Ancien Directeur Général de l’ORTM, ancien conseiller à la communication du président de la République, premier assistant du président du Comité d’Organisation du Sommet Afrique-France en 2005, membre du Comité d’Appui aux Réformes Institutionnelles, Abdoulaye Sidibé (Jules pour les intimes) a vraiment un parcours honorable. Comme la plupart des journalistes maliens de l’après indépendance, il a exercé et continue d’exercer le métier de journaliste avec passion. Etant stagiaire à un séminaire international en France, il surprend les organisateurs par ses interventions. Sa connaissance du monde rural, et surtout son éloquence convainquent certains organismes internationaux à le recruter comme consultant, pour former d’autres journalistes en Afrique. Abdoulaye Sidibé a également mené des études pour l’évaluation d’un projet de programme environnemental Radio au Tchad d’une part, et d’autre part pour l’implantation de cinq radios rurales dans diverses localités du Togo.Faudrait-il rappeler qu’Abdoulaye Sidibé a passé deux ans à la maison après son départ du poste de directeur de l’ORTM, et sept ans de chômage technique à l’issue de son remerciement à Koulouba en 2002 par le président ATT. C’est dans ce silence qu’il prendra sa retraite en 2008, avant d’être nommé président du Comité National de l’Egal Accès aux Médias d’Etat. Poste qu’il occupe à ce jour. Et c’est en ces lieux que nous l’avons rencontré dans le cadre de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? “, pour parler de sa carrière de journaliste, de consultant international, et de tous les paramètres liés au métier de journaliste et à la liberté de presse. Quelle pression vit le directeur de la chaine nationale par rapport au traitement d’une information défavorable au pouvoir ? Reçoit-il des instructions ou des directives du pouvoir ? Les réponses :
En 1995, les téléspectateurs découvraient sur la télévision nationale, une nouvelle émission intitulée “LE POINT”. Animée par le Directeur Général Abdoulaye Sidibé, elle a reçu sur son plateau d’éminentes personnalités du pays : le Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta, feu Seydou Badian Kouyaté, feu Me Demba Diallo, feue Fatoumata Siré Diakité (présidente de l’APDF), feu Darhamane Hamidou Touré dit Darhat (président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali) etc.
Cadre d’échanges, d’écoute, d’information et surtout de plaidoyer entre l’opposition et le gouvernement, l’émission “LE POINT” a eu le mérite en son temps de passer en revue les grands dossiers de la nation. Cependant, le fait qu’elle était animée par le premier responsable de la boite avait étonné plus d’un parce que d’éminents confrères de Bozola auraient pu faire ce travail. Quand nous avons cherché à comprendre, notre héros de la semaine soutient que cela n’avait rien de particulier. Seulement, il comprend que chaque journaliste cherche toujours à se frayer un chemin, et chacun a ses atouts.
Piqué par le virus de la radio
Dans sa carrière, il s’est plutôt senti à l’aise dans les débats, surtout qu’il animait sur Radio Mali “l’invité du dimanche”, cette autre émission qui s’intéressait aux ministres et directeurs de services. Donc son objectif visait à montrer le bon exemple aux cadets, par rapport à la façon de diriger un débat. Bref, à travers son initiative d’animer personnellement ladite émission, il s’assurait de préparer la relève. Parce que l’ORTM fait partie de sa vie. Il n’a connu que cette structure depuis Radio Mali, excepté son saut triennal à Koulouba (1999-2002) comme Conseiller à la Communication du président Alpha Oumar Konaré. Tout a été merveilleux pour lui, à telle enseigne que son parcours n’est constitué que de bons souvenirs impérissables.
Voilà un homme très calme, qui s’explique sans s’agiter. Cette qualité qu’il a héritée de son statut de chef de famille après le décès de son père, était, selon lui, la seule arme pour diriger les hommes et se faire respecter.
