Pour démarrer cette rubrique destinée aux femmes battantes, nous avons rendu visite à Mme Ouologuem Dicko Sidibé dite Ina. De prime abord, son sourire et son calme olympien laissent entrevoir une femme sociable et respectueuse. Ce qui cache mal la rigueur dont elle fait preuve dans le travail en conduisant d’une main de fer gantée de velours les destinées de Multicanal et de Tnt Sat Africa. Ce qui ne l’empêche de se définir comme ” une femme soumise au foyer “. Comment concilier les deux ? En tout cas, Mme Ouloguem Dicko Sidibé en a bien le secret.
Mme Ouologuem Dicko Sidibé communément appelée Ina, qui veut dire en langue peul qu’elle est l’homonyme de ma maman, fait partie de ces femmes moulées dans le cocon familial où l’éducation de la femme est un savant condensé d’enracinement et d’ouverture. En effet, “Mon mari est compréhensible. Je suis aussi une femme soumise. Tout cela dépend de l’éducation” affirme-t-elle, pour nous rassurer que son mari la soutient bien dans son rôle de chef d’entreprise qu’elle parvient à allier à la vie domestique sans aucune entrave.
Mme Ouologuem Dicko Sidibé est issue d’une famille de dix enfants dont six garçons et quatre filles. Tous sont des intellectuels, tient-elle à préciser, pour prouver à quel point l’école à une place importante dans l’éducation familiale. Ce qu’elle est en train de perpétuer avec ses trois enfants qu’elle soutient parfaitement dans leurs études.
Avec Ina, il ne faut pas parler de différence entre l’homme et la femme en matière de travail car sa réponse est sans équivoque : “En tant que femme, je suis vraiment enchantée d’être dirigeante d’entreprise car je me mets toujours dans la tête qu’il n’y a pas de différence entre femme et homme dans le travail. Je suis toujours assidue et comme me l’a toujours conseillé ma mère, il faut gérer dans la transparence. Moi je ne suis pas dans la guerre entre les hommes et les femmes car il n’y a pas de problème en fait”.
Voilà pratiquement 17 ans que Mme Ouologuem Dicko Sidibé s’active derrière les claviers de son ordinateur pour s’occuper du cryptage d’abord du réseau de Multicanal et en plus maintenant de celui tout récent de Tnt Sat Africa. Un travail de titan qu’elle abat avec maestria, aidée en cela par son assistante, Mme Mariko.
C’est parce qu’à la fin de ses études supérieures de comptabilité-gestion, un de ses frères, Ismaël Sidibé, lui a fait appel pour venir l’aider au niveau de sa première société qui s’appelait Mali-Télévision qui opérait dans les zones minières du Mali, à savoir Sadiola, Yatéla et Morila. “Mali-Télévision faisait les mêmes activités que Multicanal qui se limitait à Bamako. On était aussi spécialisé dans la vente d’antennes TV5 et des décodeurs au niveau de la région de Kayes, mais avec le problème de piratage, on était obligé de cesser pour Kayes et de continuer dans les zones minières” précise Mme Ouologuem.
Elle a commencé en 2000. Ce qui lui fait donc une expérience de 17 ans renforcée par un stage de formation à Médiaplus au Togo, qui est un câblo-opérateur qui fait les mêmes activités que Multicanal. Elle y a vite appris les ficelles du métier pour devenir à l’heure actuelle la cheville ouvrière de Tnt Sat Africa et Multicanal, deux boîtes qu’elle gère en même temps et sur les intérêts desquels elle veille comme à la prunelle de ses yeux.
“Pour moi, je ne pense pas que la femme est moins avantagée par rapport à l’homme dans la gestion d’une entreprise en et même dans le travail tout court. Lorsque je suis au travail, je me considère comme un homme, je ne me dis pas que je suis une femme car seule la compétence compte” martèle Ina dont la devise est : “Seul le travail paie”.
