Autrefois réservée aux citoyens russes, l’armée russe n’est plus très regardante sur l’origine de ses recrues. Tous ceux qui peuvent tenir un fusil sont bons à prendre pour l’« opération militaire spéciale », devenue mission existentielle pour Vladimir Poutine.
La veille de l’annonce de la mobilisation « partielle » le 21 septembre, le maire de Moscou Sergueï Sobianine, un proche allié du chef d’Etat russe, ratissait déjà du côté des migrants étrangers cherchant du travail en Russie, un vivier estimé entre 4 et 6 millions d’individus. Sur son site Internet personnel, M. Sobianine a ainsi annoncé l’ouverture d’un bureau de recrutement de l’armée russe dans le centre des migrants de Sakharovo.
Ce dernier, un vaste complexe administratif, est le passage obligé de millions d’immigrés venus des ex-républiques soviétiques afin d’obtenir – et renouveler tous les trois mois – les documents nécessaires pour travailler à Moscou. Désormais, ce « guichet unique pour résoudre les questions liées aux emplois des migrants » – comme le définit le maire de Moscou – précise : les étrangers « qui passent un contrat avec les forces armées de la Fédération de Russie pourront obtenir la nationalité russe, sans longue attente ni barrière administrative ». Le centre de Sakharovo, situé à près de trois heures du centre de Moscou par les transports en commun, est réputé pour la rudesse de ses employés et ses files d’attente interminables.
« Finir dans une boîte de zinc »
Les autorités russes ne manquent pas, en parallèle, d’agiter le bâton. « Les recruteurs font pression sur les immigrés naturalisés depuis moins de dix ans, en leur signifiant qu’ils perdront leur passeport russe s’ils refusent de servir sous les drapeaux », note le défenseur tadjik des droits de l’homme basé à Moscou, Karimjon Yorov, qui dit connaître plusieurs exemples de citoyens russes originaires d’Asie centrale convoqués et menacés par les recruteurs militaires russes au cours des derniers mois.
Même son de cloche auprès de Valentina Tchoupik, fondatrice de Tong Jahoni, une ONG offrant une assistance juridique gratuite aux migrants d’Asie centrale en Russie. Plusieurs dizaines d’entre eux se disant victimes de pressions lui ont demandé conseil depuis février. Aucun n’était, selon elle, intéressé par la proposition de recrutement russe. « Les migrants peuvent facilement décrocher des revenus équivalents en travaillant sur un chantier de construction ou dans un service de messagerie ou dans le commerce (…) Jusqu’à récemment, la citoyenneté russe les intéressait, mais tous ont désormais bien compris qu’il ne s’agissait plus d’obtenir un passeport, mais de finir dans une boîte de zinc [cercueils de soldats] », explique Mme Tchoupik au Monde.
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