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POLITIQUE : Y-a-t-il encore des socialistes au Mali ?

Certains ont déserté ou démissionné. D’autres ont trahi. Que reste-t-il du socialisme au Mali ?

drapeau mali vert jaune or rouge couleur flotte

En 1991, les Maliens ont vu arriver au pouvoir une équipe d’intellectuels aux idées généreuses. Ils n’étaient pas des inconnus aux bataillons, mais de vieux routiers qui avaient blanchi sous le harnais, ramant à contre-courant. Ils se sont battus pour prouver qu’ils ne sont pas communistes, mais juste socialistes.

La fleur aux fusils, ils ont promis un autre monde, une autre façon de faire. L’offre politique était alléchante (depuis, il y en a plus eu d’ailleurs) et idéaliste, cependant les arguments pour la sous-tendre étaient là.

Puis le parti Adéma, membre de l’International socialiste, s’est divisé par scissiparité. Les autres n’offraient pas mieux, mais se réclamaient tous de ce socialisme. Et même d’autres comme le Parena ou la CDS de Mogotigi Blaise, sont tous fruits de shiismes politiques.

L’Adéma/PASJ dans son projet de société disait qu’il a pour ambition de« construire au Mali un Etat républicain et démocrate, fondé sur l’économie de marché, respectueux des droits et libertés tels que définis dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, la Constitution de la République du Mali et des valeurs fondamentales de la social-démocratie ».

Le socialisme est cette doctrine politique et économique qui vise, à l’inverse du modèle libéral, à réformer le système de propriété privée des moyens de production et d’échange et à l’appropriation de ceux-ci par la collectivité.

Les valeurs fondamentales du socialisme sont : l’absence de classes (du moins quand les marxistes le concevaient), l’égalité des chances, la justice sociale, la répartition équitable des ressources, la solidarité, la lutte contre l’individualisme, l’intérêt général partagé et prévalant sur les intérêts particuliers…

Dans la théorie politique marxiste, le socialisme est juste une période de transition. C’est l’état entre l’abolition du capitalisme et l’avènement du communisme avec la disparition de l’Etat. Pendant cette période, la« dictature du prolétariat » s’exerce par l’intermédiaire de l’Etat sur l’ensemble de la société.

Pour les non marxistes, le socialisme est la dénomination générale des doctrines des partis de gauche qui cherchent à rénover l’organisation de la société en vue de la justice sociale et de l’émancipation individuelle de chacun dans le respect de la dignité.

Les variantes du socialisme sont nombreuses. Leur caractéristique commune est moins la remise en cause de la propriété privée que la recherche d’une plus grande justice sociale. Ces mouvements s’opposent sur d’autres sujets fondamentaux comme le rôle de l’Etat, le parlementarisme, la démocratie directe…

 

La mort des idéaux

Nos braves socialistes ont quand même réussi en un tour de main à faire déchanter les populations. Alpha Oumar Konaré était comme un prêcheur dans le désert, distillant des idées qui sont à mille lieues des dures réalités du quotidien, et surtout avec un message qui se perdait souvent dans la grande cacophonie de la « famille Adéma », constituée en armée mexicaine.

Le point fort de l’Adema était au moins le débat. De nos socialistes, on a retenu au moins leur grande capacité de persuasion, les débats qu’ils animaient. Avec le temps, ils étaient moins convaincants, vu le décalage de plus en plus perceptible entre le discours et la réalité. Les idéologues et les combattants de la démocratie se sont coupés peu à peu du peuple, de nos réalités. O temps ô mœurs !

Depuis 1991, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Ils nous ont fait rêver, ils nous ont promis une société plus égalitaire qui tarde à voir le jour. Depuis, ils sont aux abonnés absents, à peine si on en croise quelques-uns au détour d’un débat ou s’ils font encore référence à leur engagement d’antan. Le temps a fait son effet, la réalité a atteint tout le monde. L’idéologie est morte au Mali, sacrifiée sur l’autel des ambitions de nos politiciens, dans les compromis contre-nature et la volonté de ne pas quitter la table pour certains.

Il est loin le temps où, qu’on le partage ou pas, il y avait une offre et un débat. Les « camarades » sont passés à autre chose. La chanteuse dit que la mort, la maladie et la vieillesse mettent fin à tout. Le socialisme malien en est-il là ?

Alpha : il est le plus aphone. Il est devenu un mystère y compris pour ses compagnons. Déçu ou épuisé ? Les paris sont ouverts. En tout cas, depuis, il fuit tout le monde, déjoue tous les calculs. L’Adéma compte sur le 25 mai, les 25 ans du parti qu’il a cofondé et dirigé pour le faire sortir du bois. On verra ce qu’il trouvera cette fois comme parade pour se dérober.

