeu, tout en demeurant titulaires pour les éliminatoires de la CAN junior et de la coupe du monde.
Après le match contre l’Egypte, trois juniors, notamment Malick Tandjigora, Abdoulaye Traoré dit Kokadjè et Alou Wane tombent malades. Malick a mal au dos et les deux autres souffrent d’une fissure dans la jambe qui n’a pu être détectée dans les hôpitaux maliens et par nos médecins. Devant une telle catastrophe, le ministre des Sports, feu Bakary Traoré, instruit qu’on les envoie en Côte d’Ivoire. Effectivement, tous les maux seront diagnostiqués et ils y resteront pendant trois semaines. La deuxième phase du traitement devait se faire à Bamako au bout de quarante-cinq jours avec les pieds dans le plâtre. Cette mauvaise aventure a fait qu’Alou Wane et Ablo n’ont plus été opérationnels pour le reste de la campagne : la demi-finale et la finale Afrique, ainsi que la coupe du monde. Mais le ministre des Sports d’alors décide encore de les amener en Arabie Saoudite, parce qu’il a estimé que ces jeunots ont contribué à la qualification du Mali. Donc les inviter à aller assister aux compétitions était la meilleure façon de leur rendre hommage.
Déjà en 1988, l’entraineur des Aigles, Kidian Diallo, le sélectionne pour le tournoi organisé à l’occasion de l’accession du Capitaine Blaise Compaoré au pouvoir. Ladite compétition qui a regroupé le Burkina Faso, le Ghana, le Benin, le Mali a été un tremplin pour Alou Wane, pour avoir gagné une place de titulaire, jusqu’à ce jour du 4 avril 1991, à une semaine de la rencontre des Aigles contre les Lions Indomptables du Cameroun à Bamako (0- 2). En effet, en éliminatoires de la Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe, il se fracture le pied lors du match qui opposé le Stade malien de Bamako au Sporting club de Gagnoa de Côte d’ivoire.
Meurtri par la mort de Binké
Alou resta ainsi deux ans sans jouer au ballon. Ce malheur freine sa progression et lui fait rater la CAN de Tunisie 1994. Parce que l’entraineur Mamadou Keïta dit Capi a déjà l’ossature de son effectif, quand il reprend les entrainements avec le Stade malien de Bamako. Après cette campagne, Capi lui fait appel pour les éliminatoires de la CAN de 1996, à l’issue desquelles les Aigles seront éliminés. Il quitte à ce niveau l’équipe nationale et continue de jouer avec son club, le Stade malien de Bamako, jusqu’à sa retraite en 1998. Il avait de la peine à se défaire de la psychose provoquée par le décès de son intime ami Sory Ibrahim Touré dit Binké en octobre 1996.
Comme bons souvenirs, Alou Wane évoque le match des Aiglons contre les Pharaons juniors d’Egypte, le match amical du Stade malien contre le Hafia FC en 1995 et le tournoi au Burkina Faso en 1988.
Pour les mauvais souvenirs, il retient le décès de sa maman, le 25 juin 1990, sa fracture en avril 1991 et ce long voyage des Aigles pour les éliminatoires de la CAN de 1996.
Qu’est ce qui s’est passé à l’occasion ?
Alou Wane se souvient : “Ce voyage a été un cauchemar pour l’équipe nationale. Elle l’a effectué dans des conditions extrêmement difficiles. Nous avons quitté Bamako le mardi matin à l’aube pour arriver à 7 H au Nigéria où nous sommes restés jusqu’à midi sur le tarmac de l’aéroport. De là-bas, l’équipe met le cap sur le Gabon pour y passer la nuit, pour ensuite rallier l’Angola en pleine guerre civile. Nous avons dormi dans la salle d’attente de l’aéroport. Tôt le matin, Capi nous demande de nous dégourdir les pieds, parce que jusque-là l’équipe ne s’est pas entrainée. Après avoir décollé pour la Namibie, le pilote décèle un problème de kérosène et l’avion atterrit dans une petite ville. Et certains joueurs ont aidé les pilotes à alimenter l’avion en kérosène. Finalement, nous sommes arrivés en Namibie le vendredi à minuit et à l’hôtel une heure plus tard, donc samedi. Le lendemain, jour du match, c’était la fatigue générale. Et comme on pouvait s’y attendre, le Mali a concédé une défaite 2-1 là où une victoire l’aurait qualifié “.
Quel a été l’impact du football sur sa vie ?
Alou Wane soutient que le football lui a procuré beaucoup d’avantages, des relations qui lui ont permis de se faire un chemin dans la vie. Evidemment, son diplôme en transit lui a permis de s’en sortir après sa carrière, mais le football lui a rendu un grand service. C’est à ce titre qu’il tient à remercier son ancien entraineur, Tioukan, et son épouse, mais aussi Siré Diallo, Dioncounda Samabaly et Sidi Diarra du Stade malien pour leur soutien, toute la population de la Commune II pour son affection et sa considération à son égard.
Diplômé en Douane, il décroche en 1998 un emploi à l’Union des Sociétés de Transit du Mali. En 2001, il décide de s’aventurer en France, parce que ses revenus ne suffisent plus. Après avoir pris sa retraite sportive, il trouve indécent que les supporters ou les dirigeants continuent de lui donner de l’argent. Une fois dans l’Hexagone, Alou Wane est recruté dans une entreprise : Fran prix Distribution et s’occupe de la préparation des commandes, l’équivalent du chef d’Approvisionnements au Mali.
Envisage-t-il de revenir s’installer dans l’avenir au Mali ?
L’enfant de Medina-Coura, marié et père de deux filles, a effectivement l’ambition de revenir dans son pays avec des projets. Parce qu’il a déjà construit une maison à Bamako.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali