La présidentielle française se tiendra en avril prochain. Les sept candidats de la primaire à gauche dont une femme, s’affronteront dimanche prochain pour désigner celui qui portera les couleurs du Parti socialiste à cette élection.
Quelles seraient leurs priorités pour l’Afrique s’ils étaient élus « Président de la France »? Quel regard portent-ils ainsi que leurs alliés sur l’Afrique, un continent avec lequel la France entretient des relations privilégiées?. Autant de questions posées par RFI à ces candidats dont nous nous faisons le plaisir de reprendre pour vous. A noter que RFI a souligné avoir interrogé 6 des 7 candidats. La représentante du Parti radical de gauche, Sylvia Pinel, s’est abstenue de répondre aux questions.
• Manuel Valls, le partenariat stratégique africain
« L’Afrique doit être le nouvel horizon de la France et de l’Europe, considère Manuel Valls. C’est en Afrique que se joue l’essentiel pour nous demain, sur le plan de l’énergie, de la lutte contre le réchauffement climatique… C’est là où les grandes migrations, aussi, parfois, se déclenchent, parce que l’Afrique va représenter un quart de l’humanité, avec 2 milliards et demi d’habitants en 2050. »
Sa proposition ? « Il faut un partenariat. Et mon premier déplacement à l’étranger comme président de la République serait en Afrique, pour bâtir ce partenariat. Et j’ai par exemple une proposition très concrète, qui est la création d’un Erasmus européen et africain, pour permettre à la jeunesse africaine et à la jeunesse européenne d’entremêler davantage leurs destins. »
Le partenariat de Manuel Valls ? Insuffisant pour Benoît Hamon, qui représente l’aile gauche du Parti socialiste. Ancien ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire de François Hollande, bombardé ministre de l’Education nationale dans le premier gouvernement Valls avant de démissionner, il affiche sa rupture avec la politique africaine de l’ex-Premier ministre, notamment sur la politique d’accueil des migrants.
Cette politique, « je ne la suivrai pas telle quelle, dit-il. Je considère que la France, au diapason de la plupart des Européens, à l’exception de la Suède et de l’Allemagne, est très en deçà de ce qu’elle aurait dû faire vis-à-vis des migrants et des réfugiés. » « Nous ne remplissons pas nos obligations humanitaires dans ce domaine-là », ajoute Benoît Hamon.
« Pourquoi ? Parce que d’une part les conflits qu’ils fuient ne sont pas étrangers à des choix politiques qui sont ceux de l’Occident. Que deuxièmement, la contribution qu’est celle de l’Union européenne au HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, NDLR) ou au Programme alimentaire mondial ; cette contribution est en- deçà de ce que nous devrions faire », argumente l’ancien ministre.
« Il aurait fallu au moins compenser cela par une politique d’hospitalité, continue M. Hamon. Mais là, l’Europe s’est signalée par un rejet des migrants, une volonté de fermer ses frontières, qui moi me désole. La France est très en deçà de ce qu’elle pourrait faire. Chaque année, les grandes villes peuvent accueillir 10 à 20 000 nouveaux habitants. Et on nous explique que la France tout entière ne pourrait pas accueillir 50 à 100 000 migrants. C’est une aberration, c’est absurde. »
Et de conclure : « Moi, je souhaite qu’on utilise des visas humanitaires pour faciliter les voyages de ceux qui veulent fuir ; qu’on remette en cause les accords de Dublin, qui laissent la géographie faire la politique et concentrent les efforts sur les pays qui sont les plus pauvres – je pense à la Grèce ; et enfin, que l’on puisse donner à ceux qui sont des migrants ici, des demandeurs d’asile, au bout de trois mois de résidence, des possibilités de s’insérer par le travail. »
• François de Rugy, sécurité et multilatéralisme
Mali, Centrafrique. Le quinquennat de François Hollande a été marqué par de nouvelles interventions militaires en Afrique. Des interventions que valide François de Rugy, vice-président de l’Assemblée nationale et candidat du Parti écologiste à la primaire, « car c’est en Afrique que la France a un certain nombre de bases ».
« Au Mali, quatre ans après, on peut dire que le président de la République François Hollande a bien fait d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Sur la République centrafricaine, l’intervention de la France a permis de stabiliser la situation. Je pense qu’il est logique que la France soit en première ligne pour défendre la paix, la sécurité et notamment en Afrique », estime l’écologiste.
