Après avoir officiellement annoncé le report du referendum, le 10 mars 2023, le Président de la transition, le colonel Assimi GOÏTA, a rencontré, le lundi dernier, des leaders religieux et des responsables de la Société civile afin de leur présenter le Projet de nouvelle constitution qui suscite certaines critiques. Faut-il s’inquiéter du report du référendum constitutionnel ?
L’ancien Premier ministre, Moussa MARA, qui était le mercredi dernier, l’invité de la chaine française TV5, s’est prononcé sur les enjeux de ce report.
Pour le président d’honneur du parti Yelema, il était évidemment établi que le délai allait être difficile à être respecté. Parce que, dit-il, il a fallu convoquer une commission pour revoir les dispositions de l’avant-projet afin de rendre ce travail un peu plus inclusif.
«C’est ce qui a expliqué sans doute ce délai», a-t-il justifié.
A cela s’ajoute, selon ses explications, des aspects matériels qu’il faut prendre en compte, comme le déploiement de l’autorité indépendante de gestion des élections sur le territoire.
«Le plus important, comme le Président lui-même l’a dit, c’est que maintenant, il y a un texte qui a été mis sur la table», a déclaré Moussa MARA.
A présent, l’ancien Premier ministre a invité les Maliens à s’approprier le nouveau texte de loi fondamentale.
«Que les acteurs politiques, la société civile, toutes les composantes de la société s’approprient le texte et que les débats aient lieu», a-t-il conseillé.
Pour lui, c’est à la suite de ces débats que chacun sera tout à fait libre de voter démocratiquement au moment où les autorités choisiront pour fixer la date du référendum.
A la question de savoir s’il s’agit d’un stratagème des autorités pour rester à la tête du pays, Moussa MARA tranche nette : «Non ! Je ne partage pas cette idée parce que la nécessité de réviser la Constitution au Mali ne date pas seulement de la transition».
Selon lui, ‘’depuis plus de 20 ans, nous cherchons à revoir la constitution de 1992 avec des difficultés que chaque Président a rencontré ces 20 et quelques dernières années’’.
Par ailleurs, Moussa MARA a rappelé que le référendum figure en plein cœur de la Charte de la transition, et que la tenue du référendum figure dans le document d’accord avec la CEDEAO comme une étape de la transition à travers des réformes politiques et institutionnelles à conduire.
«Dès lors que cela a été créé et agréé par le passé, je ne vois pas de raison que le référendum n’est pas lieu», a-t-il dit, avant d’ajouter que c’est un objectif de la transition, un objectif lointain pour notre pays. ‘’Essayons de participer à cet exercice-là’’, a appelé l’ancien Premier ministre.
Par contre, Moussa MARA a déploré le fait que le texte qui devrait être soumis à référendum renforce considérablement les pouvoirs du Président.
«Je pense que c’est la faiblesse la plus importante de ce texte. Il faut vraiment le déplorer. Parce que, s’il y a une constante, en termes de reproche dans notre vie politique ces 30 dernières années, c’est que le président a trop de pouvoirs », a-t-il critiqué.
Selon lui, il y a des pouvoirs qui sont clairement inscrits dans la Constitution, mais des pouvoirs qui sont aussi, de fait, exercer par le président du fait de l’affaiblissement des autres institutions.
«Ce que nous aurions dû faire, c’était d’équilibrer les pouvoirs entre les institutions ; donner plus de pouvoir au Parlement pour que le Parlement puisse challenger l’exécutif. Que le Parlement puisse effectivement exercer son droit de contrôle sur l’exécutif. Que nous n’ayons pas un exécutif qui se croit tout permis et qui aille dans tous les sens», a-t-il suggéré.
Toutefois, il salué la possibilité offerte par ce Projet de Constitution avec la possibilité de destituer le Président de la République, comme étant une innovation majeure.
«C’est une innovation, mais il reste à établir les conditions pour que cela puisse se faire. Avec le pouvoir qui a été donné au Président, il apparaît très difficile voire impossible de pouvoir le destituer», regrette Moussa MARA.
De son avis, les constituants auraient été mieux avisés de donner beaucoup moins de pouvoir au Président, de donner plus de pouvoir au Parlement, et d’avoir un équilibre très fort entre ces institutions. «Cela aurait été positif pour la démocratie malienne», a plaidé Moussa MARA.
«Maintenant, il y a cette insuffisance, il y en a d’autres ; mais il y a des aspects positifs ; place au débat et que nous en discussions et le moment opportun les Maliens décideront», a-t-il affirmé.
Toujours dans le cadre des débats sur les dispositions du Projet de constitution, l’ancien Premier ministre s’est également prononcé sur la tension entre les autorités et certains leaders religieux, à l’image de la LIMAMA, autour de l’épineuse question de la laïcité.
Pour M. MARA, cette tension résulte d’une incompréhension autour des discussions sur cette question.
A ce propos, il a rappelé que dans un premier temps certaines autorités religieuses avaient souhaité que la laïcité soit simplement enlevée du projet de Constitution.
Par la suite, dit-il, il y a eu des discussions, et il y a eu une sorte d’entente sur le fait que la laïcité soit expliquée ; et dans le nouveau projet, la laïcité est effectivement expliquée.
A en croire Moussa MARA, les acteurs religieux ont aussi souhaité que la question essentielle de l’école laïque soit abordée. «Malheureusement, on n’a pas répondu à cet aspect», a-t-il fait constater.
«Je pense qu’on aura été mieux avisé de continuer à discuter avec les acteurs religieux et de trouver les voies et moyens pour que l’école publique puisse intégrer des enseignements religieux», a reconnu M. MARA.
Pour lui, le Mali peut se permettre cela aujourd’hui car, dit-il, la question de l’école et la question de l’enseignement religieux à l’école est une question clé.
«Au Mali, on a les ressources pour régler cette question et d’éviter les tensions», a-t-il fulminé.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info Matin