L’Assemblée nationale examine, ce jeudi matin le projet de loi organique initié par le gouvernement pour une prorogation du mandat des députés. La première prorogation de six mois intervenue en décembre dernier arrivera à terme, ce dimanche 30 juin 2019. Seul, le vote de ce projet de loi, qui divise la classe politique, initié par le gouvernement, pourra remettre en activité les députés.
Une nouvelle prorogation du mandat des députés va être examinée, ce jeudi 27 juin 2019, à l’Assemblée nationale, à travers un projet de loi pris par le gouvernement en conseil des ministres du 7 juin 2019. Cette fois-ci, la prorogation est d’un an (2 mai 2020) contrairement à la première qui était de six mois. Le projet de loi prolongeant le mandat des députés est justifié par la nécessité des réformes politiques et administratives en cours, les conditions sécuritaires précaires dans une bonne partie du pays, qui empêche la tenue de l’élection législative. À cause de celles-ci, l’État est absent dans certaines localités, à travers ses services déconcentrés.
L’autre argument consiste à maintenir les députés en activités pendant une année afin qu’ils travaillent sur le document de la révision constitutionnelle devenue une impérative pour le pays en vue de corriger des lacunes de la loi Fondamentale, mais aussi de tenir en compte des dispositions de l’Accord pour la paix.
Malgré ces raisons, l’initiative de la prorogation est rejetée par une partie de la classe politique ainsi que la société civile. Pour ces frondeurs, c’est une violation de la constitution du 25 février 1992 de proroger le mandat des députés. D’autres prônent la mise en place d’une Constituante estimant que la composition actuelle de l’Assemblée nationale ne reflète pas la nouvelle configuration politique du Pays, dégagée lors de la dernière présidentielle.
Ainsi, le mouvement Trop C’est Trop, dans une lettre adressée aux membres de la Cour constitutionnelle, estime que cette prorogation, tout comme la précédente, est une violation flagrante de la Constitution du 25 février 1992, notamment au niveau de l’article 61 qui fixe le mandat des députés à 5 ans, sans aucune possibilité de prorogation.
Cette prorogation, à travers une loi organique, n’est ni plus ni moins qu’une révision de la Constitution en dehors de toutes les procédures prévues à cet effet. Cependant, ni le Gouvernement ni l’Assemblée nationale encore moins la Cour constitutionnelle n’ont le droit de revenir sur une disposition constitutionnelle en dehors de la procédure prévue par elle, à cet effet.
À l’image du mouvement Trop c’est trop, l’ADP-Maliba et RpDM ont fait une déclaration commune pour s’opposer au projet de prorogation du mandat des députés. Pour les responsables de ces deux formations, la composition actuelle de l’Assemblée nationale ne reflète pas la réalité actuelle du paysage politique. Tout en demandant le retrait pur et simple du projet de loi gouvernemental, ils proposent en lieu en place de la prorogation, la mise en place d’une Assemblée constituante.
À l’inverse, il y a ceux qui pensent que c’est la seule alternative crédible pour éviter un vide constitutionnel. Il s’agit en occurrence des alliés du pouvoir, dont le président de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD) qui vient créer un autre regroupement politique au compte de la majorité.
« Justement, c’est la constituante qu’il faut absolument éviter », rétorque Tiéman Hubert COULIBALY. Comme lui, Mamadou DIARRASSOUBA pense que les opposants à la prorogation du mandat des députés mènent un combat personnel.
« Ils ne se battent pas pour le pays. Ils s’opposent parce qu’ils veulent être à l’Assemblée nationale. Avant tout, nous sommes à l’Assemblée nationale parce que nous avons bénéficié d’une légitimité populaire », déclarait le responsable politique du parti présidentiel à Koulikoro.
En dépit des polémiques que cette question soulève, au sein des états-majors politiques, presque tous les observateurs affirment que le projet risque de passer comme la lettre à la poste ce matin à l’Assemblée nationale. Selon les tenants de cette thèse, les députés ne partagent pas la position de leur direction politique.
Pour rappel, malgré les oppositions des partis politiques lors de la 1re prorogation intervenue en novembre dernier, aucun député n’a voté contre le projet. Au moment des faits, l’Assemblée comptait 2 groupes parlementaires. Le texte ce jour a été adopté par 137 voix contre cinq abstentions.
Par Sikou BAH
Info Matin