Si le processus électoral n’est pas consensuel, il peut entraîner des dissensions fortes débouchant sur de houleuses contestations des résultats des futures élections générales. Cela doit être évité pour donner des chances au pays de sortir de la crise multidimensionnelle qu’il traverse.
Dans une récente intervention sur un plateau de télévision, des soutiens du pouvoir de Transition avaient laissé entendre que sous la pression internationale, l’élection présidentielle peut se tenir dans la précipitation et offrir la victoire à un éventuel candidat de la junte. Cette analyse pourrait trouver des arguments dans un processus électoral non consensuel. Cela peut même aller jusqu’à une élection présidentielle boycottée par une partie de la classe politique. Et, à peine enclenché, le processus électoral suscite des interrogations.
Comment les autorités de la Transition parviendront-elles à conduire la période en cours vers un processus électoral paisible susceptible de sortir le pays de l’ornière ? Comment résoudre cette équation avec la crise de confiance actuelle entre les acteurs politiques ?
C’est à l’issue du conseil des ministres du mercredi dernier que le gouvernement a rendu public le nouveau projet de loi électorale. Celui-ci suscite déjà des récriminations de la part de certains partis politiques. Comment le président de la Transition pourra-t-il juguler la crise de confiance, qui est à la base de ces récriminations ? Comment un tel climat de suspicions permettra-t-il de relever les défis d’une transition apaisée et d’une sortie de crise apaisée et consensuelle ?
En effet, dans un communiqué publié quelques heures après le conseil des ministres, le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, exprime plusieurs réserves sur le texte envisagé. Ces acteurs politiques souligne que la démarche d’élaboration du texte n’est ni consensuelle ni inclusive. Avant de dénoncer que le porteur du projet soit le ministre délégué chargé des Réformes, au lieu du ministre de l’Administration territoriale, comme c’est le cas habituellement.
Ce point de désaccord prouve que les acteurs politiques qui exigent la tenue rapide des élections pour une fin à bon délai de la Transition ont définitivement perdu confiance en les autorités du pays. Et Amadou Koïta du parti PS Yeleen Kura expliquait le jeudi dernier sur une chaîne de télévision que le Cadre préfère voir les militaires conduire le processus électoral. Faut-il rappeler que le Cadre d’échanges avait déjà émis le vœu que les concertations entre partis politiques et administration territoriale reprennent ?
En clair, une partie de la classe politique ne fait confiance qu’au Lieutenant-Colonel Abdoulaye Maïga, le ministre de l’Administration territoriale pour conduire de main de maître la machine électorale. Ce qui ne semble pas être la position du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Celui-ci avait, dès sa prise de fonction, rassuré que le pays doit mettre sur pied un « organe unique de gestion des élections ». Alors que le militaire ministre de l’Administration territoriale, avait laissé entendre que le temps restant à la transition ne permettait pas de rendre opérationnelle une telle structure. Cette différence de vue entre le lieutenant-colonel Maïga et le Premier ministre a peut-être incité ce dernier à le mettre à la touche du processus électoral. Et c’est cette manœuvre qui a attisé la crise de confiance entre le Premier ministre, un politique, chef de parti politique et une partie de la classe politique qui l’accuse d’avoir un agenda particulier.
En outre, les récentes prises de positions du chef du gouvernement pour critiquer le bilan du mouvement démocratique suscitent des appréhensions dans le camp du Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques. Ceux-ci sont quasiment convaincus que le chef du gouvernement est devenu leur adversaire politique. « S’il déclare que le bilan véritable du mouvement démocratique n’est que la floraison des partis politiques, c’est pour travailler à liquider le mouvement démocratique », analyse un leader politique du Cadre
Par ailleurs, pour les leaders de l’ASMA-CFP, de YELEMA, de la CODEM, du RPM, de l’UDD, du PARENA et d’autres forces politiques, Choguel Kokalla Maïga est un pourfendeur du mouvement démocratique. Il serait prêt à agir afin d’empêcher que le prochain pouvoir démocratiquement élu échoit dans le camp de ceux qui revendiquent l’héritage du mouvement démocratique. Cette suspicion risque de plomber le jeu électoral, surtout qu’avec les pressions extérieures actuelles, le Transition en cours pourrait être limitée par un impératif de temps. A défaut de février-mars 2022, le pouvoir de Transition pourrait être contraint à passer les rênes du pays à de nouvelles autorités élues. Et les actions du Pouvoir actuel sont loin d’être neutres pour ne pas chercher à impacter sur les futures échéances électorales. Et c’est là tout le défi d’un processus électoral consensuel et rassurant. Ce qui interpelle le chef de l’Etat, le Colonel Assimi Goïta, à jouer toute sa partition, afin de réinstaurer un climat de confiance pour sauver le pays. Cela peut aller jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier ministre, non politique, ou la réaffectation de tout le processus électoral au ministre de l’Administration territoriale (militaire), et non aux ministres chargés des réformes (des politiques).
Kassoum TOGO
Source : Mali-Horizon