Mais il s’il s’agit, selon lui, de ne pas en faire un modèle : « Il n’est pas question non plus de laisser croire que la France serait une sorte de gendarme en Afrique. Il faut agir avec l’ONU, avec les organisations africaines. Moi, je suis favorable à ce qu’on pourrait appeler » l’africanisation » de la sécurité africaine. Mais on voit bien que cela se fait difficilement. »
• Arnaud Montebourg, candidat de la relocalisation
Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif puis de l’Economie, lui aussi démissionnaire du gouvernement Valls – au même moment que Benoît Hamon -, est habituellement le grand défenseur du « made in France ». Il veut pour sa part développer l’Afrique. Et les entreprises françaises. D’une pierre deux coups, via la relocalisation.
« Pour moi, expose-t-il, les projets doivent être des projets de croissance en territoire des pays africains. Tout projet qui ne développerait pas l’emploi ne permettrait que de se situer sur des parts de marché commerciales que la France pourrait réacquérir. Et donc, pour moi, c’est d’abord l’implantation d’investissements où la France et les pays africains sont gagnants les uns et les autres. »
Son modèle : « Je l’ai fait, par exemple, avec Renault à Oran, en Algérie. Nous avons fait le choix avec Renault d’implanter à Oran une usine qui ne déshabille pas la France, mais qui relocalise depuis la Turquie vers l’Algérie des véhicules exclusivement pour le marché algérien. Notre intérêt est de développer bien sûr le Maghreb, mais aussi toute l’Afrique subsaharienne où nous avons besoin de développer ces pays. »
• Jean-Luc Bennahmias, le développement avant tout
Le développement de l’Afrique, c’est justement la grande priorité affichée de Jean-Luc Bennahmias, ancien député européen. Mais cet ancien élu des Verts, désormais candidat à la primaire pour le Front démocrate – mouvement qu’il préside depuis son départ du Mouvement démocrate de François Bayrou en 2014 -, s’y prendrait tout autrement s’il devenait président.
Il veut « continuer à faire le travail de l’Agence française de développement, l’AFD, et essayer de faire que les financements qui aident au développement de l’Afrique aillent dans les bonnes poches ». « Ce n’est pas simple, ajoute-t-il, car tout le monde sait aujourd’hui qu’il existe en Afrique des pays qui vont vers la démocratie, mais d’autres qui sont gérés par des autocrates, si ce n’est des dictateurs ».
« Je n’ai pas envie de stigmatiser tel ou tel pays », se défend Jean-Luc Bennhamias, qui affiche son ambition, « faire qu’au-delà des 0,38 % d’aide aux pays en développement, on arrive à peu près le plus rapidement possible vers les 0,7 % ». « Mais que l’argent, je me répète, aille là où il faut qu’il aille, c’est-à-dire l’aide réelle au développement des populations », insiste l’ancien député européen.
Comment ? Qu’est-ce qu’une « bonne poche » ? Qu’est-ce qu’une « mauvaise poche » ? « Les bonnes poches, c’est forcément les associations les plus indépendantes possibles et qui existent en Afrique. Ça, c’est les bonnes poches ! Le financement direct des Etats, c’est plus compliqué… puisque les Etats ne sont pas forcément démocratiques. »
• Vincent Peillon, et l’autodétermination des peuples
François Hollande a-t-il mis un terme aux réseaux opaques de la Françafrique sous son quinquennat ? Vincent Peillon, qui fut le tout premier ministre de l’Education nationale du président sortant, avant que Manuel Valls ne remplace Jean-Marc Ayrault à Matignon, n’y croit pas totalement « Il ne faut pas être naïf », lance-t-il.
Et de préciser sa pensée : « On a bien le sentiment que les choses existent encore, même si elles sont évidemment moins fortes que dans ma jeunesse. On a l’impression que dans un certain nombre de cas, les interventions étaient un peu affaiblies par des réseaux qui resteraient. Par exemple, incontestablement, sur le Congo, on n’a peut-être pas eu toujours les réactions que l’on aurait pu avoir. »
C’est à la RDC que le candidat fait ici allusion. « Mais bon, cette affaire, qui est très ancienne, je considère quand même qu’elle évolue, nuance-t-il. Donc je ne suis pas dans un procès. Il y a l’équilibre à trouver entre aider à l’instauration, à la surveillance d’élections libres. Mais c’est des autodéterminations des peuples. Et puis après, l’ingérence proprement dite, non, il n’y a pas de raison. Le droit fondamental des Africains à élire leurs dirigeants, c’est un droit qui appartient à eux. »
Source: africatopsuccess