Depuis la signature de l’accord de paix, la question qui taraude l’esprit est de savoir si l’application dudit accord nécessite une révision constitution. Pour palier le doute, le professeur Makan Moussa Sissoko, Président de l’association malienne de droit constitutionnel, nous a accordé une interview dans laquelle il explique les tenants et aboutissants de la mise en œuvre du document avec les retombés de la reforme administrative. Lisez.
La signature de l’accord de paix impose au Mali des reformes pour son application. Au titre de ces reformes, est-ce qu’il faut citer la révision constitutionnelle. Quelle est votre lecture de la situation ?
Ce qu’il faut savoir d’abord, c’est qu’un accord est la somme de certains compromis. On s’est mis d’accord sur des points. Mais, en fait, rien dans l’accord ne justifie aujourd’hui une révision constitutionnelle qui n’était pas prévue par le Mali. Comme vous le savez, la loi constitutionnelle, votée par l’Assemblée nationale et adoptée par le gouvernement, qui devrait être soumise au referendum, avait prévu la création d’un Sénat. S’il y a un aspect dans l’accord qui peut entrainer la modification éventuelle de la constitution c’est la création d’un Sénat, chose que le Mali même avait déjà prévu. N’eut-été le coup d’Etat, ce problème aurait été déjà réglé. De toute façon, dans le cadre de la politique de décentralisation, l’objectif est de créer le Sénat et c’est évident. Mais à part çà aucun autre point de l’accord ne nécessite la révision de la constitution.
Il y a aussi la question de la reforme administrative en ce qui concerne la décentralisation telle que prévue par l’accord. Que vous inspire cette reforme ?
Voila un cas qui avait déjà été voté par l’Assemblée nationale. Au Mali, la loi actuellement en vigueur prévoit l’élection des conseillers régionaux au suffrage universel direct. Ce n’est pas une nouveauté car cette loi existe déjà. Le seul aspect qui apparait dans l’accord que certains semblent voir contraire à cette loi est quand on dit que le Président de l’Assemblée régionale est élu au suffrage universel direct. Ça ne change rien, car c’est le mode de scrutin. Et c’est la même chose que quand nous disons que le Président de l’Assemblée régionale sera la tête de liste majoritaire. De toute façon, l’élection à l’Assemblée régionale ne peut être qu’une élection de système proportionnel. Et qui dit système proportionnel dit système de liste. Ce qui nous renvoie au système de tête de liste. Donc il n’y a rien de nouveau.
Quelles peuvent-être les retombées de cette reforme administrative par rapport aux autres régions du Mali ?
Aucune retombée négative et çà ne peut avoir que des retombées positives. Depuis que le Mali s’est engagé dans le processus de décentralisation, il s’agit d’aller vers l’autonomie de gestion des collectivités locales pour obtenir la participation complète des citoyens par rapport à la gestion de leur affaires. Donc toutes les régions du Mali seront dotées d’Assemblée élue, d’un Président élu au suffrage universel direct. Ce qui signifie que toutes les régions du Mali seront à même de booster leur développement selon la volonté des populations locales.
Selon vous, quelles peuvent être les difficultés résultant de l’application de cet accord ?
Les principales difficultés qui peuvent résulter de cet accord est l’irrédentisme de certains groupes qui refuseront de signer l’accord. Mais rappelez-vous, en 1992 il y a certains qui n’ont jamais signé comme les Ag Rhissa, et tout le monde sait comment ils ont fini. De toute façon, ceux qui refuseront de signer seront considérés comme hors-la-loi. Dans ce cas, ils auront le sort réservé à tous les hors-la-loi dans tous les pays du Monde. Dès que vous sortez, vous vous exposez à des sanctions ou à une éradication d’une manière ou d’une autre.
Etre-vous confiant pour l’application stricte de cet accord ?
Je reste confiant car un mauvais accord vaut mieux que pas d’accord. Je pense que cet accord est très équilibré. Le gouvernement du Mali a obtenu un bon accord, et l’objectif c’est de veiller à son application correcte. Ce serait difficile, mais c’est quand même la première fois au monde que la communauté internationale s’engage formellement à veiller au respect d’un accord signé dans un pays. Çà, c’est un acquis qu’il ne faut pas perdre.
Propos recueillis par Ibrahim M.GUEYE
Source: Le Prétoire