Le désamour entre le régime en place et le fils du saint Cheickna Hamaoula de la Tidjaniya chérifienne marocaine, est au comble. Le positionnement politique de CHeick M’Bouillé Haïdara pour faire partir IBK, lors de l’élection présidentielle 2018 est une parfaite illustration.
L’antipathie entre Bouillé et IBK a atteint son paroxysme il y a 15 jours lorsqu’au cordon douanier à la frontière Mauritanie-Mali, le chef de postes du bureau des douanes a saisi un camion-remorque chargé de marchandises appartement au vénéré Cheick M’Bouillé. L’agent de Douane a exigé le dédouanement des produits et la fouille minutieuse des marchandises. Conformément à la réglementation.
Face à cette situation, le chauffeur du camion oppose un refus net et soutient que le Chérif et sa famille sont exonérés de paiement de frais de douane et de taxes depuis belle lurette. Du coup, le douanier demanda un papier au chauffeur pour prouver ces allégations. Rien n’est fait. Alors il décide de conduire ledit camion au bureau régional des douanes de Kayes pour confier l’affaire à son chef hiérarchique.
Ce dernier ayant eu peur a tergiversé sur le dossier et ordonna le retour immédiat de la cargaison et sa remise au Chérif. Trop tard. Le mal est déjà fait. Le chérif est informé de la situation et est entré dans une colère noire.
À en croire nos sources, il a décidé de fermer tout ses magasins dans la ville pour prouver que ce sont ses produits vendus moins chers qui permettent la stabilité des prix à Nioro du Sahel. Selon les mêmes sources, le presque-monopole du marché Niorois, a abouti à la résignation des populations à aller vers les magasins du Cheick.
Ainsi, le sucre qui était cédé à 400F Cfa le kilo à Nioro du Sahel, serait vendu aujourd’hui, entre 600 et 700 francs.
Pour aller soutenir le Chérif dans sa tristesse, Soumaïla Cissé et son allié politique de la 25ème heure, Choguel Kokala Maïga, se sont rendus à Nioro. À ce niveau, la récupération politique est en marche et les commentaires vont bon train.
La guerre par procuration des Cheick
Propulsé au devant de la scène par la crise de 2012, le chérif de Nioro s’est glissé sur un terrain jugé mal propre au Mali: la politique. En retournant sa veste entre 2013 en faveur d’IBK et en 2018 pour Aliou Boubacar Diallo puis Soumaïla Cissé, le religieux s’est grillé. Une occasion rêvée pour la seconde famille maraboutique de Nioro: celle des Tall.
À Nioro du Sahel, M’Bouillé Haïdara est dans son royaume et règne en maître. Dans cette ville, située à proximité de la frontière du Mali avec la Mauritanie, le chef de la confrérie Hamalliste est un saint. Mais aussi et surtout, un puissant homme d’affaires. Avec sa famille, le Cheick tient le monopole d’importation de certains produits dont le gasoil.
Jusque-là agissant dans l’ombre, en 2012, le Chérif de Nioro s’est affiché sur la scène politique après le coup d’État contre l’ancien président Amadou Toumani Touré. D’abord, il bénit l’ex-junte de Kati, avant d’appeler à voter pour le candidat du RPM, Ibrahim Boubacar Keïta. Mais l’aventure fait long feu. Très vite, M’Bouillé se brouille avec le nouveau locataire de Koulouba. En cause: plusieurs de ses protégés en poste dans la haute sphère de l’État ou de l’administration sont mis au placard.
Au nombre desquels: l’ancien Dg du Trésor, Boubacar Ben Bouillé ; l’ex puissant PDG de la BDM (Banque de Développement du Mali), Abdoulaye Daffé. Mais aussi Aliou Boubacar Diallo, PDG de la société minière Wassoul’Or. Ce protégé du Chérif, homme d’affaires avait financièrement soutenu le candidat favori IBK, dans l’espoir de pourvoir stabiliser sa société en souffrance. Échec ! Il a attendu le retour de l’ascenseur en vain.
Au lieu d’aider Diallo à se relever, certaines sources rapportent que «Karim Keïta lui aurait proposé de racheter sa part d’actions». L’homme d’affaires rejette l’offre. Alors, allié du pouvoir, l’ADP-Mali, parti d’Aliou Boubacar Diallo, quitte la majorité présidentielle en débauchant des députés du RPM. La suite est connue: M’Bouillé et Diallo font front commun contre le président sortant à l’élection présidentielle de 2018. De son côté, IBK s’est rapproché de la seconde famille maraboutique de Nioro du Sahel: celle des Tall. Ici, les deux familles, Tall et Haïdara se disputent puissance et richesse, clés de l’influence. Et durant toute la période de la campagne présidentielle, elles ont mené une bataille acharnée par procuration en faveur de leurs candidats opposés.
Après la défaite, du candidat de l’ADP-Maliba, Aliou Boubacar Diallo puis de Soumaïla Cissé, le Chérif ne manque plus d’occasion pour critiquer le régime. Et la victoire d’IBK à la présidentielle sonne désormais pour lui comme une humiliation.
S’il ne l’a jamais répondu ouvertement, IBK a indirectement lancé des flèches au Chérif. Et cela, en saluant le lendemain de la proclamation des résultats du second tour, un autre Chérif et un Cardinal qui se sont gardés de donner des consignes de vote. «Je salue le Chérif Ousmane Madani Haïdara et le Cardinal Jean Zerbo pour leur patriotisme », avait-il lancé.
C’est dire désormais que le torchon brûle entre le Chérif de Nioro et le régime IBK. Et M’Bouillé ne jure que par sanctionner l’État du Mali pour ce qu’il appelle un manque de respect du régime à son égard.
En attendant, c’est à la guerre comme à la guerre, entre la famille de M’Bouillé et le régime IBK.
Mariam Konaré
Source: Nouveau Réveil