Le nouveau projet de loi pris au dernier conseil des ministres est très ambitieux. Ainsi, selon le communiqué du conseil des ministres, le projet de loi vise à « En plus de consacrer la création de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections, chargée de l’organisation et de la gestion de toutes les opérations électorales et référendaires, il apporte des innovations relatives entre autres :- à la fixation des circonscriptions électorales pour les élections législatives, à savoir la Région et le District de Bamako pour le territoire national et les zones géographiques pour la diaspora ; – au scrutin de liste à la représentation proportionnelle sans panache ni vote préférentiel comme mode de désignation des députés à l’Assemblée nationale ; – à l’introduction du parrainage citoyen à côté du parrainage des élus ; – à l’introduction du bulletin de vote unique ; – à l’affirmation du principe du vote électronique, sous réserve de l’adoption d’une loi spécifique ; – au plafonnement et au contrôle des dépenses de campagne électorale ; – à la publication des résultats par bureau de vote et à la transmission électronique des Procès-verbaux de dépouillement ; – à l’encadrement et au renforcement de l’observation électorale ».
C’est un projet très ambitieux à plus d’un titre.
D’abord la mise en place de l’organe unique de gestion consacre la rupture avec l’ancien système pour d’évidentes raisons (la nécessité d’introduire une dose de transparence et de neutralité dans les concertations populaires et peut-être même la recherche d’un gain de temps pour la proclamation des résultats). Si la création de l’institution a pu susciter quelques réticences, notamment de la part des partis politiques désireux de forcer la cadence pour aller aux élections, désormais les jeux sont faits. Cet organe indépendant et multitâche verra le jour sous peu.
Ensuite, nous pouvons constater que les auteurs du projet se sont laissé séduire par le modernisme. Désormais le vote électronique pourra être admis. Une loi viendra en préciser les conditions et modalités. Si le principe peut paraître séduisant, dans un contexte d’occupation d’une grande partie du territoire, des difficultés d’une application concrète et des éventuelles fraudes sont à craindre. Mais nous ne pouvons qu’attendre la loi spéciale, pour faire un pronostic objectif.
Par ailleurs, l’introduction du parrainage, une mesure qui pourrait inciter plus de recevabilité, soulève la question de son application effective. Comment allons-nous choisir les maliens qui seront dignes de parrainer les candidats ? Et ce choix sera fait de quels critères objectifs ? Enfin, une dernière invention mais pas la moindre, le plafonnement et le contrôle des dépenses des campagnes nous interpelle. On se demande, d’abord, pourquoi une telle initiative n’a pas été prise depuis fort longtemps. Donc on ne peut que féliciter le pouvoir en place pour y avoir songé !
Cependant, la mesure, qui vise certainement à moraliser le financement des campagnes, pourrait bien être lettre morte. Ce projet de loi, une souris qui va accoucher d’un éléphant serait, à cet égard, utopique. En ce sens que dans un pays où il est quasi-impossible de tracer l’origine et la destination des fonds, vouloir plafonner et contrôler les dépenses, c’est méconnaître le génie malien. On se rappellera que 90% des transactions se font en espèces sans justificatif dans ce pays. L’épisode de la valise de 100 millions, donnée pour des bénédictions, en est une illustration parfaite.
En somme, les mesures phares de ce projet de loi, quoique indispensables dans une démocratie pluraliste, pourraient être ineffectives. Elles existeront en théorie mais seront dévoyées parce que les circonstances et les mentalités n’y sont pas favorables. Les maliens sont habitués à monnayer leurs votes. Le programme de campagne est la chose des partis et ils y mettent ce qu’ils veulent. Les électeurs n’en ont cure à partir du moment où l’espèce circule. Ainsi, à l’instar de l’article 72 de la loi électorale de 2006, édictant l’interdiction de la publicité et de l’usage de moyens pour influencer les électeurs, les dispositions encadrant le financement des campagnes demeureront des textes sans intérêt pratique.
L’épisode Sarkozy nous enseigne que le phénomène n’est pas aisé à endiguer. Alors on a de la peine à imaginer les modalités d’application de cette mesure dans la logique malienne. La loi spéciale qui va en fixer les contours sera-t-elle une pâle copie des dispositions françaises ?
On en conclut, peut-être de façon prématurée, que le projet de loi, en dépit de l’importance des idées novatrices et pertinentes, est une ambition démesurée. Mais il fallait oser pour parfaire les règles d’une démocratie pluraliste agonisante.
Let’s wait and see!
Dr DOUGOUNÉ Moussa
Professeur d’enseignement Supérieur
Consultant Formateur auprès des entreprises et des banques
Source: Le Pélican