L’audience d’hier a consisté à la présentation des accusés à la barre. Les travaux reprennent demain après une suspension d’une journée à la demande des avocats de la défense.
« Je m’appelle Amadou Aya Sanogo, général de corps d’armée et ancien chef de l’Etat », c’est en ces termes que s’est présenté hier devant la Cour d’assises en transport à Sikasso, le chef de l’ex-junte qui a renversé le régime du général Amadou Toumani Touré le 22 mars 2012. Cette présentation de l’ex-homme fort de Kati, un brin provocateur, a été chaudement acclamée par ses nombreux partisans qui avaient pris d’assaut la salle d’audience.
Il a fallu que le président de la Cour, Mahamadou Berthé, mette fin au chahut en menaçant de faire évacuer la salle. « Nous ne sommes pas dans une salle de théâtre. Nous sommes ici à une audience solennelle de la Cour d’assises. Si une telle chose se reproduit, je serais dans l’obligation de faire évacuer la salle », a averti le magistrat qui a dirigé l’audience de main de maître.
C’est à 9h20 que la séance a été ouverte dans la salle Lamissa Bengaly à moitié vide. Parmi la foule qui avait afflué devant la salle de spectacle, nombreux sont ceux qui n’ont pas pu accéder à l’audience car les conditions d’accès étaient drastiques et les éléments des forces de sécurité mobilisés en grand nombre étaient très stricts. Les policiers et les gendarmes chargés de filtrer l’entrée, ont interdit l’accès à tous les partisans du chef de l’ex-junte qui arboraient des t-shirt à son effigie.
« On est venu soutenir notre champion mais on nous interdit de le voir. Ce n’est pas juste. De toute façon, il sera bientôt en liberté et nous continuerons à le soutenir », a lancé le jeune Abdoulaye Dembélé, membre du club Amadou Aya Sanogo de Sikasso.
Beaucoup de gens, venus à ce procès, étaient certainement curieux de voir Amadou Aya Sanogo, en détention, depuis son interpellation en 2013. L’homme a fait son apparition dans la salle d’audience dans un costume beige, chemise blanche et une cravate chocolat.
L’ex-homme fort de Kati a considérablement maigri durant ces trois années de détention. « Après trois ans de prison et loin de Bamako, c’est normal que je sois comme vous me voyez », nous a murmuré à l’oreille Amadou Aya Sanogo au cours d’une suspension de l’audience pour 30 minutes.
A la reprise des travaux, les 18 détenus ont été appelés à se présenter à la barre. Tous ont répondu et les plus connus sont naturellement Amadou Aya Sanogo, Amadou Konaré, le numéro 2 de l’ex-junte qui portait un boubou, l’ancien ministre de la Défense, Yamoussa Camara, l’ex-chef d’état-major des Armées, Ibrahim Dahirou Dembélé, l’ex-directeur de la gendarmerie nationale, Bloncoro Samaké.
Rappelons que Amadou Aya Sanogo et ses compagnons sont accusés d’enlèvement et de complicité d’enlèvement, d’assassinat et de complicité d’assassinat dans une affaire où 21 militaires du 33è régiment des commandos parachutistes communément appelés bérets rouges ont été enlevés et froidement exécutés dans le paisible village de Diago. Leurs restes ont été retrouvés quelques mois plus tard dans un charnier. Une armée d’avocats est mobilisée pour assurer la défense des accusés. Ils sont au nombre de 14 dont les plus connus sont Me Harouna Toureh, Me Cheick Oumar Konaré (ancien journaliste), Me Mariam Diawara, Me Boubacar Karamoko Coulibaly. Du côté des avocats de la partie civile, il y a notamment Me Moctar Mariko (président de l’AMDH), Me Hamidou Diabaté, Me Oualy Diawara, Me Clémence Beckart du barreau de Paris, Me Assane Doma N’Diaye du barreau du Sénégal.
Aucun témoin de la défense, appelé à la barre, n’a répondu présent. Parmi ces témoins, figurent le célèbre prêcheur Chérif Madane Haidara, le général Didier Dacko, l’ancien président Dioncounda Traoré, le colonel Diamou Keita. Par contre, les témoins de la partie civile ont répondu présents. Parmi eux, on peut citer Hamidou Sissoko dit Man, ancien chef d’état-major particulier du président Amadou Toumani Touré.
Après quatre heures d’horloge debout à la barre, certains accusés ont commencé à montrer des signes de fatigue et ont demandé à s’asseoir. C’est en ce moment que leurs avocats ont demandé une suspension de l’audience en arguant qu’ils n’ont pas eu le temps de s’organiser depuis leur arrivée à Sikasso et de bien communiquer avec leurs clients. Après avoir consulté ses deux assistants, le président de la Cour a suspendu l’audience jusqu’au vendredi prochain.
Envoyés spéciaux
M. KEITA
H. KOUYATÉ
FORTE MOBILISATION
Depuis 6 heures du matin, les habitants de Sikasso ont pris d’assaut la salle Lamissa Bengaly pour assister à l’ouverture du procès de l’ancien putschiste Amadou Aya Sanogo et 17 autres compagnons accusés d’enlever et d’exécuter 21 bérets rouges dans le cadre d’un règlement de compte. Les journalistes sont venus très nombreux pour couvrir cet événement historique dans la capitale du Kénédougou.
Compte tenu du caractère très sensible de ces assises, la justice a mobilisé de gros moyens pour que tout se déroule bien. L’accès à la salle d’audience était donc soumis à la présentation d’un badge. Mais pour avoir ce sésame précieux, c’était la croix et la bannière. Une longue file de demandeurs de badge s’est dressée devant la cour. Certains ne cachaient pas leur colère d’attendre très longtemps.
Les supporters de Amadou Aya Sanogo ont vite attiré les caméras et appareils photos avec t-shirt c
onfectionné à l’effigie de leur idole sur lequel était écrit : «Nous croyons en Dieu et en notre justice
, la justice divine et impartiale. Nous y passerons tous».
Assa Traoré, une fille de 17 ans, était parmi les gens qui se sont mobilisés pour la cause de l’ex-chef de la junte. «Je suis venue sans même prendre le petit déjeuner. En tant que fille d’un gendarme, je pense que Sanogo ne mérite pas la prison. On est tous derrière lui pour que la justice triomphe», a lancé la jeune fille.
L’arrivée des parents des victimes et leurs avocats n’est pas non plus passée inaperçue. Tout de blanc vêtus, les parents des victimes ont voulu démontrer à la cour qu’ils portent toujours le deuil de leurs proches disparus. «Nous sommes venus pour que justice soit faite. Nous sommes très confiants pour que tout se passe bien dans ce sens», a confié à la presse, Me Moctar Mariko, l’un des avocats de la partie civile.
De l’ouverture de l’audience jusqu’à sa suspension après 5 heures de débat, aucun incident majeur n’a été signalé. Lorsque le président de la cour a menacé d’évacuer la salle, les supporters de Amadou Aya Sanogo sont devenus « doux comme agneau ».
M. K.
Source : L’ Essor