Les conclusions d’une enquête de l’ONU, dévoilées le 30 mars, sont accablantes pour la France. Les militaires de Barkhane ont bien abattu des civils lors d’un mariage à Bounti, dans le nord du Mali, le 3 janvier dernier. Des accusations que Paris rejette en bloc. Mais, pour cet éditorialiste d’Aujourd’hui au Faso, il est temps que les responsables reconnaissent leurs actes.
Menée auprès de plus de 200 personnes par la division des droits de l’homme de la Mission de l’ONU au Mali [Minusma], une enquête a conclu que 19 civils réunis pour un mariage ont été tués par une frappe aérienne de l’armée française. Au moins 22 personnes sont mortes, dont trois membres présumés de la katiba Serma [une alliance djihadiste affiliée à Al-Qaida]. Le groupe touché “était très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées contre les attaques au regard du droit international humanitaire”, rappelle la Minusma.
L’enquête confirme la tenue d’une célébration de mariage, qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils, parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la katiba Serma. En dépit de cette précision, c’est un nouveau rapport accablant pour l’opération Barkhane [d’abord appelée Serval, cette opération militaire française a été lancée en 2013 contre les groupes terroristes dans le nord du Mali].
Une autre page sombre
D’ores et déjà, à ce rapport qui met au jour une nouvelle bavure de l’armée française [en novembre 2017, les soldats français ont été accusés d’avoir tué un mineur, qu’ils avaient pris pour un terroriste], Paris a promis de répondre point par point dans les prochains jours [dans un communiqué, le ministère français des Affaires étrangères a déjà rejeté les conclusions de l’enquête, en mettant en cause la méthode d’investigation]. Mais qu’à cela ne tienne, il s’agit d’une autre page sombre de la présence française au Sahel qui s’ouvre.
Dans ses réponses à cette enquête, Paris tentera à coup sûr de trouver des “justificatifs” pour sauver son honneur, mais la qualité des enquêteurs et le sérieux de leur travail font de l’armée française un bourreau parfait dont la marge de manœuvre s’est considérablement réduite.
À l’image du naufragé dont le réflexe est de s’accrocher à tout ce qu’il trouve sur sa trajectoire pour quitter les eaux qui l’emportent, la France fera tout pour garder son honneur sauf. Mais à force de se démener, ne montre-t-elle pas des signes de frilosité coupable ?
Des sanctions indispensables
Sans présumer à 100 % de la véracité des conclusions de l’enquête, les carottes semblent déjà cuites, et il faudra envisager un mea culpa et d’éventuelles réparations pour les victimes dans les prochaines semaines.
À cet effet, la convention de Genève est claire : il faut des sanctions à l’endroit des auteurs de cette opération de sécurisation qui aurait viré à l’échec.
Ainsi, comme les armées des pays membres du G5 Sahel, accusées d’exactions sur des civils, l’armée française, qui n’a pas bonne presse auprès d’une certaine opinion africaine, est de nouveau épinglée dans un rapport.
Ce rapport apporte de l’eau au moulin des contempteurs de la présence militaire française en Afrique et au Sahel, qui n’hésiteront pas à s’en saisir pour justifier leur “combat”, remonter sur leurs grands chevaux et crier à tue-tête “À bas l’impérialisme !”
Davy Richard Sekone
Source: courrier international