Le ministre de l’Administration Territoriale Tiéma HUBERT vient de procéder le 1er novembre 2017, au lancement officiel à Kangaba d’une opération dite de collecte des données biométriques des jeunes âgées de 18 à 22 ans. Nonobstant son bienfondé, le lancement de cette opération est la preuve manifeste de l’improvisation qui mine le mode de gouvernance de ce régime et qui est bien souvent antinomique de tout respect de la légalité républicaine.
Le calendrier de collecte improvisé à la dernière minute par le ministre Tiéma HUBERT n’est pas en cohérence avec les phases du processus de révision annuelle des listes électorales telles que détaillées par la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale. En vérité, l’opération de collecte des données biométriques des jeunes âgés de 18 à 22 ans, improvisée à la sauvette ne saurait légalement avoir de portée décisive et sérieuses sur la fiabilité des listes et du fichier électoral de 2018 qu’à travers une révision exceptionnelle des listes électorales telle que prévue aux alinéas 3, 4 et 5 de l’article 39 de la loi électorale.
L’opération de collecte de données biométriques aurait dû intervenir avant le 31 octobre 2017
Il faut savoir que le droit électoral malien est fondé avant tout sur le principe de l’inscription d’office de l’électeur sur la liste électorale. Ce qui signifie que la responsabilité première de l’inscription sur la liste électorale incombe d’abord à l’Etat qui, pour ce faire, a l’obligation d’instituer les commissions administratives conformément à l’article 42 de la loi électorale. Il en résulte que le citoyen en âge de voter est censé figurer d’office sur la liste électorale. Il lui est toutefois loisible de le vérifier et le cas échéant de se faire inscrire sur la liste électorale.
C’est bien pour cette raison qu’au sein de la Commission administrative, cette inscription d’office insérée dans le délai qui va du 1er au 31 octobre concerne :
– les électeurs potentiels de la base de données biométriques de l’état civil disposant de photos et d’empreintes digitales ;
– les électeurs potentiels qui, figurant dans la base de données biométriques de l’état civil avec leurs photos et leurs empreintes digitales, rempliront les conditions d’âge pour être électeurs ;
– les personnes recensées à la suite d’un changement de domicile.
C’est le lien direct établi entre d’une part la base de données de l’état civil comprenant les photos et les empreintes digitales et d’autre part les listes électorales, qui a substantiellement influencé cette procédure d’inscription d’office. Ce lien direct est créé par l’article 40 de la loi électorale selon lequel les listes électorales « sont établies à partir de la base de données biométriques de l’état civil comprenant à la fois les photos et les empreintes digitales ».
Ce lien a comme conséquence de mettre à la charge du gouvernement qui malheureusement s’est montré incapable de s’assumer convenablement, l’obligation de se démerder avec son fichier d’état civil en mettant à disposition des Commissions administratives, toutes les données nécessaires aussi bien pour l’inscription d’office que pour la radiation d’office. A cet effet, le ministre Tiéma HUBERT qui gère en même temps le fichier biométrique de l’état civil devait, bien avant le démarrage des opérations de révision des listes électorales, s’atteler à compléter l’enrôlement des jeunes figurant déjà dans la base de données de l’état civil par la collecte de leurs empreintes et de leurs photos. Si le gouvernement ne s’était pas endormi tout ce temps, les Commissions administratives auraient dû disposer, non seulement de la liste des électeurs potentiels de la base de données biométriques de l’état civil ayant les photos et les empreintes digitales y compris ceux devant remplir les conditions d’âge pour être électeurs en 2018, mais aussi de la liste des nouveaux majeurs figurant déjà dans la base des données de l’état civil pour lesquels a eu lieu une opération spéciale de collecte d’ empreintes et de photos.
A cet égard, l’opération tardive de collecte des données biométriques des jeunes âgés de 18 à 22 ans prévue du 1er au 30 novembre 2017 s’assimile plutôt à du saupoudrage incompatible avec le calendrier légal des opérations de révision annuelle des listes électorales.
