Dans le but d’édifier l’opinion nationale sur la situation qui prévaut actuellement au Mali, nous avons interrogé Moulaye Kéïta chez lui à Kati. Moulaye Kéïta a joué dans plusieurs films dont le plus célèbre est « Dou la famille » du réalisateur Boubacar Sidibé dans lequel il joue le rôle de Abou. L’acteur de cinéma a une certaine liberté de ton. Observateur averti de la scène politique, il estime que l’organisation de l’élection présidentielle dont le 1er tour est prévu pour le 29 juillet prochain n’est pas une priorité. Lisez plutôt cette réflexion qui ne manquera pas de susciter de vifs débats.
Tout le monde fait de la politique à sa manière, mais tout le monde ne peut pas exercer une fonction politique, qui reste un privilège pour les gens nobles, justes et bons de cœur et d’esprit, des gens qui mettent au-devant de tout l’intérêt du pays, de la nation, de la patrie.
Le célèbre philosophe Platon disait que « La politique n’est faite ni pour les pauvres, ni pour les ignorants ».
Ne sont pas intellectuels tous ceux qui ont fréquenté l’école mais ceux qui veulent la paix, la liberté, la sécurité, la stabilité et l’équilibre social de leur patrie et la défendent à n’importe quel prix, même celui de leur sang. Donc je ne suis pas un politique dans le sens où je n’ai pas eu le privilège d’exercer une fonction politique mais je me sens plus politique que les politiques parce que j’aime mon pays et que je garde l’œil sur la scène politique du Mali.
De mes analyses personnelles, il ressort que les problèmes auxquels les maliens sont confrontés, ne sont que la suite logique du choix de régime politique pour lequel le Mali a opté depuis plus de deux décennies, bien que d’autres problèmes existaient avant. Le régime politique démocratique avec son principe de pluralisme, fait qu’aucun parti politique, aucun individu seul ne peut se vanter de détenir la solution aux problèmes qui sévissent dans le pays, car ces problèmes sont multidimensionnels et multisectoriels. Donc la solution aux problèmes n’est pas une question de parti, ni d’individu mais plutôt une question de système, de mode de gestion des affaires et de la société comme la quasi-totalité des pays du monde, le Mali est secoué par cette vague d’insécurité que je nomme terrorisme dans un contexte géopolitique. Mais je me pose la question de savoir, depuis quand les valeurs sociales et sociétales comme l’hospitalité, le cousinage à plaisanterie, ont disparu du Mali, au point que les maliens ne puissent pas par eux-mêmes trouver des solutions à leurs problèmes ? Où sont partis les sages, les religieux, les hommes dont l’apport est indispensable dans la résolution des conflits ? C’est parce que des corps étrangers insensibles à nos valeurs se sont introduits au Mali, c’est parce qu’on a joué sur la corruptibilité de certains dirigeants. Donc en mon sens, l’organisation de l’élection présidentielle quinquennale, bien qu’elle soit une logique démocratique, n’est pas une priorité, car l’organisation des élections passe par la sécurité et la sécurisation des personnes et de leurs biens, par la liberté des citoyens sur toute l’étendue du territoire.
Pour qui se soucie du bien-être du Mali et des maliens, de quelles élections nous parle-t-on quand du Nord au Sud, d’Est en Ouest en passant par le centre, aucun endroit n’est stable. Ou bien veut-on créer une nouvelle Côte- d’Ivoire 2010 au Mali ? Une guerre civile aux conséquences inimaginables au Mali ?
Les Maliens doivent comprendre que notre pays ne se relèvera pas de son passé écrasant d’un coup de baguette magique. Les dirigeants peuvent continuer à se succéder à Koulouba, nous continuerons à les décrier tous, les uns après les autres. Sachons seulement reconnaître les mérites d’IBK et des autres car nul n’est ni totalement bon, ni totalement mauvais. Ne faisons pas la politique de l’autruche, ne nous cachons pas le visage devant la réalité. Cette réalité est que ce n’est pas une ruée vers Koulouba qui nous sortira de cette situation mais une ruée sur le Mali lui-même, notre Maliba, grandiose hier, aujourd’hui et demain parce qu’en fait, nous n’avons que le Mali et le Mali seul aujourd’hui, maintenant et toujours.
Propos recueillis par Bourama Camara
Le challenger