Malgré une économie reluisante caractérisée par des chiffres sur la croissance économique fièrement brandis comme preuve de performance par les autorités publiques, les Pme/Pmi restent encore en marge de cette croissance économique à cause de difficultés liées au financement de leurs activités dont principalement l’accès aux services bancaires. Pour remédier à cette situation, nos banquiers ont fait beaucoup d’efforts ces cinq dernières années pour mettre en place des stratégies basées sur le partage des risques. Mais il faut aller plus loin dans le financement des activités des Pme/Pmi comme le recommande le Conseil des ministres de l’Uemoa.
La longue marche du système bancaire
La première rencontre semestrielle au titre de l’année 2016 entre le Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao), Monsieur Tiémoko Meyliet Koné, et les présidents des Associations professionnelles des banques et établissements financiers (Apbef) de l’Uemoa et de leur Fédération, s’est tenue le lundi 29 février 2016, dans les locaux du Siège de la Bceao, à Dakar. Cette réunion, qui s’inscrit dans le cadre de la concertation permanente entre la Banque centrale et la profession bancaire, a porté sur le dispositif de soutien au financement des Pme/Pmi, adopté par le Conseil des ministres de l’Umoa, lors de sa session du 29 septembre 2015, ainsi que sur les modalités de l’opérationnalisation du mécanisme.
L’objectif principal du dispositif de soutien au financement des Pme/Pmi dans l’Umoa est de créer une masse critique de petites et moyennes entreprises performantes, en vue d’augmenter la contribution de cette catégorie d’entreprises à la création de richesses et à la lutte contre le chômage. Ce dispositif de soutien implique les Etats, au travers des structures d’appui et d’encadrement des Pme/Pmi, la Banque centrale et les établissements de crédit ainsi que le marché financier régional. Conformément au plan d’action arrêté, le dispositif serait fonctionnel au second semestre de l’année 2016.
Mais il faut rappeler que, par manquement aux obligations de respect des normes de l’orthodoxie financière, les banques et établissements financiers adoptent une stratégie que des experts qualifient de «défensive» voire de prudence vis-à-vis de ce segment de la clientèle qui recèle pourtant d’importantes opportunités de développement des activités bancaires car grande demandeuse de concours à moyen ou long terme.
Au sujet de cette prudence, l’une des raisons principalement évoquées se trouve dans l’absence de garanties pour la couverture du risque. On nous rétorquera que la garantie ne fait pas le crédit, mais elle permet de sécuriser dans une certaine mesure le risque pris par le financier. C’est une des préoccupations majeures du système bancaire. Surtout qu’une proportion non négligeable de ces Pme/Pmi exerce dans l’informel. Ce qui signifie: pas de comptabilité minimum devant permettre aux banquiers de pouvoir évaluer leur situation ou la faisabilité de leurs affaires. Une façon pour certaines entreprises d’échapper au devoir du paiement régulier des impôts en se cachant derrière un régime fiscal taillé sur mesure. Le secteur informel ne serait alors rien d’autre qu’un cadre non légal, mais nos Etats s’en sont accommodés en Afrique, à tel point qu’à l’heure actuelle, il constitue un véritable handicap pour la compétitivité du secteur privé.
Le partage des risques
C’est d’autant plus vrai que ces Pme/Pmi, en tant qu’unités de production informelles disposant de moyens très limités, sont aussi dépourvues de ressources et de biens à proposer en garantie pour bénéficier d’un accompagnement bancaire. Très souvent, les actifs immobiliers sont des patrimoines familiaux difficilement utilisables comme sûreté. Sur la base de ce constat, la question du financement des Pme/Pmi taraude les esprits au niveau des autorités politiques et monétaires, ainsi qu’au sein des acteurs économiques. Il est question d’inciter le système financier à mettre en place des stratégies pour essayer de booster son rôle dans le financement de l’économie. Dès lors, la question de la prise en compte des Pme/Pmi se pose avec plus d’acuité, amenant des établissements bancaires et financiers à mettre en place un service spécialement dédié à cette frange de la clientèle. Des conseillers formés à cet effet sont chargés d’en assurer l’animation.
La première conséquence en a été le rapprochement entre ce segment de clientèle et le système financier qui a mis en place un parfait attirail, notamment avec une baisse, voire même la gratuité de plusieurs services. Ce qui a permis de capter une partie des Pme/Pmi dont beaucoup ont migré des caisses d’épargne et de crédit vers les banques auxquelles elles apportent des ressources, disons de l’épargne, parce qu’elles en génèrent.
Apparaît aussi dans cet attirail, la notion de partage de risque, notamment avec la signature par les banques de conventions avec des institutions internationales ou régionales pour une couverture du risque à 50 % des engagements en faveur des Pme/Pmi. En d’autres termes, vont émerger de véritables structures de promotion de l’investissement du secteur privé, en termes de fonds de garantie, pour booster ainsi le financement des activités des Pme/Pmi – principales cibles- par les établissements bancaires et financiers.
Revoir l’identification des indicateurs de performances
Mais ce n’est pas suffisant car il faudrait aller plus loin dans les initiatives, comme par exemple revoir l’identification des indicateurs de performances économiques et financières des Pme/Pmi, en ne se fondant pas seulement sur l’application stricto sensu des ratios conventionnels, mais en essayant d’aller au-delà, pour certainement en arriver à des comptes de résultats prévisionnels retraités par les banquiers, à partir des informations tirées des emprunteurs ou promoteurs lors des entretiens, ainsi que des études sectorielles. C’est une possibilité d’ailleurs évoquée par Moussa Alassane Diallo, le Président-directeur général de la Banque nationale pour le développement agricole du Mali (Bnda), lors de la conférence de presse de lancement des journées bancaires 2016 qu’il introduisait en tant que président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (Apbef).
Evidemment, cela n’exclut pas, comme le recommande Bale II, relayé par la Commission bancaire, que les banques mettent en place de véritables outils d’appréciation et de gestion du risque.
De toute façon, en attendant d’explorer de nouvelles pistes d’intervention en faveur des Pme/Pmi, les représentants de la profession bancaire (les présidents des Apbef) lors de la rencontre avec le Gouverneur de la Bceao, ont marqué leur adhésion à ce dispositif adopté par le Conseil des ministres de l’Umoa et ont montré leur entière disponibilité à financer les Pme/Pmi dans ce cadre. Ils ont toutefois invité les Etats à jouer leur partition, à travers notamment l’appui aux structures d’encadrement des Pme/Pmi et la mise en place de mesures de promotion de cette catégorie d’entreprises (accès à la commande publique, développement de la sous-traitance, mise en place d’un point focal pour le règlement des factures des Pme/Pmi dans les délais).
A.B.N.
Source: sphynx