Les chevauchements de calendriers vont faire capoter l’inscription des nouveaux majeurs sur les listes électorales
Entre l’opération de collecte des données biométriques des jeunes âgés de 18 à 22 ans et le calendrier légal de déroulement des opérations de révision des listes électorale, il n’existe pas de concordance et cela ne fait que contribuer à en limiter la portée. Le Ministre affirme que l’opération de collecte va se dérouler durant un mois, c’est à dire du 1er au 30 novembre 2017 où des équipes mobiles seront déployées sur l’ensemble du territoire national et dans les Ambassades et Consulats. Ainsi, rassure-t-il, la participation aux élections de 2018 sera garantie pour cette tranche d’âge, puisque c’est la condition sine qua non pour figurer dans le fichier électoral. Même l’opposition semble avoir été piégée par ce canular, car en vérité les choses sont beaucoup plus compliquées que ne semble le percevoir le Ministre. La période du 1er au 30 novembre 2017 consacrée à la collecte des données n’est pas en adéquation avec les étapes légales de la révision des listes électorale. C’est pourquoi il est chimérique de penser que tous les nouveaux majeurs ratissés dans cette opération seront automatiquement inscrits sur les listes électorales. En se réfère particulièrement aux articles 49, 51 et 52 de la loi électorale, on ne peut objectivement prendre au sérieux le Ministre Tiéma HUBERT et son opération improvisée de collecte.
Toute nouvelle inscription sur la liste électorale est impossible à partir du 20 novembre 2017
Le Ministre Tiéma HUBERT a-t-il conscience qu’au moment où son opération de collecte sera toujours en cours, les Commissions administratives auront déjà arrêté toute inscription sur les listes électorales ?
Nous signalons à cet égard à Monsieur le Ministre qu’aux termes de l’article 49 de la loi électorale, les tableaux rectificatifs ou listes électorales révisées sont arrêtés le 1ernovembre 2017 par les Commissions administratives. Il est ainsi précisé à l’alinéa 3 de cet article : « A partir du 1er novembre, la Commission administrative dresse le tableau rectificatif qui comporte les électeurs nouvellement inscrits soit d’office par la Commission, soit à la demande d’électeurs ; les électeurs radiés soit d’office par la Commission, soit à la demande d’électeurs ».
C’est exactement à cette même date du 1er novembre 2017 que le Sous-Préfet, l’Ambassadeur ou le Consul est tenu, conformément à l’article 52 de la loi électorale, de déposer le tableau rectificatif au secrétariat de la Mairie, à l’Ambassade ou au Consulat et surtout de « donner avis à la population de ce dépôt par affiches aux lieux habituels et faisant connaître que les réclamations seront reçues pendant un délai de 20 jours ». C’est justement ce délai légal de réclamation de 20 jours ouvert aux citoyens, qui est fatal à l’opération improvisée de collecte du Ministre. Faut-il souligner que c’est seulement dans ce délai de 20 jours que le nouveau majeur pourrait encore faire des réclamations à la Commission administrative afin de pouvoir rentrer dans ses droits et figurer sur la liste électorale. Autrement dit au-delà du 20 novembre 2017, les nouveaux majeurs issus de l’opération de collecte des données qui serait toujours en cours car ne prenant fin que le 30 novembre 2017, ne disposeront plus légalement du droit de figurer sur la liste électorale. Aucune demande d’inscription n’est recevable auprès de la Commissions administrative à partir du 20 novembre 2017. Autant dire que les nouveaux majeurs dont les données biométriques auront été collectées au-delà du 20 novembre 2017 ne peuvent plus être inscrits sur la liste électorale dans le cadre de la révision annuelle normale en cours.
Une opération de révision exceptionnelle des listes électorales s’impose au gouvernement
Il est évident que la révision annuelle en cours très mal préparée, n’a aucunement permis aux Commissions administratives d’assurer convenablement leurs tâches. Et ce n’est pas l’opération improvisée de collecte des données biométriques des jeunes âgées de 18 à 22 ans prévue du 1er au 30 novembre 2017 qui va colmater les nombreuses brèches de cette impréparation manifeste du ministre Tiéma HUBERT.
Si le gouvernement veut se départir des approches démagogiques et se donner réellement les moyens de faire figurer le maximum d’électeurs potentiels y compris les nouveaux majeurs sur les listes électorales dans la perspective des élections de 2018, il doit nécessairement recourir aux alinéas 3, 4 et 5 de l’article 39 relatifs à la révision exceptionnelle des listes électorales.
Dr Brahima FOMBA
Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako(USJP)
Source: L’Aube