Alliance nationale pour la Sauvegarde de l’Identité peulhe et de la Restauration de la Justice (ANSIPRJ). C’est le nom du nouveau mouvement politico-militaire crée par des jeunes peulhs dans le centre du pays. D’une mère peulhe et d’un père touareg originaire de Niafunké, Oumar Adianna, 27 ans, est le chef politique et militaire du mouvement. Joint au téléphone, lundi 20 juin depuis une localité près de la Mauritanie, il accuse clairement le gouvernement malien d’avoir « organisé » et « entretenu des exactions contre les peulhs ». « Sous le couvert d’une présumée lutte contre le terrorisme, l’armée est en train de former une milice à Ségou pour exterminer les peulhs », affirme-t-il.
Pourquoi la création d’un mouvement armé peulh ?
Oumar Adianna : C’est pour faire face aux exactions commises par l’armée contre notre communauté. Dans le centre du pays, nos familles sont persécutées par l’armée malienne qui prétend lutter contre le terrorisme. Si tu es peulh dans la région de Mopti, tu as mille chances d’être tué par cette armée. Aujourd’hui, vu le drapeau d’amalgame que le gouvernement nous colle au dos, nous ne voyons aucun autre moyen.
Aviez-vous déjà attiré l’attention du gouvernement sur les exactions que vous venez de mentionner ?
Oumar Aldianna : Bien sûr, nous avons fait d’interminables va-et-vient dans différents ministères, au bureau du premier ministre. Nous avons approché des organisations humanitaires également, mais personne n’a pris nos inquiétudes au sérieux. Finalement, nous, la jeunesse peule, avons décidé de défendre notre identité et d’éclaircir notre position qui est loin du terrorisme. Tant que ce massacre, contre nos familles, continue, nous allons nous battre.
Où-est ce que vous êtes présents et de combien de combattants disposez-vous ?
Oumar Aldianna : Nous sommes à Gao, Ségou, Tombouctou et un peu partout. Nous n’avons pas de base fixe et nos équipes sont mobiles. Je possède 700 hommes et beaucoup d’autres adhésions sont en cours.
Qui sont vos combattants ? Sont-ils uniquement des peulhs ?
Oumar Aldianna : Non. Il y a d’autres ethnies, notamment bambara, qui désapprouvent cette politique répressive organisée et entretenue par le gouvernement malien. Mes quatre gardes du corps sont tous des bambaras. Ils sont composés majoritairement de jeunes diplômés sans emploi, de cultivateurs, d’éleveurs et de paisibles citoyens, victimes de barbarie, d’injustice et d’un manque de droit.
Mais quelles sont vos ressources pour entretenir 700 combattants ? De quel genre de soutien disposez-vous ?
Oumar Aldianna : Nous avons pas mal de relations. Et depuis que ces événements ont commencé, on a compris que l’Etat ne nous est pas favorable. Nous nous sommes donc préparés en conséquence.
C’est aussi une question de volonté. Parce que, finalement, on s’est dit aussi qu’au lieu de nous asseoir et que l’armée nous tue au vu et au su du monde entier, on va lui faire face. Qu’elle nous extermine dans l’honneur et la dignité. Nous n’accepterons pas de mourir sous le nom terroriste, mais nous sommes prêts à mourir pour défendre nos familles.
Qui combattez-vous au juste ? L’Etat malien ?
Nous combattrons quiconque pointe son canon sur un peulh, mais pour l’instant notre seul ennemi c’est l’armée malienne. Il ressort des habitudes du Mali de semer la haine, la terreur, des guerres raciales entre des frères…
A quoi faites-vous allusion ?
Oumar Adianna : Les tueries de Kareri. C’est l’armée malienne qui en est responsable. Le chef de la milice a avoué clairement, devant la délégation gouvernementale, qu’il a été armé par des militaires maliens pour en finir avec les peulhs. C’était en présence de Zahabi Ould Sidi Mohamed, Ag Erlaf, Hamadoun Konaté et des représentants de la CMA.
Aussi, j’ai personnellement assisté, dans un village de Niono, à la livraison de 70 Kalachnikovs à cette milice pour exterminer les peulhs. Cette milice est actuellement en train d’être formée à Ségou sous une appellation dénommée « Damonzon ». Elle est formée par des officiers supérieurs de Ségou et soutenue par une unité de l’armée qui se trouve à Diabaly et un capitaine du nom de Kodio.
Votre mouvement ne serait-il pas en train de se battre plutôt pour intégrer le processus de cantonnement ?
Oumar Aldianna : Nous ne nous intéressons qu’à la sécurité et au bien être de notre communauté.
Propos recueillis par Aboubacar DICKO