Le Mali fait parti du club des pays à la traine en matière de finance islamique, selon Modibo Mao Makalou, économiste, MBA/Finance Internationale. Il préconise pour son développement que le pays adapte ses outils financiers, juridiques et réglementaires. Lisez plutôt !
Azalaï Express : 29
Modibo Mao Makalou : Le marché mondial de la finance islamique a récemment franchi le cap des 2 000 milliards de dollars d’actifs et pourrait atteindre environ 3500 milliards de dollars en 2021 selon la Banque Mondiale. La finance islamique est une finance dont le mode de fonctionnement repose sur les principes de la charia qui supposent l’interdiction de l’intérêt, de l’incertitude, de la spéculation, l’interdiction d’investir dans des secteurs considérés comme illicites (alcool, tabac, paris sur les jeux, etc.), ainsi que le respect du principe de partage des pertes et des profits.. La justice, l’équité et la transparence sont les principales valeurs retenues par ce système de finance.
La particularité du financement des institutions financières islamiques par rapport aux besoins des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) réside essentiellement dans trois aspects : 1) elles favorisent la participation; 2) elles forgent un partenariat qui oblige les deux parties à courir ensemble les risques en partageant les pertes et les profits; 3) et elles utilisent des méthodes de financement alternatif très peu connues par les banques conventionnelles commerciales.
Quel est aujourd’hui l’état des lieux de la finance islamique au Mali et quelle peut être la part de cette finance dans le secteur financier au plan national ?
Le Mali fait partie du club encore restreint des pays africains à recourir à la finance islamique même si les proportions sont assez modestes encore à ce jour. Le pays a en effet lancé une émission d’obligations islamiques, les sukuk, sur le marché des capitaux de l’UEMOA en 2018. L’opération consistait en la levée de 150 milliards FCFA auprès du grand public et des investisseurs institutionnels. A travers cette sortie sur le marché des sukuk, le Mali est devenu le quatrième pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) à émettre des obligations islamiques, après le Togo, la Côte-d’Ivoire et le Sénégal.
Comment expliquer qu’au Mali, pays à large majorité musulmane, la finance islamique n’ait pas un essor approprié ?
Les banques islamiques sont généralement constituées sous forme de sociétés anonymes avec un capital variable, mais souvent très élevé, souscrit à la majorité des membres fondateurs ou par les actionnaires généralement de religion musulmane et enregistré dans un document signé, dénommé Acte constitutif. Le système bancaire islamique a adopté le concept de participation aux risques financiers de l’entreprise, conformément au principe qui veut que ceux qui réalisent des profits doivent être à même de subir des pertes. Il existe diverses sortes de placement dont la rentabilité varie en fonction des risques générés, de manière à satisfaire les exigences de la communauté musulmane face aux besoins d’épargne et d’investissement. La banque islamique propose deux formes d’investissement: a) l’investissement direct par lequel la banque se charge du placement des capitaux dans des projets qui lui rapportent un dividende; b) l’investissement par la participation où la banque participe au capital d’une entreprise de production en tant qu’associée aussi bien dans l’investissement que dans la gestion. Dans ce cas précis, la banque partage les risques avec le client en participant selon un pourcentage convenu dans les profits comme dans les pertes.
Quelles peuvent être les perspectives de développement de la finance islamique au Mali ?
Les institutions financières islamiques sont classifiées en six (6) catégories : Banques Islamiques ; Micro-finances Islamiques ; Assurance Islamiques (Takaful) ; Fonds Zakat ; Fonds Waqf ; Sukuk (obligations islamiques).
La banque islamique rend les mêmes services que les banques classiques. Elle est un intermédiaire entre les détenteurs de capitaux et les emprunteurs. Elle s’engage dans la collecte des dépôts (à vue, à terme et dépôt d’épargne) et l’utilise dans des opérations à caractère bancaire (crédit-bail, location, Modaraba, etc.) et dans d’autres opérations diverses, tout en se conformant à la loi islamique. Toutefois, pour exploiter tout le potentiel offert par la finance islamique, le Mali et les autres pays africains doivent adapter leurs systèmes financiers et leurs cadres juridiques, et règlementaires de manière à intégrer cet important mode de financement alternatif pour financer les plans de développement nationaux et les priorités nationales contenues dans les budgets nationaux en matière de développement durable.
Réalisée par Harber MAIGA
Source: Azalaï-Express