Les choix mitigés et tergiversations du président Ibrahim Boubacar Keïta ont favorisé l’ouverture de plusieurs fronts et accentué le risque d’une éternisation du conflit.
Selon toute évidence, le président IBK a minimisé le contentieux historique entre le royaume chérifien et l’Algérie. Un contentieux qui affecte dangereusement aujourd’hui les pourparlers d’Alger. Les faits.
Les observateurs ont été nombreux à déplorer l’existence de plusieurs médiateurs souvent antagonistes dans le dossier malien. C’est en effet à la demande du président malien que des pays ont pris part au débat : Algérie, Burkina Faso, Maroc, Mauritanie, Qatar, etc. Si, par principe toutes les initiatives s’avèrent les bienvenues dans le cadre d’un règlement pacifique de la question, l’on ne peut que se réjouir du nombre important des acteurs. Mais la question n’est pas seulement d’ordre qualitatif. C’est plutôt la qualité, pas la valeur intrinsèque des acteurs qui compte.
Tenez par exemple : Marocain et algérien sont beaucoup plus préoccupés par leur contentieux historique et plutôt soucieux, chacun de maintenir leur influence sur les groupes armés et dans la sous-région. La Mauritanie dont le président a été également sollicité par IBK au lendemain de la défaite de Kidal, n’est pas non plus indifférente au différend entre Marocain et algérien. Ce pays, la Mauritanie, autant l’Algérie, considère le Sahara Occidental comme un Etat souverain pendant que le Maroc l’assimile une de ses provinces. Le Roi chérifien n’a d’ailleurs cessé d’inviter le Mali à retirer sa reconnaissance à la souveraineté au Polisario, une reconnaissance qui date des premières heures de l’indépendance du Mali.
Par ailleurs, le souverain chérifien tente de convaincre le président malien que c’est bien l’Algérie qui envenime la situation dans la région en mobilisant les combattants qu’elle entretient soigneusement au camp des réfugiés de Tindouf.
Signalons au passage que l’Algérie a officiellement ré-ouvert ses frontières avec le Mali à la faveur de la bataille de Kidal courant mois de Mai 2014, pour dit-elle, accueillir des réfugiés. Mais de quels réfugiés s’agissait-il ? De quoi se souvenir des accusations du Maroc. Par ailleurs, l’Hôpital militaire de Tamarasset a plusieurs fois reçu et soigné des blessés de guerre touaregs.
Parlant du Burkina-Faso, il possède lui aussi des intérêts dans le même conflit. C’est bien un hélico de l’armée burkinabé qui a évacué des combattants blessés. Aussi burkinabé et marocain sont d’accord sur bien de dossiers africains. Et c’est dans ce «Pays des Hommes Intègres» que réside un grand nombre de réfugiés du conflit malien. Et pour rappel : dans les années 90, Blaise Compaoré dut même utiliser des méthodes fortement dissuasives pour éviter que son pays ne soit comptabiliser du nombre des territoires de l’Azawad. En clair, et très légitimement, le Burkina préférerait un Etat de l’Azawad ailleurs qu’à ses frontières ou à l’intérieur de son territoire.
De l’autre côté, Mauritanien et qatari ne sont, non plus, sur la même longueur d’ondes pendant que Marocain et qatari entretiennent une véritable relation d’amour.
Tels sont les faits. A y voir de très près, ce sont des pays déjà opposés entre eux par d’autres conflits géopolitiques ou plutôt mus par leur influence stratégique qui ont été sollicités comme médiateurs dans la crise malienne. Ce choix expliquerait-il la naissance de nouveaux groupes de revendications (chaque médiateur cherchant à imposer sa volonté et étendre son influence), les rebondissements spectaculaires et violations perpétuelles des accords ? Ce ne sont, en tout cas pas les coïncidences qui manquent. En voici un aperçu.
Troublantes coïncidences
Tout récemment, après que l’Algérie ait décidé d’écarter le Maroc des pourparlers en cours, une frange du MNLA effectua un voyage au Maroc pour demander l’implication du Roi.
Ce après un entretien du ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra à « Jeune Afrique » et dans lequel, il s’interroge à propos : «à quel titre le Maroc aurait-il dû être invité aux négociations de paix entre les factions?».
Hasard de calendrier ou réaction : 02 semaines plus tard, le secrétaire général du MNLA Bilal Ag Cherif, à la tête d’une forte délégation, effectue une visite à Rabat pour y rencontrer le ministre chérifien des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar.
En fait, l’Algérie se défend d’avoir écarté le Maroc et estime que c’est plutôt le président malien Ibrahim Boubacar Keïta qui l’a sollicitée et non le Maroc. C’est bien ce que soutient le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra dans «Jeune Afrique» : «Ce que je sais, c’est qu’à l’occasion de sa visite à Alger, le 19 janvier, le chef de l’État malien a solennellement demandé au président Abdelaziz Bouteflika que son pays facilite le dialogue inter-malien prévu par l’accord de Ouagadougou du 18 juin».
En tout état de cause, une partie du MNLA effectua par la suite un déplacement à Rabat à deux jours seulement du début du dialogue d’Alger. Ce, comme pour prendre les dernières instructions du Roi.
A l’issue de la rencontre avec le Roi Mohamed IV, le visiteur a qualifié de «central…, eu égard à sa position régionale et internationale et aux liens fraternels historiques qui l’unissent avec toutes les composantes du peuple malien».
Selon toute évidence, le MNLA a un penchant prononcé pour le Royaume chérifien ; toute chose nullement du goût de l’Algérie qui entend piloter seul les pourparlers.
Aussi, en oubliant superbement que le Burkina Faso s’avère l’incontournable allié du Maroc dans la sous-région, le président malien a surpris plus d’un en rejetant systématiquement l’implication de Blaise Compaoré dans les pourparlers. Et comme le berger à la bergère, Ouagadougou abritera dans la même veine une réunion entre les principales factions touaregs le 28 août dernier, réunion à l’issue de laquelle, les groupes armés décidèrent de la création d’un front commun en prélude aux négociations de paix d’Alger.
Et pourtant, quelques semaines auparavant, Bamako était parvenu à avoir avec elle une frange du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) laquelle frange a d’ailleurs infligé de lourdes pertes au MNLA dans la région de Kidal.
En définitive, quand bien même le rapprochement entre Alger et Bamako permettrait la signature d’un accord, l’on se demande s’il sera définitif, étant entendu qu’une frange non négligeable des acteurs semble bien contrôlée par le Maroc, avec la bénédiction du Burkina-Faso.
Et comme si rien de tout cela ne suffisait, l’armée malienne n’est plus présente sur le théâtre des opérations, c’est-à-dire sur le terrain.
B.S. Diarra