Dans l’après-midi du vendredi, la situation était très tendue devant la Maison centrale d’arrêt (MCA) de Bamako. La cause ? À l’annonce de l’arrestation du commandant de la Force spéciale antiterroriste (Forsat), le commissaire divisionnaire Oumar Samaké, des policiers se sont rendus en nombre devant la Prison centrale pour exiger la libération de leur chef.
Convoqué dans la matinée par le premier cabinet du juge d’instruction du Tribunal de grande instance de la Commune III du District de Bamako, le patron de la Forsat a été incarcéré pour «meurtres, coups mortels, coups et blessures volontaires aggravés et complicité» en lien avec les manifestations des 10, 11 et 12 juillet 2020, organisées par le M5-RFP contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, et ayant fait une dizaine de morts.
La nouvelle de l’incarcération du commissaire divisionnaire Oumar Samaké a suscité colère et indignation chez ses collègues policiers. Une manifestation a été organisée par la Synergie des syndicats de la police pour protester contre cette arrestation. Des policiers se sont ainsi regroupés au Groupement mobile de sécurité (GMS) avant de se diriger vers la Prison centrale de Bamako. Au cours de leur marche vers la MCA, il y a eu des tirs de sommation de la part de certains policiers mécontents.
Quand ils arrivèrent devant la prison et dans un grand cafouillage, le commissaire divisionnaire Oumar Samaké a été remis en liberté.
D’après les explicitations d’un porte-parole des surveillants de prison, le commissaire Samaké n’était pas détenu à la Prison centrale au moment où les manifestants s’y étaient attroupés. Détenu au Camp I de la gendarmerie, il aurait été ramené à la prison de Bamako Coura pour être remis à ses collègues. Le patron de la Forsat a quitté les lieux, dans un véhicule de la police, sous les acclamations de ses collègues pour prendre la direction du GMS. Arrivés sur place, des policiers ont fait des tirs en l’air en guise de victoire.
Dans la foulée de la manifestation, les syndicats de la police ont condamné l’incarcération du patron de la Forsat. Le Syndicat autonome de la police (SAP) a estimé que «des chefs qui lui ont donné des instructions et qui doivent en répondre». En clair, les policiers disent s’élever contre une «justice sélective». La mise à disposition n’a pas été respectée par les autorités judiciaires, a dénoncé un responsable du SAP.
VAGUE DE RÉACTIONS- Les événements de vendredi après-midi ont suscité une vague de condamnations dénonçant la «libération forcée» du commandant de la Forsat par ses collègues. Pour le gouvernement, l’acte est condamnable, «si l’on en juge par la qualité des manifestants».
L’exécutif a tenu à rassurer l’ensemble des Forces de défense et de sécurité, mais également, les civils qui se verraient en insécurité. Il en a appelé aussi à la raison, au sens patriotique et demandé aux forces de sécurité d’accomplir leur mission régalienne dans le dévouement et le respect de l’autorité de l’État.
«Il leur incombe d’assurer l’ordre et la sécurité afin que, dans la sérénité, les populations s’adonnent à leurs activités dans le cadre du développement national», a insisté le gouvernement qui a rappelé avoir retenu, dans son programme d’action, la lutte contre la corruption et l’impunité. «Une action est entamée, au non de l’instauration d’une gouvernance de rupture, d’une gouvernance vertueuse. Cette action sera menée à terme dans le strict respect des libertés, mais avec vigueur, avec fermeté. Chacun en ce qui le concerne est convié au succès de cette lutte. De ce succès dépend la crédibilité de nos institutions et la restauration de la confiance entre les autorités et les citoyens», a assuré le gouvernement.
Le Syndicat autonome de la magistrature (Sam) et le Syndicat libre de la magistrature (Sylima) ont, dans un communiqué conjoint, condamné fermement «ces agissements illégaux et intolérables, rappelant à tous que le Mali est un État de droit où tous demeurent sujets de droit quels que soient leurs titres, grades ou qualités. Ils indiquent que la justice, qui est pleinement indépendante et impartiale dans notre pays, n’est à la solde de personne si ce n’est le vaillant peuple, au nom duquel elle rend ses décisions».
L’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH), de son côté, à travers un communiqué, a également condamné avec véhémence « cette situation déplorable constituant une atteinte grave à la démocratie et à l’état de droit au Mali», avant d’interpeller les plus hautes autorités à s’assumer. Pour sa part, le Comité stratégique du mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) a indiqué qu’il suit avec gravité les évènements ayant conduit à l’arrestation du commandant de la Forsat, puis sa libération par ses collègues. Le M5-RFP a invité donc les autorités de la Transition «à y mettre promptement, définitivement et énergiquement fin par toutes les mesures appropriées y compris par l’application de sanctions disciplinaires rigoureuses».
Tamba CAMARA
Source : L’ESSOR