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Mohamed Amara, Sociologue : « Le Mali seul ne peut pas lutter contre le terrorisme »

Au Mali, la situation sécuritaire se dégrade au centre et au nord du pays avec un regain des attaques et blocus. Qu’est-ce qui explique cette recrudescence des attaques ? Mohamed Amara, sociologue et auteur de plusieurs livres dont : Marchands d’angoisses, le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être, éditions Grandvaux nous explique les causes. Entretien.

 

Mali Tribune : qu’est-ce qui explique cette recrudescence des attaques au centre du pays ?

Mohamed Amara : il y a deux niveaux d’explications. Le premier, c’est le fait que l’effectif militaire malien aujourd’hui ne permet pas concrètement de couvrir l’ensemble du territoire notamment le centre et le nord du Mali où il faut un déploiement massif de l’armée d’autant plus que la force Barkhane quitte le Mali. Deuxième niveau d’explication,  le fait est que le départ de Barkhane du Mali laisse le champ libre aux narcoterroristes pour commettre leurs différents forfaits. Ces deux niveaux d’explications amènent à dire que le Mali a besoin d’un outil de défense plus performant pour occuper le terrain ; c’est-à-dire être dans une logique plutôt offensive que défensive pour aller chercher les groupes terroristes dans leurs cachettes. Ça nécessite la mise en place d’un nouveau logiciel militaire. En d’autres termes, il y a nécessité d’avoir des coopérations militaires, le Mali seul ne peut pas lutter contre le terrorisme d’autant plus qu’il est transfrontalier et international. Donc, la coopération avec l’ensemble des pays de la région notamment le Niger et le Burkina Faso est nécessaire. Mais, coopérer sans perdre son âme.

Mali Tribune : l’armée monte en puissance. Mais elle n’arrive toujours pas à anticiper les attaques malgré les moyens gigantesques. Pourquoi ?

M A. : Il est difficile de faire une enquête dans les zones où l’armée monte en puissance pour corroborer cette affirmation. Monter en puissance suppose qu’on gagne en performance, en légitimité et on engrange des victoires. C’est-à-dire qu’on arrive à avoir des rapports de force dominants vis-à-vis de son adversaire ou de son ennemi. Mais il est difficile aujourd’hui pour les journalistes indépendants d’aller sur le terrain de façon libre et vérifier cette montée en puissance. Donc, c’est une question très difficile et sensible à répondre telle que vous la posez. Malgré la montée en puissance de l’armée, la population malienne continue d’être massacrée, à fuir la pression terroriste. Moi, je ne parlerai pas de montée en puissance, tant qu’il n’y pas des articles documentant cette montée en puissance à partir d’enquête de terrain. C’est-à-dire des enquêtes journalistes, sociologiques ou toute forme d’investigation permettant en tout cas de créditer cette puissance. Il faudra à un moment qu’on arrive à renseigner tout ça. Enfin, la montée en puissance suppose pour moi le retour de l’administration ou la réouverture des écoles ; bref, le redémarrage des activités quotidiennes.

Mali Tribune : le mandat de la Minusma a été renouvelé sur fond de tension entre le Mali et le Conseil de sécurité. Quel avenir pour la mission onusienne ?

M.A.: il faut dire que le mandat de la Minusma a été renouvelé alors que le Mali n’était pas tout à fait pour dans les conditions actuelles. Le pire, les soutiens du Mali, c’est-à-dire la Russie et la Chine se sont abstenus alors qu’ils auraient pu utiliser leur droit de véto pour empêcher le renouvellement du mandat de la Minusma dans les conditions qui ne convenaient pas au Mali. Mais ainsi va le monde. Cela a été un coup de poignard dans le dos du Mali. En termes d’avenir, de nouveaux conflits s’ouvrent entre le Mali et les Nations unies. Ce n’est pas de bon augure pour un pays qui sort de sanctions économiques et financières. Le Mali risque de devenir le pays mal aimé de la sous-région primosecundo il va avoir du mal à mettre en place des projets de développement. Sans compromis entre le Mali et la communauté internationale, il serait très difficile de se développer. Un Etat sans projet, et qui ne vit que des aides humanitaires meurt à petit feu. Il serait important que le Mali et la communauté internationale parlent la même langue.

Mali Tribune : La France a annoncé la fin de la Task force Takuba, lancée en mars 2020 dans le cadre de la lutte antijihadiste. Quel bilan tirez-vous ?

M. A.: C’est un bilan mitigé parce que c’est une force qui n’a même pas eu le temps de se déployer à cause des instabilités politiques au Mali et des coups d’Etat. Un bilan mitigé au sens où la lutte contre le terrorisme est restée au même niveau. D’ailleurs, les terroristes ont même gagné du terrain dans la zone des trois frontières. Le bilan reste mitigé dans le sens où à terme Takuba devait soulager Barkhane, voire la remplacer dans la lutte contre le terrorisme. Ce qui n’a jamais pu se faire malheureusement. Au contraire, le terrorisme s’est développé autrement : recrutement des jeunes locaux, mariages, création réseaux d’informateurs… Dans ces conditions, il serait très difficile de parler de bilan. Aujourd’hui, une question se pose pour le Mali : quelle perspective sécuritaire pour tenir et sécuriser les futures élections ?

 

Propos recueillis par

Ousmane Mahamane

Source : Mali Tribune 

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