Depuis le 11 août 2013, date de la tenue du second tour de l’élection présidentielle, le Dr. Hamed Sow s’est muré dans un silence total. A croire qu’il avait définitivement tourné le dos à la politique. A près d’un mois du 1er tour de la prochaine élection présidentielle, le voilà qui réapparait en accordant à votre hebdomadaire une longue interview. Pour rappel, Hamed Sow fait partie des rares leaders qui font l’unanimité au Mali sur leur compétence. Nanti d’un diplôme de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (Instn) de Saclay (France) et d’un doctorat en économie de la production de la célèbre Université de Paris IX – Dauphine, Dr. Hamed Sow a connu une riche carrière professionnelle.
D’abord au niveau international pour avoir fait ses débuts dans de grands cabinets de conseil en France. Ensuite, il fut expert détaché auprès de la Commission européenne à Bruxelles et assistant technique principal du “Projet énergie II” de la Banque mondiale au Niger. Il finira sa carrière internationale comme directeur général du CDE à Bruxelles, une institution commune du Groupe des 77 pays Acp et des 25 membres de l’UE. Rentré au Mali, il fut ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau. A sa sortie du gouvernement, il devint aussitôt Pdg du Groupe Arama/Amic-Invest, une société d’intermédiation financière, basée à Dubaï. En mai 2011, Dr. Hamed Sow fut nommé conseiller spécial du président de la République du Mali, en charge du suivi des grands chantiers de l’Etat jusqu’au coup d’Etat du 22 mars 2012.
Il convient de rappeler également que Dr. Hamed Sow est l’auteur du Pdes, le projet de société du président ATT pour sa réélection en 2007. Et pour bon nombre d’hommes de presse d’associations de la société civile, le projet de société du Dr. Hamed était de loin le meilleur lors de l’élection présidentielle de 2013.
Aujourd’hui, c’est à Lomé que nous retrouvons Dr. Hamed Sow. Au 6e étage de l’imposant building de la Btci, l’économiste malien dirige une Fin Tech (Uint Africa), filiale pour toute l’Afrique d’un groupe leader dans la monétique. L’homme n’a rien perdu de sa connaissance poussée des réalités de notre pays. Il a tellement d’éclairages à apporter que nous avons jugé utile de publier cette longue interview en 2 temps. Cette première publication porte sur les questions politiques et sécuritaires. S’il plait à Dieu, nous reviendrons dans notre prochain numéro sur les analyses et les solutions avancées par Dr. Hamed Sow dans le domaine socioéconomique.
Aujourd’hui-Mali : Qu’est-ce qui explique votre silence depuis plus de 4 ans. Avez-vous tourné le dos à la politique ?
Dr. Hamed Sow : Après les élections de 2013, je ne souhaitais pas avoir de responsabilité publique. Je ne voulais pas lier le reste de ma carrière à l’obtention de postes politiques. J’ai donc repris mes activités dans le secteur privé pour préserver mon indépendance par rapport à la politique. Je ne voulais pas devenir un obligé du système. Etant très pris par le développement de mes business et n’étant pas au pays pour disposer d’informations crédibles et vérifiables, je me suis gardé de prendre part au débat politique qui, du reste, est assez réducteur. J’ai toujours dit que je ne parle qu’en connaissance de cause et lorsque cela s’avère utile. C’est le cas aujourd’hui.
Apparemment, le privé vous réussit bien, puisque vous êtes présentement le Pdg d’un groupe qui couvre l’ensemble des 55 pays africains.
Notre Fin Tech est détentrice de technologies acoustique et digitale qui impacteront fortement l’inclusion financière en Afrique dans les prochains mois. Nos cartes Duna n’ont besoin ni d’Internet, ni de réseau 3G/4G, ni de terminal pour apporter l’ensemble des services d’identification et de paiement à leurs détenteurs. Une simple pression de l’utilisateur sur sa carte permet d’émettre un son, qui est réceptionné par l’appareil du marchant (mobile de 1re génération, Smartphone, tablette…). L’application installée sur l’appareil receveur transmet la trame acoustique (qui porte des algorithmes sur le numéro, la durée de validité, le code CVV de la carte, ainsi que l’identité de son propriétaire) vers un serveur vocal interactif qui transforme le son en données numériques et l’envoie vers la plateforme d’un accepteur (banques, postes, organismes de microfinances…) La simplicité, la sécurité et la proximité auprès de l’utilisateur permettront au plus grand nombre, y compris en particulier les populations à faible revenu d’avoir accès aux services financiers. C’est l’innovation technologique au service de tous : c’est passionnant. Mais revenons à l’objet de votre interview.
En effet ! La question qui intéresse bon nombre de gens est de savoir si vous serez candidat à la prochaine élection présidentielle ?
Non, je ne serai pas candidat à la prochaine élection présidentielle. Si ça ne tenait qu’à moi, le Mali aurait fait l’économie de cette élection. Les problèmes du pays sont si complexes, qu’il aurait fallu fédérer toutes les énergies pour arriver à relever les défis du pays. Il y a quelques mois, j’ai cherché à proposer au pouvoir sortant et à l’opposition de prendre les mesures constitutionnelles nécessaires pour organiser une transition de 3 ans, avec à la clé un gouvernement d’union nationale, placé sous la responsabilité de l’actuel président de la République et dirigé par un Premier ministre désigné par l’opposition.
Je voulais que nous puissions montrer à nos amis et à nos ennemis, que lorsque nécessité oblige, les dignes représentants de ce pays pouvaient s’élever au-dessus de leurs considérations partisanes et unir leurs intelligences et leurs énergies au service de l’intérêt supérieur de la Nation.
La transition aurait permis aux FAMa de mieux se structurer, de s’équiper davantage et de renforcer leur présence sur le terrain. Elle aurait laissé le temps aux troupes du G5-Sahel et de nos alliés de mieux se déployer et d’affaiblir les terroristes. Mais aussi de permettre à l’administration d’opérer son retour dans les localités abandonnées, de mettre l’accord pour la paix en vigueur et surtout de faire baisser les tensions politiques naissantes dans la partie stable du pays qu’est le Sud.
“Tous les moyens ne sont pas bons pour rester ou conquérir le pouvoir, au risque de ne gouverner que sur des décombres “
Mais Monsieur le Ministre, l’ensemble de la classe politique s’accorde pour dire que les élections sont le gage de la stabilité du pays et permettront aux autorités élues de mettre en œuvre les mesures que vous préconisées ci-dessus ?
A condition que les élections se passent de façon transparente, juste et apaisée. Le climat préélectoral laisse présager de fortes contestations, surtout en cas de victoire du président sortant. Une grave crise postélectorale est à craindre. Que le Bon Dieu nous en préserve, mais le lendemain des élections pourrait engendrer une déstabilisation du Sud, pouvant aller jusqu’à l’effondrement de l’Etat malien. Noter que nos ennemis nous observent et guettent la première faille pour réaliser leurs sinistres desseins. La classe politique de notre pays doit être consciente que la somalisation du Mali n’est pas impossible. Tous les moyens ne sont pas bons pour rester ou conquérir le pouvoir, au risque de ne gouverner que sur des décombres.
Monsieur le Ministre, il me semble qu’il soit trop tard. Nous allons sûrement vers les élections, dont la présidentielle se tiendra dans un peu plus d’un mois.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Mais, en l’occurrence, vous avez raison : les dés sont jetés, l’ambition et le ressentiment l’ayant emporté sur la raison.
Pensez-vous que les élections puissent se tenir sur l’ensemble du territoire national ?
Je n’en sais rien. Je le souhaite en tout cas. Au-delà des élections, la question de fond reste la situation sécuritaire du pays.
La visite désastreuse du Premier ministre, en mai 2014, marque un tournant décisif dans l’appréhension des rapports de force entre l’armée nationale et les rebelles.
Justement, j’allais en venir. Quelle lecture faites-vous de la situation sécuritaire de notre pays ?
C’est une question fondamentale et complexe. La réponse passe par un examen des événements marquants de la mandature 2013-2018. Le 18 juin 2013, le gouvernement de transition et la plupart des représentants des groupes rebelles du Nord-Mali ont signé l’Accord de Ouagadougou. C’était un bon Accord préliminaire, qui dans son préambule et son article 25 ” …marque la volonté des parties de préserver l’intégrité du territoire, l’unité nationale, la forme laïque et républicaine de l’Etat et de maintenir la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire national…” .Les modalités d’application et un calendrier de mise en œuvre sont consignés par l’Accord.
Il convient de rappeler que cet Accord a été signé dans un contexte de rapport de force favorable au gouvernement malien. Les troupes françaises, accompagnées par les FAMa, avaient stoppé l’avancée des groupes armés terroristes à Konna et réussi la reconquête des villes du Nord, avec “l’exception” de Kidal. Des programmes impressionnants de restructuration, d’entraînement et d’équipements de nos Forces armées étaient annoncées, notamment par l’Union européenne.
C’est dans cette situation favorable qu’ont pu se dérouler les élections de 2013. Dans l’euphorie de la victoire et l’excès de confiance, le nouveau pouvoir élu crut bon de “geler” l’Accord de Ouagadougou, sous prétexte de “ne jamais négocier avec des bandes armées” et de rapatrier tous les pourparlers à Bamako.
Malgré ce contexte de blocage, le Premier ministre de l’époque entreprit une visite dans le Nord qui devait le conduire à Kidal le 17 mai 2014. Cette visite va conduire à la reprise des combats les 17 et 21 mai 2014. L’armée malienne est vaincue et perd le contrôle de Ménaka, Andéraboukane, Anéfis et Kidal. Des négociations sont lancées le 22 mai 2014, sous l’égide du président de la Mauritanie, président en exercice de l’UA. Elles déboucheront sur un accord de cessez-le-feu en vue de revenir à l’accord préliminaire de Ouagadougou. La visite désastreuse du Premier ministre, en mai 2014, marque un tournant décisif dans l’appréhension des rapports de force entre l’armée nationale et les rebelles. La lourde défaite infligée à nos troupes engendra “leur démystification” et une prise de confiance de nos adversaires et de nos des ennemis en leurs avantages armés.
Les négociations entamées au lendemain de l’humiliation de mai 2014 vont prendre un an pour aboutir à la signature en deux temps (15 mai et 20 juin 2015) par le gouvernement et la “Plateforme”, d’une part et la Cma, d’autre part, d’un nouvel Accord dit d’Alger. La paix est toujours bonne à prendre, lorsqu’elle ne remet pas en cause la quintessence de notre raison d’être. Elle nécessite toujours des compromis. Le gouvernement, ayant négocié dans un rapport de force inversé (par rapport à la situation de 2013), a dû faire d’énormes concessions, notamment sur la décentralisation (élection au suffrage direct des présidents de région disposant de la quasi-totalité du pouvoir exécutif, ” communautarisation ” de l’armée avec l’intégration des groupes armés et des quotas réservés à certaines ethnies…). Malgré ces concessions, il a fallu la pression de la communauté internationale pour amener la Cma à signer l’Accord.
Depuis, au gré des réunions de concertation, de conférence “d’entente nationale”, de “forums pour la paix” …nous assistons tantôt à des déclarations des parties signataires se félicitant des progrès réalisés et parfois à des manifestations de désaccords profonds entre les signataires sur l’interprétation ou la mise en œuvre de certaines modalités de l’Accord. Ainsi, la Charte pour la paix et la réconciliation, signée en juin 2017, a été par la suite violemment dénoncée par la Cma.
La complexité de la problématique de la paix et l’application de l’Accord de paix au Mali tient en grande partie à la multiplicité, à la mouvance et aux rivalités entre les groupes rebelles. Les deux groupes rivaux (anti et pro-Bamako) voient leur composition s’élargir ou se rétrécir au gré des intérêts du moment. Disons principalement qu’au moment de la signature de l’Accord d’Alger, la Cma regroupait en son sein le Mnla, le Hcua, le Maa, la Cpa et la Cm-Fpr2 – tandis que la Plateforme regroupait : le Gatia, le Mia, la Cmfpr1, le Maa2, le Mpsa. A ceux-ci s’ajoutent d’autres groupes (et groupuscules) extrémistes tels que Ansardine (entre-temps disloqué et dont le chef Iyad Ag Ghaly a annoncé dernièrement la fusion avec d’autres groupes pour créer Nostrat Al-Islam Wal Mouslimine), Aqmi, Mujao… ne veulent de solution que par les armes. Mon sentiment profond est que le problème du Nord Mali avant d’être un problème entre le Nord et le Sud est d’abord un problème ” intra et inter-Nord “.
A cette singularité, s’ajoute la défaillance de notre diplomatie. Du reste, ce fut une grave erreur de transférer la gestion des problèmes du Nord-Mali du département de l’Administration territoriale à celui des Affaires étrangères. Dès lors, nous-mêmes admettions que le problème n’était plus interne, mais international. Malgré les énormes concessions et les efforts consentis, les Nations unies et récemment la France ont critiqué le gouvernement du Mali comme “manquant de volonté politique pour appliquer l’Accord de paix”. La Minusma, dont la mission initiale était d’accompagner l’armée et l’administration nationales dans la reconquête et la préservation de l’intégrité du territoire national, est aujourd’hui une ” force pour la mise en place pour l’accord pour la paix “, autrement dit à “égale distance” entre les rebelles et le gouvernement.
Au bout du compte, l’insécurité demeure plus que jamais dans la partie septentrionale de notre pays. Les attaques de certains groupes ” jihadistes “ et bandits armés sont monnaie courante. De larges parties du territoire national, telles que Kidal… échappent au contrôle du gouvernement. L’insécurité a atteint le Centre du pays, porté principalement par le Front de libération du Macina, dont le chef, Hamadou Kouffa, a fait allégeance au groupe d’Iyad Ag Ghaly.
Dans cette nébuleuse, nous assistons à une sorte de banalisation des actes criminels. Chaque jour amène son lot de mauvaises nouvelles sur la tranquillité et la préservation de la vie de nos populations et de nos soldats. Et maintenant, il apparait que ce sont des soldats de l’armée nationale qui auraient tué des civils avant de les jeter dans des fosses communes à Nantaka et Kobaka, près de Mopti. A chaque fois que nous pensions avoir atteint le fond du gouffre d’autres faits viennent nous signifier que nous n’avons pas encore atteint les tréfonds de l’abîme.
Malheureusement, j’ai le sentiment que nous risquons de vivre dans cette situation pendant encore de longues années. Les guerres des coalitions internationales contre Al-Qaïda et Daesh en Afghanistan, en Irak et en Syrie durent depuis des décennies. Celle des armées nationales et du G5 au Sahel prendra également du temps, même si l’issue victorieuse contre l’obscurantisme et la barbarie ne fait aucun doute.
Indéniablement, il y a aujourd’hui une rupture entre une large frange de la population et le président de la République
Monsieur le Ministre, si nous étions à la radio ou à la télé, j’allais dire que vous avez épuisé votre temps de parole. Avant de revenir sur les élections, je voudrais savoir quelle est votre explication sur les difficultés rencontrées par le président IBK, qui avait suscité tant d’espoirs en 2013.
Vous avez dû constater que, jusqu’à présent, je n’ai mentionné aucun nom. Parce que pour moi, la politique n’est pas une question de personne mais de responsabilité, d’engagement et de vision. Je veux dire par là que ce n’est pas la personne de Monsieur Ibrahim Boubacar Kéita qui est en cause. Ce dernier est et demeurera un bon grand frère. Ici, il est question de Son Excellence, Monsieur le président de la République, chef de l’Etat.
Pour rappel, j’avais demandé à voter IBK au second tour en 2013. Mon parti, le RTD est encore membre de la CMP. Nous avions décidé d’y rester jusqu’à la fin du présent mandat. En revanche, nous avons refusé de signer la plateforme de soutien à une nouvelle candidature du président sortant. J’y reviendrai.
Indéniablement, il y a aujourd’hui une rupture entre une large frange de la population et le président de la République. Au-delà de la propagande officielle, la plupart des promesses électorales n’ont pas été tenues. Certes, il y a eu quelques réalisations en matière d’infrastructures, mais elles restent insignifiantes par rapport ce qu’il était possible de faire, n’eut été l’incapacité des responsables en charge des grands projets. L’opposition et la presse ont souvent décrié les conditions de passation des marchés relatifs aux quelques grands projets réalisés ou en cours de réalisation et surtout leur surfacturation.
Le niveau de corruption n’a jamais été aussi élevé dans notre pays. La corruption se systématise ; elle corrompt nos valeurs et, plus grave, elle se banalise et devient insidieusement la norme. Les affidés du régime les plus corrompus n’hésitent même plus à afficher leurs richesses. Certains se vantent du montant (à coup de centaines de millions de Fcfa) de leurs contributions dans la campagne du président sortant.
Le gouvernement, dans sa communication dans le magazine “Jeune Afrique”, a aligné de bons indices macroéconomiques sur lesquels je reviendrai dans l’analyse de la situation et des perspectives socioéconomiques. La Banque mondiale reconnait que les agrégats macroéconomiques ne sont pas forcément des indicateurs de satisfaction des besoins des populations.
Le véritable indice significatif est celui du taux de pauvreté qui avait fortement baissé en moyenne de 55,6 en 2001 à 43,6 % 2010. Gloire à ATT, un grand homme, auprès de qui nous avons la fierté d’avoir servi le pays. Cet indice de la pauvreté s’est subitement détérioré pour atteindre 47,2 % en 2015. Notre pays occupe le 176e rang sur 188 pays de l’indice de développement humain de l’ONU.
Ainsi va le Mali d’aujourd’hui. Des millions de Maliens qui ont du mal à manger à leur faim, à avoir accès aux soins de base et à l’eau saine. Plus d’une centaine de milliers de jeunes diplômés sans emploi. Des coupures d’électricité et d’eau à répétition. Des infrastructures urbaines délabrées. Des quartiers de Bamako et d’autres villes qui croulent sous les immondices. Et face à cette catastrophe, à ce recul de plus de 20 ans de notre pays, une petite trentaine de parents et d’amis se “pavanent avec les milliards volés”.
Voilà pour le constat implacable et indiscutable. Voyons les raisons. L’échec du président est dû principalement aux choix des responsables politiques et administratifs. En 2013, j’avais dit au président que sa réussite dépendrait des choix des dirigeants à qui il confierait des responsabilités dans le gouvernement, la haute administration et les sociétés d’économie mixte. Par la suite, je lui avais fait parvenir une note dans laquelle je proposais en gros ceci :
(i) demander à toutes les formations politiques (y compris celles qui n’ont pas demandé à voter pour lui), et à toutes les associations de la société civile de fournir les curriculums vitae de leurs 5 meilleurs cadres.
(ii) demander à un groupement de cabinets RH (national et international) d’analyser les CV reçus et constituer une “banque” de compétences sectorielles de 200 cadres.
(iii) disposant de pouvoir discrétionnaire, le président a le libre arbitre de choisir les membres du gouvernement pour les postes des ministères régaliens.
(iv) toutefois, le choix d’une dizaine de ministres devant diriger les départements de création et de gestion des richesses et d’emplois devrait être fait exclusivement sur la base des compétences techniques. Il s’agit des ministères du Développement rural (Agriculture, Elevage et Pêche), de l’Energie et de l’Eau, des Mines et de l’Industrie, du Transport et du Commerce, des Infrastructures et de l’Investissement, des PME et du Secteur informel, de l’Art, de la Culture et du Tourisme, de la Communication et de l’Economie numérique, de l’Environnement et de l’Assainissement, de l’Economie et des Finances, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
Sous l’égide du chef du gouvernement, ces ministres techniques devraient être mis hors du champ des considérations politiques. Ils ne devraient s’occuper que de leurs départements afin d’atteindre les objectifs sectoriels. Pour le reste des postes ministériels, le président et son Premier ministre pourraient opérer les équilibres politiques, régionaux et du genre. (v) au-delà du gouvernement, la direction des services publics et d’économie mixte fera l’objet d’un concours entre des cadres tirés de la “banque” de compétences, en fonction de leurs profils sectoriels.
5 Premiers ministres et 7 remaniements en moins de 5 ans. Un record.
J’avais expliqué au président à l’époque tous les avantages de l’application d’une telle méthode de choix des dirigeants : ce serait un signal fort pour le pays pour marquer le changement, aucune formation ni association ne pourrait dire qu’elle n’a pas été consultée, les cadres sélectionnés donneront le meilleur d’eux-mêmes pour mériter leur choix, la communauté internationale applaudirait des deux mains.
La suite est connue. La quasi-totalité des postes de responsabilité a été confiée à des parents, des amis et des compagnons politiques. Les relations personnelles ont prévalu sur les critères de compétence. La différence entre un homme de pouvoir (un massa) et un homme d’Etat tient en ceci : le premier s’entoure de dirigeants loyaux envers sa personne. Il est sûr que ceux-ci feront ce que lui, “l’élu du peuple” voudrait. C’est du “Moi d’Abord”. Le second, “le serviteur du peuple” cherchera à travailler avec des dirigeants compétents et intègres. Il ira les chercher partout ils se trouvent pour leur confier les postes de responsabilité. Son critère de choix et de décision est basé sur une question fondamentale : quel est l’intérêt du pays ? Ici, c’est ” le Peuple d’Abord “. Dans le Mali d’aujourd’hui, au bout, il ne pouvait avoir que l’échec. L’incompétence des dirigeants a, de surcroit, engendré une instabilité institutionnelle : 5 Premiers ministres et 7 remaniements en moins de 5 ans. Un record.
Et avec tout ça, vous vouliez que ce même président dirige une transition de 3 ans. N’est-ce pas contradictoire ?
Vous pensez qu’en Afrique nos chefs d’Etat sont “réélus” en fonction de leurs résultats ? J’ai même la conviction que leur durée au pouvoir est proportionnelle au niveau de leurs prédations de leurs pays. Ma proposition, mort-née, pour la transition visait simplement à éviter une crise post-électorale susceptible d’avoir de très graves conséquences pour le pays. Du reste, qui vous dit que le président actuel ne serait pas déclaré vainqueur de la prochaine élection ? Je crains même de voir une sorte de chape de plomb s’abattre sur le pays. Si IBK arrive, malgré tout, à se maintenir au pouvoir, il aurait le choix entre : tirer les enseignements de l’échec du 1er mandat et changer totalement son logiciel sur le choix des dirigeants et la gouvernance. Ou alors, reconduire les schémas passés. Ce qui conduirait davantage ce pays dans la régression. Et alors, l’Histoire retiendra de lui le plus mauvais président que le Mali n’a encore connu. Nos historiens et nos conteurs oraux diront à nos enfants, nos petits et arrières petits-enfants qu’il aurait été un ” Mandé Massa”, à la différence de ses illustres aïeuls, qui aurait mis à genoux notre grand pays. Que le Bon Dieu nous en préserve !
Donc, il est clair que vous ne soutiendrez pas le président IBK aux prochaines élections présidentielles. Que pensez-vous des nouveaux candidats ?
Je ne les connais pas tous. Je connais Dr. Hamadoun Touré qui est grand manager compétent et qui dispose d’un des meilleurs réseaux au monde dans le domaine du numérique. Le Mali ne pouvait pas trouver un meilleur ministre des Télécommunications et de l’Economie numérique comme Dr. Hamadoun Touré. Le président Paul Kagamé, un bâtisseur, l’a fait venir auprès de lui pour utiliser ses compétences. Par ailleurs, j’ai apprécié la grandeur du général Moussa Sinko lorsqu’il a exprimé publiquement ses regrets d’avoir participé au coup d’Etat. Je sais que cela a touché également le président ATT avec lequel j’en ai discuté.
Mamadou Igor Diarra est un bon jeune frère. Il a fait un travail appréciable en tant que ministre de l’Economie et des Finances, mis en exergue par le FMI et la Banque mondiale. Les autres voudront bien m’excuser si je les ne cite pas. Cela n’enlève rien à leur qualité.
Et les bâtisseurs ?
Ah non, je ne voudrais pas apparaître comme celui qui distribue les bons et mauvais points. Je n’en ai aucune autorité. Pour ne pas vous laisser penser que j’esquive votre question, je dirais que j’ai la plus haute estime pour la plupart des responsables qui se réclament de cette plateforme.
Le leader le mieux armé pour faire face aux énormes défis qui attendent le prochain président de la République est Soumaïla Cissé
Au mois d’avril passé, on vous vu à Lomé avec Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath. Quel était le sens de cette rencontre ?
C’était une visite de courtoisie. Au cours de nos échanges, j’ai été impressionné par la capacité d’écoute et la curiosité intellectuelle du jeune Bathily. Derrière le blogueur sans concession et l’harangueur des foules, il y a un jeune homme intelligent qui a le souci de mériter la confiance placée en lui par des centaines de milliers de jeunes Maliens. Que l’on l’aime ou pas, on ne peut pas changer le fait qu’il constitue un certain espoir de la jeunesse malienne. En cela, il mérite le respect et la considération.
En définitive, que comptez-vous faire pour la prochaine élection. A qui comptez-vous apporter votre soutien ?
Je pense objectivement que le leader le mieux armé pour faire face aux énormes défis qui attendent le prochain président de la République est Soumaïla Cissé. De l’avis de nombreux chefs d’entreprises, il demeure le meilleur ministre de l’Economie et des Finances. Il a été un excellent président de la Commission de l’Uémoa. C’est l’avis de plusieurs chefs d’Etat de la région, qu’il m’arrive de conseiller sur les questions d’infrastructures et d’investissements. J’apporterai donc mon soutien personnel à Soumaïla Cissé. Je recommanderai également au bureau politique du RTD de soutenir la candidature de Soumaïla Cissé.
Réalisé par A. B. HAÏDARA
Source: Aujourd’hui-Mali