Quatre ans durant j’ai été en contact régulier avec les régions nord du Mali dans le cadre d’un projet de cartographie et d’inventaires miniers.
J’ai constaté que l’horizon de cette partie du Mali était orienté vers l’Algerie. Je garde encore en moi le traumatisme des enfants aux abords du Markouba juste après Almoustarat en allant à Tessalit via Aguelhoc, entre Abeïbara et Tizawaten, me mendiant de l’eau, ne voulant ni pain ni sucre. Ma forte interpellation a été, comment sédentariser les ressources du nord ?
À l’époque jeune (33 ans) politique engagé, j’ai essayé de partager mon traumatisme. Très révolté, j’ai dit que tout est entretenu pour un cycle de rébellions au nord. En intériorisant qu’une nation est mieux qu’une fédération, la fusion des harmonies et des différences.
La nouvelle gouvernance devra créer les conditions de l’appropriation par tous les Maliens, du sentiment d’appartenance à une même Nation. La République est interpellée dans sa capacité à formuler et à mettre en oeuvre des réponses.
La République doit se réconcilier avec ses exclus. Notre société devra s’enrichir de la capacité des uns à soulager la solitude des autres.
Lorsque j’évoquais mes préoccupations sur le nord, on m’opposait la réponse décentralisation comme si ce modèle fétiche suffisait à lui même. J’ai vu des fractions dotées de quelques mètres de grillages et des arrosoirs par des projets et cela était synonyme de développement. En même temps pendant mes géo-traversées, je croisais souvent des colonnes de véhicules tout terrain hyper armés on me disait : des contrebandiers de cigarettes.
À l’époque, je me suis évertué à expliquer que pour anticiper sur une autre rébellion éventuelle, nous devrions sédentariser les ressources au nord par exemple en sur creusant les marres dans le Tilemsi surtout aux abords d’Aguelhoc, à Amalaoulaou, à Sorori et Tina-hama, entre autres. De même en aménageant les bassins versants des oueds avec leur micro-climat propice à la culture de pâturages, ne serait, ce que pour fixer les animaux. Sinon, le foyer sera toujours latent, nous étions en 2001.
Le béton comme symbole de la présence de l’Etat n’était pas une solution dans un tel environnement socio-économique. Le Mali est un et son destin sera unique dans la pluralité des opinions, des origines et des obédiences.
Je voudrais rendre ici un hommage à la mémoire d’un de mes techniciens, géologue
émérite en la personne du jeune Sidi Yaya Touré froidement abattu en plein Kidal, vers 18h pour lui arracher mon véhicule de chef de mission dont je reste marqué à vie.
Malgré que j’eusse recruté les ex-combattants dans mes équipes, malgré ma diplomatie de méchoui avec Ibrahim Ag Bahanga, j’ai perdu un jeune à peine âgé de 26 ans.
À l’époque je me suis fortement interrogé. Est-ce que le monopole de la violence doit être du domaine de l’Etat ou des groupes armées ?
Sur l’autre versant du Tamesna comment notre voisin du Niger appréhendait cette question? À suivre la gouvernance de l’abondance. Le Mali échappera-t-il au syndrome polonais ou s’inspira t-il du modèle (de Dubaï ) des Émirats Arabe unis?
Dramane Dembele Ingénieur Géologue
Source: lesechos