Une dizaine de jours seulement nous séparent de la date de signature des récents Accords dits d’Alger. Rendez – vous est exactement pris pour le 15 mai prochain à Bamako. A en croire la communauté internationale, surtout la médiation algérienne, cela sonnerait la fin des hostilités entre le Mali et les groupes armés du Nord.
Le document, brandi à cet effet, est présenté sous de beaux jours. Et pourtant, il n’aurait rien à envier aux précédents documents, tous préparés et élaborés par la même Algérie. A commencer par celui signé à Tamanghasset (Tamarasset) le 6 janvier 1991. Dès ce jour, l’Etat malien a été dépouillé de toutes ses prérogatives.
Une petite lecture suffit pour se rendre compte de la duperie qui accompagnait ce document. De deux pages, voir copie, il ne comportait que treize (13) articles. Le document a été signé par le Colonel Ousmane Coulibaly, Chef d’Etat Major Général des Années du Mali, à l’époque. Le Mouvement Populaire de l’Azawad (MAA) et le Front Islamique Arabe (FIA), côté rebelle, était représenté par Iyad Ag Ghali. Faut – il rappeler que le FIA était alors dirigé par un certain Zahaby Ould Sidi Mohamed, aujourd’hui ministre de la République du Mali. Le document a été signé sous la police du ministre de l’Intérieur de l’Algérie.
Comme tout autre accord, le document indiquait la fin des opérations militaires et l’engagement à interdire tout recours aux actes de violences. Mais, dans son article 3, il stipulait que les forces combattantes (MPA et FIA) se stabilisaient à l’intérieur des zones correspondant à leurs lieux de » cantonnement actuel « . L’article suivant indiquait que les Forces Armées Maliennes ne » mèneront aucune activité susceptible de donner lieu à des accrochages avec les combattants ».
Pire, » elles procèderont à un allègement progressif de leurs dispositifs dans les 6ème et 7ème régions » (Tombouctou et Gao à l’époque).
Faut – il rappeler que dans les années 90, le pouvoir en place faisait face à des revendications politiques (multipartisme, liberté..) à Bamako, la capitale. Iyad Ag Ghali et consorts venaient de finir leur boulot en Libye de Mouammar Kadhafi. L’on se demande comment ils avaient pu quitter la Libye, avec armes et bagages, pour venir s’attaquer au Mali, leur pays. Et ce fut le moment choisi par l’Algérie pour tordre le cou aux autorités de l’époque.
Sinon, comment comprendre que l’on indique que les Forces Armées Maliennes se désengageront de la gestion de l’Administration civile et procéderont à la suppression de certains postes militaires (article 5). Le même article disait qu’en ce qui concernait les villes (chefs – lieux de régions et de cercles), les » casernes seront progressivement transférées vers d’autres sites plus appropriés ».
L’Algérie désarma le Mali
Il faut le dire et le répéter, l’Accord de Tamanrasset fut le point de départ de la désintégration de notre pays. Il a sonné le glas de la défense de la patrie. Le ministre de l’Intérieur du pays médiateur, l’Algérie, osa filer un document dans lequel il était écrit : » Les Forces Armées Maliennes éviteront les zones de pâturage et les zones à forte concentration de populations dans les 6ème et 7ème régions actuelles » (article 6). Mieux, il a été ajouté : » Les Forces Armées Maliennes se confineront dans leur rôle de défense de l’intégrité territoriale dans les frontières (article 7).
Pour boucler la boucle, l’article 8 stipula : » Les combattants peuvent intégrer les Forces Armées Maliennes dans les conditions définies par les deux parties « . Une commission de cessation des hostilités, présidée par l’Algérie, fut mise sur pied.
On l’aura vu, l’Etat du Mal respecta tous ses engagements par la suite. Un Pacte National fut signé en 1992 par les nouvelles autorités du pays. Des centaines, voire des milliers de combattants furent intégrés dans la fonction publique malienne. Iyad Ag Ghali représenta même le pays en Arabie Saoudite tandis que Mohamed Ag Erlaf, Zeidane Ag Sidalamine, Zahabi Ould Sidi Mohamed, et bien d’autres, occupèrent des hautes fonctions d’Etat.
Malgré tout, les armes continuèrent à crépiter dans les régions du Nord. De 1994 à 2006, les groupes armés se multiplièrent. De nouveaux accords sont signés en 2006 à Alger. Cela n’empêcha guère les groupes armés de sauter sur le pays. L’occupation fit la règle en 2012 jusqu’à l’intervention militaire française de 2013. Nous revoilà encore dans les bras de la médiation algérienne, rien n’est toujours réglé. Le document qu’elle a présenté à la face du monde n’a rien à envier à celui de Tamanrasset. Il consacre de facto le dépérissement de l’Etat malien. Sur toute la ligne, il n’ya que de la capitulation.
Alors, il est grand temps de se ressaisir. Notre pays et notre peuple ont été constamment dupés par la médiation algérienne. Aujourd’hui plus que jamais, il ne faudrait pas se faire d’illusions.
Les autorités maliennes doivent dénoncer le document qui s’annonce. Elles doivent se donner les moyens de défendre l’intégrité territoriale du pays. Pour ce faire, il faudrait qu’elles puissent doter les forces de défense et de sécurité en moyens et matériels adéquats.
Personne ne viendrait le faire à leur place. Ne le sait – on pas ?
B. Koné
source : Le Malien