D’après une enquête du « Monde Afrique”, les politiciens africains investissent des millions de dollars au Canada, parce que ce pays leur offre la « sécurité juridique ».
Mais pourquoi rechignent-ils à créer cette même sécurité dans les pays africains qu’ils dirigent ?
Le Monde Afrique publie une enquête qui révèle que, depuis que la France enquête sur les biens mal acquis de certains politiciens africains, beaucoup de ministres et hauts fonctionnaires du continent investissent désormais des millions de dollars au Canada, où les institutions financières ne posent pas beaucoup de questions sur l’origine de leur fortune.
Pour les Africains qui ont gagné honnêtement leur argent, la question ne se poserait pas. Ils ont droit d’investir partout où ils veulent. Comme personne n’empêche aux Occidentaux d’investir en Afrique, personne ne devrait, à priori, empêcher ou condamner les Africains qui investissent dans les pays occidentaux.
« La sécurité juridique, c’est la Déclaration des droits de l’Homme ».
Mais les politiciens africains investissent leurs millions en Occident pour une raison particulière. Selon un spécialiste interviewé par le Monde Afrique, ils « vont diversifier leurs placements et les externaliser en fonction d’un seul critère : la sécurité juridique que leur offrent certains territoires ».
La question qu’on se pose alors est : si ces politiciens aiment autant la « sécurité juridique », pourquoi ils ne l’instaurent pas chez eux, dans les pays qu’ils dirigent ?
Pour répondre à cette question, il convient d’abord qu’on se comprenne sur le sens du terme « sécurité juridique ». Pour le spécialiste du droit constitutionnel Dominique Rousseau, « La sécurité juridique, c’est la Déclaration des droits de l’Homme ». La sécurité juridique ne peut donc exister que dans un Etat de droit, où ce sont les principes, et non pas la volonté de ceux qui sont au pouvoir, qui régissent la vie de la société. On peut lire ce principe chez Aristote, Montesquieu et John Locke. Et l’autre définition que donne Wikipedia est que la sécurité juridique est un principe qui permet de protéger les citoyens contre « les changements trop fréquents » des lois. C’est probablement cette protection qui manque le plus en Afrique et que nos riches politiciens vont chercher ailleurs.
« Les despotes eux-mêmes ne nient pas que la liberté ne soit excellente ; seulement ils ne la veulent que pour eux-mêmes, et ils soutiennent que tous les autres en sont tout à fait indignes »
Ils veulent la sécurité uniquement pour eux-mêmes
Mais alors, pourquoi les lois changent fréquemment en Afrique ? Parce que les hommes au pouvoir veulent les tailler à leur mesure. Ils mettent en place des lois qui leur permettent de monopoliser le pouvoir et de s’enrichir au détriment des autres citoyens. Ce n’est pas rare que les dirigeants africains changent les Constitutions pour se permettre de rester au pouvoir si possible jusqu’à leur mort. Et le fait qu’ils manipulent les lois et utilisent les forces répressives pour empêcher d’autres d’accéder au pouvoir, ils savent qu’ils peuvent quitter le pouvoir n’importe quel moment, et que leurs successeurs vont utiliser les mêmes lois répressives qu’ils ont mises en place, pour confisquer leurs biens. Voilà pourquoi ils vont planquer leurs biens dans les pays occidentaux, où il y a l’Etat de droit qui protège chaque citoyen et ses avoirs.
Mais encore, pourquoi ne mettent-ils pas des lois qui protègent tout le monde ? Comme ça ils seraient sûr d’être protégés avec leurs familles et leurs biens, même lorsqu’ils ne seraient plus au pouvoir. Est-ce que le bon sens leur échappe ? La réponse a été donnée par Alexis de Tocqueville il y a quelques siècles dans l’introduction de son excellent livre L’Ancien Régime et la Révolution : « Les despotes eux-mêmes ne nient pas que la liberté ne soit excellente ; seulement ils ne la veulent que pour eux-mêmes, et ils soutiennent que tous les autres en sont tout à fait indignes ».
Voilà. Les despotes africains veulent la sécurité juridique uniquement pour eux-mêmes, et non pas pour leurs compatriotes. Ils considèrent que les Africains lambda sont « indignes » d’être protégés.