C’est après le lycée qu’Abdoulaye Sidibé a été piqué par le virus de la radio. Etudiant en 2ème Année à l’Ecole Normale Supérieure de Bamako (ENSUP), il abandonne les études pour suivre un stage d’Agent de Programme Radio Niveau I à l’Ecole de Formation de l’ORTF à Paris.
A son retour un an plus tard, il est animateur d’antenne, puis présentateur de Journal à Radio Mali. Son passage au CESTI (1972-1975) et son affectation à l’animation rurale lui ont permis de se forger beaucoup d’expériences. Une banque de données qui fera d’Abdoulaye Sidibé un formateur de journalistes de radio rurale. Cela lui ouvre également les portes de la consultation internationale avec les organismes comme la FNUAE, la FAO, l’Institut Panos, l’UNICEF, l’ACCT, à travers des formations de journalistes dans pratiquement tous les pays d’Afrique, ainsi que la France, la Belgique, l’Italie, le Canada, Cuba, l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweït etc.
De simple animateur d’antenne à la Radio Mali, il fut successivement présentateur de Journal parlé, Chef de Section Radio rurale (1976-1979), Chef de Division des Informations de la Radio Mali (1980-1983), Directeur Général adjoint de la RTM (1983-1987), Directeur Général de l’ORTM (1993-1997).
Comme évoqué plus, son départ de la direction de l’ORTM le plongera dans un chômage technique prolongé, soit sept ans.
Comment a-t-il vécu son passage à la direction de la chaine nationale à un moment où le COPPO (Opposition malienne) polluait l’atmosphère politique à travers les manifestations et les critiques ? Recevait-il des instructions de Koulouba pour censurer l’opposition ou soigner l’image du pouvoir ? Qu’est ce qu’il pense de la liberté de presse au Mali ?
Le doyen Abdoulaye Sidibé répond : “Nous ne recevons pas d’instructions directement, mais il y avait des reportages qui dérangeaient. Et le pouvoir réagissait. Nous vivions des pressions, nous cédions contre notre volonté, mais il arrive que nous répliquions par des arguments plus solides. Est-ce normal qu’il y ait une information partout, sauf à l’ORTM parce qu’on a instruit au Directeur de ne la diffuser ? Chacun de nous est tributaire des bailleurs.
La liberté de la presse est dans la diversité de la presse. A cause de la précarité où vivent les journalistes, ils sont un peu frileux. Ils exagèrent souvent, et en ce moment, ils ne font pas leur travail de journaliste. On peut critiquer le pouvoir, mais en mettant la manière et la forme. Le fait de réaliser un reportage sur l’état des rues à Bamako, sur les hôpitaux est un signal vis-à-vis de l’Etat, ou même une interpellation du pouvoir.”
Comment s’est-il retrouvé à Koulouba comme Conseiller à la Communication du président Alpha Oumar Konaré ? Sa promotion à l’ENSUP suivait celle du président Konaré. Mieux, celui-ci a dû bien apprécier son passage à l’ORTM comme directeur. C’est au bout de deux ans de chômage forcé à la maison, que le président a porté son choix sur lui pour diriger sa communication. Son calvaire recommença en 2002, quand il a été remercié par le nouveau régime. Mis à la disposition du Ministère de la Communication, il est resté sept ans sans bureau. Les raisons ? Difficile de donner une réponse précise, mais selon lui, cela relève de la pure négligence.
Pour supporter un tel coup dur, il faut être mentalement fort. Convaincu qu’il n’a rien fait pour mériter un tel sort, il s’est résigné. Et il demeura dans l’inactivité jusqu’à sa retraite en 2008. Un an après, Abdoulaye Sidibé est nommé Président du Comité National de l’Egal Accès aux Médias d’Etat. Une structure qui est chargée de réguler les médias publics que sont l’ORTM et le quotidien national L’Essor.
Marié et père de 6 enfants, Jules est âgé aujourd’hui de 74 ans.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali