Absente du septentrion depuis la tentative échouée du Pm Moussa Mara de crever l’abcès pat Kidal, l’administration malienne envisage d’y retourner très bientôt par le biais d’une gestion partagée des collectivités avec les groupes armés. C’est la quintessence des attentes et vertus que devraient matérialiser les autorités intérimaires consacrées par les modifications apportées au Code des collectivités. En attendant l’attitude des autres parties signataires de l’Accord face aux censures que le texte a subies au parlement, ainsi que la pertinence des mesures règlementaires de son application.
Peut-on se réjouir de franchir une étape décisive dans la levée des obstacles à l’application intégrale de l’Accord issu du processus d’Alger ainsi que ses implications en termes de souveraineté intégrale de l’Etat ? La question reste pour l’heure en suspens, en dépit de l’adoption, par l’Assemblée nationale, de la loi portant modification du Code des collectivités en vigueur au Mali. En effet, la procédure législative déclenchée par la session extraordinaire y afférente s’est conclue jeudi dernier par l’adoption des nouvelles dispositions sans l’opposition qui a opté pour la politique de chaise vide. Au fait, ce boycott des députés ‘VRD’ aux portes du vote en dit suffisamment long sur l’atmosphère ayant régné lors des débats jalonnés de passe d’armes, d’invectives et même de pugilat entre députés de tendances divergentes.
Intervenus au lendemain de ses dénonciations tonitruantes d’un manquement à la loi fondamentale, l’opposition s’est confrontée en plénière à la surprise pour le moins désagréable d’être désarçonnée, suite au retrait pur et simple des dispositions mitigées du projet modificatif. Il s’agit notamment de l’article 2 du texte qui dispose de modalités spécifiques de mise en place des autorités intérimaires pour les collectivités des régions du nord-Mali, en violation flagrante de l’article 98 de la constitution, estiment l’opposition sous la houlette de son chef de file Soumaïla Cissé.
Mais, la suppression de ce second article du texte n’aura pas été suffisante pour atténuer l’ardeur de la polémique soulevée par le remplacement des ‘délégations spéciales’ par les autorités intérimaires, tant à l’étape des écoutes qu’à celle de la délibération. Et pour cause, en dépit d’un camouflage des motivations de la mesure au moyen d’une extension de son applicabilité à l’ensemble des collectivités, l’initiative n’a pu être débarrassée du préjugé de porter les germes de la partition du pays par la consécration d’une administration à double vitesse : une pour les collectivités du nord et une autre celles du sud. La flopée d’inquiétudes évoquées à ce sujet, à la lumière des écoutes de personnes ressources, ont ainsi inspiré à la commission ‘’Administration’’ de l’Assemblée une tentative de rectifier le tir avec plus d’une demi-dizaine d’amendements ayant trait à la restriction des compétences des ‘autorités intérimaires’, à leur accessibilité au maximum de conseillers sortants, entre autres.
Ainsi, en vertu des correctifs apportés aux dispositions modificatives émanant du département de tutelle, les nouvelles entités administratives – d’une durée maximum de six mois – sont dépourvus par exemple du pouvoir d’emprunt et d’aliénation d’un bien des collectivités ainsi que des prérogatives de création de services et de recrutement de personnel à chacun des trois niveaux (cercle, commune, région).
Si les changements apportés au texte initial ont convaincu la majorité parlementaire au point de ratisser large dans ses rangs, ils ont été accueillis avec beaucoup de réserve du côté de l’opposition, qui a choisi de s’illustrer par l’abstention au vote des amendements. Car, il n’aura pas suffi d’un retrait de l’article litigieux pour dissiper les circonspections et récriminations en rapport avec la violation de la constitution. Au-delà de l’article 2 du projet, en effet, le VRD de Soumaïla Cissé reproche en outre à la procédure législative d’avoir passé l’avis du Haut conseil des collectivités et violé par là même les dispositions de l’article 99 de la Loi fondamentale.
Ce n’est pas tout. Ses intentions de prendre en défaut les pouvoirs sur leur devoir de préserver l’unité nationale se sont en outre exprimées par des allusions claires aux risques que comportent les autorités intérimaires.
«Le projet marque le prélude des réformes institutionnelles qui menacent l’unité du pays», s’est insurgé un député de l’opposition, inquiétude du reste partagées par nombre de parlementaires certes d’obédience contraire mais tout aussi craintifs des brèches que les autorités intérimaires pourraient offrir aux tendances séparatistes. La démarcation entre majorité et opposition sera toutefois très nette et sans équivoque lors de la délibération car les uns ont unanimement approuvé la loi tandis que les autres ont choisi la voie de la chaise vide au détour d’un tiraillement sur la distribution de la parole.
Pour le ténor de la mouvance majoritaire au parlement, le député Mamadou Diarassouba du RPM, la posture du camp adverse intervient pour le moins à contre-courant de son engagement dans la dynamique de concertation avec la majorité et les mouvements armés en vue de chercher les moyens d’avancer dans la mise en œuvre de l’Accord et le retour de l’administration dans le septentrion. Le vote des nouvelles dispositions du Code des collectivités va-t-il combler les attentes de redéploiement administratif tant prôné ? En attendant les mesures règlementaires de sa mise en œuvre par des mesures règlementaires, le ministre en charge de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat est persuadé que la définition du cadre législatif des autorités intérimaires constitue d’ores et déjà un pas de géant vers cet objectif, pour autant que les autorités intérimaires pourraient assurer l’accès des populations aux services sociaux de base et même organiser la révision des listes électorales pendant les six mois qu’elles vont administrer les collectivités dont les conseils sont affectés par un défaut de fonctionnalité ou l’impossibilité d’être constitué.
Difficile d’affirmer toutefois qu’il s’agit d’un acquis car, de la tribune parlementaire, la polémique risque de se transporter au niveau du Comité de suivi de l’Accord où les mouvements attendent de pied ferme la teneur que les mesures règlementaires vont conférer à la loi.
A noter qu’en plus d’une défiguration des dispositions initiales par la censure parlementaire, les mouvements armés et l’Etat n’avaient déjà pas la même interprétation du contenu des autorités intérimaires. Ce qui risque de retarder davantage le processus de mise en œuvre d’un Accord, a confié une source proche des mouvements armés. Quoi qu’il en soit, les avancées attribuées consacrent, selon toute évidence, une restriction de l’autorité de l’Etat dans les régions du nord-Mali.
A KEITA
Source : le Témoin