Adame Ba Konaré : de nos idéologues, elle semble être celle qui a le plus mis en pratique les concepts distillés par les vieux routiers de la politique de l’Adéma. A travers la Fondation Partage et les multiples prises de parole, il y avait une cohérence entre ce qu’elle faisait et l’engagement socialiste. Mais, depuis son retour d’Addis-Abeba, elle aussi semble élaguer ses engagements, mettant plus en avant son combat féministe, ou du moins montrant qu’elle croit plus à cet aspect de ses convictions.

IBK et Tiémoko Sangaré : ils sont dans le socialisme activiste. Ils écument les grandes messes annuelles de l’International socialiste, mais en dehors ou en plus ? Tiémoko Sangaré, de par sa formation à l’Est, est plus socialiste, orientation marxiste, mais le fort de ce camp est justement la capacité à nager en eau trouble et à ne jamais se dévoiler. Discutez tant que vous voulez avec le président de l’Adéma, jamais il ne baissera la garde.

IBK a incarné pendant longtemps le socialisme malien à l’international. Le Rassemblement pour le Mali (RPM), sa formation politique, ne fait plus cas du socialisme. IBK, depuis qu’il est au pouvoir, parle de moins en moins dans l’idéologie, empêtré qu’il est dans la réalité quotidienne. Il est défenseur du socialisme intellectuel et caviar, ajouteraient les mauvaises langues.

Dioncounda Traoré : son engagement n’a pas pris une ride. Mais, il est resté à son niveau. Il n’est pas un prêcheur, ni par le verbe ni autrement. Il se contente d’incarner. Rien d’autre.

Mme Sy et Aly Nouhoum : ils sont au moins les derniers des Mohicans. Ils sont sur tous les fronts, mais leur engagement est moins socialiste. Aly Nouhoum Diallo, longtemps idéologue du parti, a viré aujourd’hui dans une sorte de trotskisme. Il a plus viré dans un engagement identitaire.

Mme Sy s’est transformée en une gardienne du temps, mais en même temps en Don Quichotte pourchassant les moulins à vent. Il est loin l’époque où une réunion du comité exécutif de l’Adéma était plus importante, plus attendue que les résolutions du conseil des ministres !

Mogotigi Blaise : son combat est resté très théorique. Tout le temps que l’Adéma était au pouvoir, malgré le penchant social-démocrate de la CDS, il s’est tenu loin, souvent même dans la posture de l’opposant. Aujourd’hui, pas plus qu’hier, il n’a une position lui permettant de mettre en pratique son socialisme version « mogotigiya », mais on se désole de son silence. Blaise, dans un sens ou dans l’autre, ses prises de parole ne passent pas inaperçu. Il ne parle plus, signe qu’il est épuisé ou qu’il a abdiqué ?

Ousmane Sy : lui a abdiqué. D’épuisement. Cependant, il est de ceux de qui on ne pourra jamais dire qu’il a été un ancien militant. Du coup, il est devenu un apôtre de la gouvernance et de la décentralisation. Il est celui qui semble revenu des illusions des débuts. On ne sera pas surpris de voir Ousmane Sy réécrire le socialisme version malienne.

Soumeylou Boubèye : il a été le mystère du socialisme malien. Son engagement a pris plusieurs formes, mais, en général, l’offre politique socialiste de départ s’est tellement dilué dans des problématiques du quotidien qu’il est impossible aujourd’hui de démêler les choses. Quoiqu’il en soit, Soumeylou a été une pièce maîtresse. Il est de ceux qui nous doivent des comptes.

Bakary Pionnier : la maladie est en train de le vaincre. Les militants de l’Adéma originel sont comptables du délitement politique. Ils ont, pour la majorité, sacrifié les idéaux et le projet de société sur l’autel des ambitions personnels.

Soumaïla Cissé : est-il socialiste ? L’URD ne l’est pas ou ne le revendique pas. En prenant ses distances de ses anciens « camarades », Soumaïla Cissé semble avoir également changé d’orientation politique.

Le Parena : les « camarades » du Parena sont inclassifiables. Ils font penser aux étudiants des années 68, épousant toutes les causes… perdues ?

Ils sont plus dans une fixation, jouant à fond leur rôle d’opposant. Aujourd’hui, idéologiquement, il est difficile de caser Tiébilé Dramé et ses camarades dans une… case.

Les parties politiques maliens ont du pain sur la planche, s’ils veulent redorer leur blason et s’ils veulent se refaire une virginité ou se racheter aux yeux des Maliens.

Alexis Kalambry

 

Source: lesechos

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