Actuellement, la Suisse joue un rôle discret mais important dans les négociations qui se déroulent à l’abri des regards, entre le MNLA et le gouvernement malien. Très souvent accusée par la partie malienne d’accointances avec les rebelles touaregs, la Confédération helvétique a su se placer au cœur même de la médiation. Cet intérêt pour notre pays est-il sincère ?
Aux premières heures de l’occupation jihadiste, une suissesse Béatrice Stockly, d’une quarantaine d’années avait été enlevée à Tombouctou, le 15 avril 2012 par des hommes armés. Elle avait refusé de quitter la ville tombée aux mains des islamistes, quinze jours plutôt. Fait inédit, elle fut libérée, seulement, dix jours après sont enlèvement, plus précisément le 24 avril. Selon toute vraisemblance, les autorités suisses avaient su tirer profit de leur connaissance du réseau touareg rebelle.
Durant les deux dernières années, les relations entre Berne et Bamako ont été glaciales. En 2012, un quotidien suisse a révélé que le département fédéral des Affaires Etrangères avait financé une réunion politique des rebelles indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), fin juillet, à Ouagadougou. Une révélation qui avait agacé les autorités de transition malienne. Depuis, les autorités helvétiques tentent de revenir dans le dossier nord malien.
En réalité, l’engagement suisse dans la crise malienne remonte à son début. En novembre 2011, un mois après sa fondation, le mouvement touareg noue des contacts avec la Confédération pour jouer les intermédiaires avec Bamako. À partir de janvier 2012, lorsque le conflit dégénère en guerre ouverte entre les deux belligérants, c’est au tour du gouvernement malien de se rapprocher des autorités helvétiques. Depuis, les Suisses jouent un rôle important au sein de la médiation internationale.
La Suisse a toujours entretenu de bonnes relations avec la Communauté touarègue du Mali. Un haut responsable du MNLA avait reconnu, lors de la signature de l’Accord de Ouagadougou, le 18 juin dernier, que les helvètes avaient « financièrement appuyé la médiation, que ce soit pour la location de salles ou encore l’hébergement des différentes délégations ». De plus, ils avaient été présents lors des pourparlers de cet Accord aux côtés de l’Union africaine, de l’Union européenne, de la France, du Burkina Faso, de l’Algérie, du Niger et de la Mauritanie.
Et si l’intérêt de la Confédération suisse résidait dans le secteur aurifère malien ?
Notre pays est le 3ème producteur d’or sur le continent africain avec une production de 50 tonnes en 2012. La construction de la raffinerie Kankou Moussa, la plus grande de tout le pays, a été financé par l’entreprise suisse Bullion company pour 45 millions d’euros.
Selon un rapport de la FIDH datant de 2007, l’un des plus récents sur le sujet, la Confédération serait le deuxième importateur d’or malien, avec 40% de la production annuelle du pays, derrière l’Afrique du Sud (60%).
D’après un second rapport, publié en décembre 2011 par Human rights watch (HRW), la Suisse est même le premier partenaire du Mali en ce qui concerne le commerce d’or extrait de manière artisanale (4 tonnes par an en 2013). De janvier 2009 à mai 2011, l’équivalent d’environ 34 millions de dollars d’or « artisanal » malien ont été exportés vers la Suisse.
Avec de tels chiffres, difficile de croire que la question aurifère n’a pas pesé, même un peu, sur le positionnement diplomatique helvétique dans la crise malienne.
Ahmed M. Thiam