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Mody N’diaye, économiste et député : «La croissance passe par la transformation du secteur agricole en un véritable pool agro industriel compétitif pour l’avenir»

Homme politique et député élu à Barouéli (région de Ségou), Mody N’Diaye est un macro économiste émérite. Dans un entretien à bâton rompus, le 3e vice-président de l’Assemblée nationale  du Mali nous a expliqué les grandes orientations économiques qui ont marqué les régimes de l’indépendance à nos jours. Selon lui, les politiques qui s’inscrivent dans une croissance moyenne annuelle de 5 % à moyen terme sont très réductrices de la capacité réelle du pays à booster la croissance.

honorable depute Mody NDiaye

Le Matin : De Modibo Kéita à Ibrahim Boubacar Kéita, quelles sont les grandes orientations économiques qui ont marqué les régimes successifs au Mali ?

Mody N’Diaye : On peut  classer l’histoire économique du Mali indépendant en 4 grandes étapes. La première va de 1960 à 1968 avec le socialisme comme option économique. Elle s’est traduite par la création des sociétés d’Etat dans tous les maillons de la chaîne économique. Elle a été marquée au plan monétaire par la sortie du Mali de la Zone CFA (F CFA, à l’origine en 1945, signifiait Franc des Colonies Françaises d’Afrique, NDLR) et la création du Franc malien (1er juillet 1961, NDRL).

De 1968 à 1980, ce fut le début de la libéralisation dans un environnement dominé par les sociétés d’Etat qui après une période florissante commençaient à manifester des signes d’essoufflement.

De 1980 à 1994, nous avons connu la période des Programmes d’ajustement structurels (PAS, sous la pression du FMI et de la Banque mondiale, NDLR) et de restructuration des entreprises publiques. La plupart des sociétés d’Etat ont été privatisées ou liquidées. Un nombre réduit a été gardé dans le portefeuille de l’Etat en vue de leur restructuration. Parallèlement, la libéralisation de l’économie  s’est poursuivie et à concerner tous les secteurs. Au milieu des années 80 (1er juillet 1984, NDLR), notre pays abandonna le franc malien et adopta comme monnaie le franc CFA.

Et de 1994 à nos jours, notre pays évolue dans une économie libérale. Le nouvel environnement est marqué par une plus grande intégration des économies des pays de la sous-région et au niveau régional. Le cas de l’UEMOA est assez révélateur avec une monnaie commune et l’adoption de plusieurs politiques communes dans tous les domaines stratégiques.

L’élément déclencheur de la création de l’UEMOA a été la dévaluation du franc CFA en début 1994, un événement majeur au plan économique à cette époque. Notre pays a également connu l’adoption de documents cadres pour la lutte contre la pauvreté dont la 3e génération est en cours actuellement. Ils ont constitué les seuls référentiels en matière économique et d’intervention des Partenaires techniques et financiers (PTF) qui accompagnent notre pays.

Quel modèle économique vous a  semblé le plus pertinent parmi ces différents régimes ?

Mody N’Diaye : L’économie ne fonctionne pas sur un seul modèle. Chaque modèle, à l’épreuve du temps, renferme ses propres forces de freinage. Il faut, à mon sens, avoir la capacité de créer un système dans lequel nous devons rechercher en permanence la combinaison la plus optimale entre, d’une part, les performances attendues du marché et, d’autre part, la justice et la sécurité sociale.

La crise économique internationale n’a pas épargné le Mali qui traverse aujourd’hui des difficultés multiformes. Quel modèle économique faut-il pour relancer la croissance de notre pays ?

Mody N’Diaye : Les politiques qui s’inscrivent dans une croissance moyenne annuelle de 5 % à moyen terme me paraissent très réductrices de notre capacité réelle à booster la croissance, à véritablement réduire la pauvreté et à résoudre les problèmes d’emplois.

Pour relancer la croissance, il faut un leadership politique fort dans le domaine économique et un bon ciblage des priorités. Il faut diversifier l’économie mais en s’assurant que les secteurs traditionnels dans lesquels nous avons un avantage comparatif sont valorisés au maximum. Les infrastructures de base doivent être mises à niveau pour conforter la compétitivité des filières. Un accent doit être mis sur l’efficacité de toutes les politiques publiques d’accompagnement pour asseoir la compétitivité.

L’approche ordonnée, sélective des priorités est indispensable au regard des contraintes de tout genre pour asseoir une compétitivité réelle de notre économie. Dans ce cadre, la mise à niveau de l’administration publique est plus que nécessaire dans l’optique de la mise en place en son sein d’une culture de soutien et de développement du secteur privé.

La lutte contre la corruption, l’instauration d’une véritable justice pour tous et surtout une formation de qualité des ressources humaines restent les défis à relever.

Quelle place l’agriculture devrait-elle avoir dans la relance de la croissance économique ?

Mody N’Diaye : L’agriculture présente certes un potentiel, mais ce qui paraît indispensable aujourd’hui, c’est la transformation de ce secteur en un véritable pool agro industriel compétitif  pour l’avenir. Les politiques de soutien en cours dans ce secteur sont certes nécessaires, mais très insuffisantes car le défi de sa compétitivité avec des produits à forte valeur ajoutée au niveau de la sous-région, de la région et du monde entier est celui dans lequel les progrès sont très timides.

En effet, les produits concurrents de notre agriculture viennent de partout, donc d’Asie, d’Europe, d’Amérique et d’Afrique. La stratégie qui convient, à mon sens, est la mise à niveau progressive par filière agricole. L’objectif étant d’assurer, à terme pour chaque filière, une position d’exportatrice nette avec des produits transformés. L’approche partenariat public-privé demeure fort possible dans la vitalité de nos filières agricoles.

Le chômage a atteint un niveau record. Comment le gouvernement peut-il résorber ce fléau ?

Mody N’Diaye : Il faut une croissance inclusive, durable et soutenable. Elle doit être plus ambitieuse. Tous les pays sont confrontés au problème de chômage dans un environnement presque saturé au niveau mondial, économiquement parlant.

Nos pays, qui ont de la marge, doivent améliorer leur gouvernance économique. Notre pays doit s’inscrire dans le moyen terme à une croissance voisine des deux chiffres pour prendre son envol. Les politiques publiques doivent s’inscrire dans ce cadre. C’est certainement de cette façon que l’on pourrait infléchir la courbe du chômage.

On parle trop du Franc CFA dans ces derniers temps. Quelle est votre position sur le débat actuel par rapport à  cette zone et de sa monnaie ?

Mody N’Diaye : Le franc CFA en tant que monnaie commune est une bonne chose et doit servir de modèle pour une zone monétaire élargie à la CEDEAO.

Toutefois, la gouvernance de cette monnaie doit être revue pour une plus grande efficacité de la politique monétaire actuellement mise en œuvre dans nos pays.

C’est pourquoi, les discussions doivent sérieusement être ouvertes sur cet aspect, notamment sur la coopération financière avec la France relative au compte d’opération tenu par le Trésor Français.

Aujourd’hui, je pense que la garantie initiale à la base de cette coopération n’est plus d’actualité et nos pays sont suffisamment outillés pour conduire les politiques monétaires devant leur permettre de sortir des taux insuffisants de croissance au stade actuel de leur position dans l’économie mondiale.

Propos recueillis par Aliou Touré

 

 

Source: Le Matin

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