La France avait-elle des preuves concrètes sur la préparation d’un coup d’État au Burkina Faso? Paris, qui dispose de commandos d’élites dans ce pays, aurait pu intervenir en faveur du Président Roch Marc Christian Kaboré comme il l’avait fait en 2014 avec son prédécesseur Blaise Compaoré qui avait été exfiltré.
Ancienne colonie française, le Burkina Faso fait partie des États d’Afrique de l’Ouest où Paris continue à avoir une certaine influence. Le coup d’État mené les 23 et 24 janvier par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et un groupe d’officiers contre le Président Roch Marc Christian Kaboré a été condamné par les autorités françaises.
“La France comme vous le savez est présente dans la région pour lutter contre le terrorisme. Et de manière constante, je suis attaché à être aux côtés des instances régionales. La CEDEAO a condamné dès hier ce nouveau coup d’État, en effet, mené par des militaires. Et le Président Kaboré ayant été démocratiquement élu par son peuple à deux reprises, la France soutient la position de la CEDEAO”, a déclaré le Président Macron à Radio France internationale au lendemain du putsch.
La force Sabre
Le Burkina Faso est un pays très important dans la stratégie de lutte contre le terrorisme de la France. C’est sur le territoire burkinabè qu’est basée l’opération Sabre, une task force de plus de 300 membres des forces spéciales françaises. Les éléments de Sabre ont cette capacité de projection dans l’ensemble du Sahel. C’est d’ailleurs un commando de cette force qui a neutralisé Abdelmalek Droukdel, le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI)*, le 3 juin 2020, au nord du Mali. Les forces spéciales françaises sont également disposées à intervenir lors de crises internes. C’est ce qui s’est produit le 31 octobre 2014 lorsque la France a organisé l’exfiltration de l’ancien Président Blaise Compaoré lors des événements du soulèvement populaire dans ce pays, communément appelé “la deuxième révolution burkinabè”.
Cette fois-ci, les réseaux français à Ouagadougou étaient-ils réellement au courant des plans du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et de ses hommes? Oui, si l’on en croit le média Africa Intelligence qui relate, dans un article publié le 25 janvier, “comment Paris se préparait au coup d’État”. “La France anticipait depuis septembre une tentative de putsch comme celle qui s’est déroulée, les 23 et 24 janvier, à Ouagadougou, et était depuis des mois en alerte maximale“, assure AI sans citer de sources.
Le média, considéré proche des centres de décisions français, annonce que Paris a proposé au Président Roch Marc Christian Kaboré un plan d’exfiltration que celui-ci aurait rejeté. En clair, la France savait mais n’a rien fait.
Laurent Bigot, ancien sous-directeur Afrique de l’Ouest au Quai d’Orsay, explique à Sputnik que cet article est “une piètre tentative de propagande pour s’accrocher aux branches“, soutient celui qui avait été limogé de son poste au ministère français des Affaires étrangères pour avoir annoncé, en 2012, la chute de Blaise Compaoré.
“Si les Français savaient, pourquoi ne l’ont-ils pas annoncé avant? Pourquoi n’ont-ils pas mis en garde le Président Kaboré? En fait, ce n’est pas un scénario vraisemblable, car il n’est pas dans l’intérêt de la France que se produise un changement aussi brusque au sommet du pays. Nous avons des troupes sur place, donc cette hypothèse n’est pas envisageable”, souligne Laurent Bigot.
L’ancien diplomate en conclut que la France “ne comprend plus les évolutions fondamentales, elle n’est plus en capacité d’anticiper en Afrique de l’Ouest“. Ce qui s’est produit au Mali, en République de Guinée et maintenant au Burkina Faso sont autant de signes que les pays d’Afrique de l’Ouest échappent de plus en plus à l’influence française.
100% burkinabè
Laurent Bigot écarte par ailleurs toute “intervention étrangère” dans le putsch contre Roch Marc Christian Kaboré. “C’est un fantasme, ce coup d’État est à 100% burkinabè. Il est vrai que certains États en profitent pour enfoncer la France, notamment la Russie“, avance l’ancien diplomate français.
Le directeur adjoint du Département de l’information et de la presse du ministère russe des Affaires étrangères Alexeï Zaitsev a déclaré, pour sa part, lors d’une conférence de presse:
“Nous exprimons notre inquiétude face aux événements [récents, ndlr] au Burkina Faso […]. Nous partons d’une position de principe relative à l’inacceptabilité des actions anticonstitutionnelles pour changer de pouvoir, nous appelons à la libération immédiate du Président Roch Kaboré, ainsi qu’au rétablissement sans délai d’un régime civil dans le pays.”
*Organisation terroriste interdite en Russie