Sans se préoccuper de civilités constitutionnelles, l’accord d’Alger a prévu la création d’un Senat au Mali. Cet organe permettrait d’insérer politiquement d’anciens rebelles, ou même d’anciens terroristes repentis, à l’instar des présumés islamistes prisonniers, qui ont bénéficié des mesures de confiance, pour être libérés.
Le Senat est donc à l’ordre du jour, et bon nombre de ses membres seront nommés par le président de la République, si la constitution de février 1992 était révisée pour l’adapter à l’accord. En plus des anciens membres des groupes armés, le président de la République aura également loisir de nommer des leaders de la société civile (chefs traditionnels, religieux et autres) à même de mobiliser des électeurs à sa guise lors des prochaines élections. De ce point de vue, cette révision constitutionnelle et l’institutionnalisation du Senat sans concertations préalables, sont perçues comme un enjeu politique qui dépasse le cadre de l’accord pour devenir un paramètre de politique national.
Outre la nomination du président du Senat, du président de la cour constitutionnelle et de celui de la cour suprême, la possibilité donnée au président de la République par ce projet, de réviser la constitution à travers le congrès, sans passer par un referendum, est une brèche qui peut conduire à toutes les aventures, y compris une dérive totalitaire du président, qui plus est chef suprême des armées, président du conseil supérieur de la magistrature, nomme le Premier ministre. Et comment ne pas prêter une oreille attentive aux appels pressants de l’opposition et des personnes éprises de justice et de libertés démocratiques, quand le pouvoir ne fait rien pour asseoir sa crédibilité ? Les opposants à la révision constitutionnelle ne demandent au pouvoir qu’à prendre en compte les préoccupations légitimes du peuple. Au contraire, le gouvernement menace de bâillonner le peuple, en réprimant les manifestations de désapprobation, qui sont un droit inaliénable de l’homme. Exprimer et manifester son refus du diktat, quel que soit le régime en vigueur traduit la liberté d’expression ; l’empêcher c’est se placer aux antipodes des libertés démocratiques et tomber dans la dictature.
Le président IBK et son gouvernement doivent se ressaisir, se garder de tomber dans les travers de la cécité et se mettre à l’écoute du peuple, qui a toujours le dernier mot. Il suffit, mars 1991. « Touche pas à ma constitution, sans mon avis ». Et toucher à l’article 30 de la constitution sur le mandat du président traduit une volonté manifeste du pouvoir, non pas de limiter les mandats du président en place, mais de le maintenir encore plus longtemps, plus que la constitution de février 1992 ne le permet. Que de malices derrière ce projet de révision constitutionnelle !
B. Daou
Source: Le Républicain