Mahamat Saïd Abdel Kani fait face à sept chefs d’accusation, dont des faits de torture commis en 2013 à Bangui contre des détenus favorables à l’ancien président François Bozizé.
Accusé devant la Cour pénale internationale (CPI) de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, l’ex-commandant rebelle présumé de Centrafrique Mahamat Saïd Abdel Kani a plaidé non coupable lundi 26 septembre lors de l’ouverture de son procès à La Haye.
« J’ai tout écouté, mais je plaide non coupable », a affirmé à la cour Saïd Abdel Kani, 52 ans, vêtu d’un costume trois-pièces gris foncé, chemise bleu ciel, après une lecture préliminaire de l’acte d’accusation. « Je plaide non coupable sur toutes les situations, sur toutes les accusations », a ajouté l’ancien commandant présumé de la coalition rebelle à dominante musulmane Séléka devant le tribunal présidé par la juge Miatta Maria Samba.
Accusé notamment d’avoir torturé des personnes détenues lors de troubles civils en 2013 en République centrafricaine, Saïd Abdel Kani fait face à sept chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis entre avril et août 2013 à Bangui contre des détenus soupçonnés de soutenir l’ancien président François Bozizé.
« M. Saïd a indiqué qu’il plaidait non coupable de tous les chefs d’accusation, c’est son droit », a noté le procureur général de la CPI Karim Khan. « Mais la beauté de la loi, c’est qu’elle ne laisse aucun moyen de se dissimuler, les accusations dont il est question sont véritablement assez affreuses », a-t-il ajouté. Mahamat Saïd Abdel Kani avait été remis en janvier 2021 par les autorités de Bangui à la CPI sur la base d’un mandat d’arrêt délivré en 2019.
Une méthode de torture dite « arbatachar »
La cour, basée à La Haye, a partiellement confirmé fin 2021 les charges portées contre Saïd Abdel Kani, notamment les chefs de torture, de persécution, de traitement cruel et d’atteinte à la dignité des personnes.
La République centrafricaine, l’un des pays les plus pauvres du monde, a été plongée en 2013 dans une guerre civile sanglante après un coup d’Etat qui a renversé le président François Bozizé. Les combats ont opposé la coalition de groupes armés qui a renversé M. Bozizé, la Séléka, majoritairement musulmane, à des milices majoritairement chrétiennes et animistes soutenant le président, les anti-Balaka. Les violences auraient fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, selon la CPI.
Selon le parquet de la CPI, Saïd Abdel Kani était un haut commandant de la Séléka responsable d’un poste de police où des partisans présumés de M. Bozizé ont été battus et torturés après leur arrestation.
Parfois appelé « colonel », « chef » ou « directeur », il supervisait les opérations quotidiennes de ce centre qui appartenait à une unité de police appelée Office central de répression du banditisme (OCRB), selon des documents de la cour. Il est accusé d’avoir ordonné à ses subordonnés de maltraiter les détenus accusés de soutenir M. Bozizé ou les anti-Balaka, notamment en les soumettant à la méthode de torture dite « arbatachar » pour leur extorquer des aveux.
Dans une petite cellule souterraine
Cette technique, dont le procureur a montré des photos, consistait à lier de façon très serrée les mains, les coudes et les jambes du détenu derrière son dos, les jambes touchant les coudes. Certains détenus en auraient conservé « les bras et les jambes paralysés, décolorés ou putréfiés », selon les documents présentés à la cour.
Des prisonniers auraient été jetés dans une petite cellule souterraine, accessible uniquement par un trou dans le sol du bureau de Saïd Abdel Kani au siège de l’OCRB dans la capitale, ont affirmé les procureurs de la CPI. Les détenus étaient « traités, non comme des êtres humains, ni même comme des animaux, mais encore un cran en dessous. Une humanité éviscérée par les pratiques de l’accusé », a lancé le procureur Karim Khan.
Deux anciens chefs de guerre centrafricains, Patrice-Edouard Ngaïssona et Alfred Yekatom, qui dirigeaient des milices anti-balaka, sont actuellement jugés par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le pays de quelque cinq millions d’habitants – qui, selon l’ONU, est le deuxième pays le moins développé du monde – reste en proie à la violence et aux violations des droits de l’homme.