C’est parce que sa mère, une de ses références, lui a inculqué, à bas âge, les vertus du travail. “Il faut travailler, toujours travailler, encore travailler tant qu’on le peut” avait-elle l’habitude de lui dire. Cette philosophie, Mme Ouloguem Dicko Sidibé se l’est appropriée. C’est pourquoi, elle ne cesse de faire référence à sa mère pour rappeler que c’est elle qui l’a préparée à affronter la vie avec succès et ainsi devenir une femme battante.
Les points forts de la réussite de sa gestion reposent sur trois axes principaux de sa gestion de Multicanal et Tnt Sat Africa: augmenter sans cesse les bouquets à offrir à la clientèle, éviter toute rupture de stocks des décodeurs qui connaissent une forte demande et augmenter la visibilité de l’entreprise (sponsoring et jeux au niveau des radios de Bamako).
En effet, elle est parvenue à diversifier l’offre de services qui se décline à présent en neuf bouquets, donnant l’embarras du choix aux abonnés de plus en plus exigeants, mais satisfaits, selon elle.
Pour le renforcement de la visibilité des deux entreprises, elle s’est battue farouchement, surtout au niveau du sponsoring où on la voyait présente dans des émissions très populaires du genre “sumu” et sur les antennes de télévisions ou sur les ondes des radios pour les besoins des jeux-concours dans le cadre des campagnes de promotion. Mais attention : c’est pour des raisons professionnelles qu’on la voyait dans les “sumu” et autres festivités en train de remettre des cadeaux car Mme Ouloguem est une femme modeste qui abhorre le gaspillage et le faste ostentatoire. Ce qu’on a tendance à présenter comme l’apanage des femmes, notamment à l’occasion des cérémonies familiales.
Elle s’en offusque d’ailleurs et appelle ses sœurs à changer de mentalité et de comportement pour relever les nombreux défis qui interpellent le Mali et pour lesquels les femmes ont un rôle moteur à jouer.
“Je dis aux femmes de notre pays d’avoir les mêmes visions que les hommes. Des visions de responsabilité et de rigueur dans tout ce que l’on fait, surtout dans le travail. Ce qui n’ôte en rien leur féminité naturelle”. C’est d’autant vrai que derrière le sourire accueillant de cette Dame, se cache une rigueur de gestionnaire qui ne laisse de la place qu’au travail et au travail bien fait.
C’est vrai qu’elle a eu des problèmes au début de sa carrière, surtout avec les hommes qu’elle gérait dans l’entreprise. “Ils voyaient en moi leur bête noire disant que c’est la sœur du boss qui est à côté, mais finalement ils m’ont compris, ont apprécié mes compétences et on a vraiment sympathisé. La preuve qu’on me respecte, c’est que tout le monde m’appelle ici Grande sœur. Cela ne pouvait être autrement car moi-même je suis de nature sociable. Mais je déteste le mensonge et l’hypocrisie. Comme je le disais tantôt, c’est aussi une question d’éducation “ assène-t-elle.
Comment a-t-elle vécu la mutation qui a secoué son secteur d’activités, notamment avec l’avènement du Tnt au niveau de la télévision ? “Cela n’a pas joué sur la clientèle car tout est question de compréhension et de communication. Les gens ont bien compris nos messages et nous ont suivi dans la mutation pour adhérer à nos nouveaux produits. C’est parce qu’on avait pu établir une relation de confiance entre la clientèle et nous” précise-t-elle.
Après plusieurs jours de travail bien remplis, Mme Ouologuem ne met pas pour autant ses weekends à se prélasser ans un canapé pour regarder la télévision ou se contenter de dormir après s’être gavée d’un repas copieux pour reprendre des forces, comme le prétendent certaines femmes. Elle va au champ où en dehors des arbres fruitiers qui y sont plantés, notamment les agrumes, elle cultive du maïs et s’adonne à l’élevage de moutons. “Ce champ, c’est mon père qui me l’avait acheté et y avait planté les premiers arbres pour moi. Rien que pour sa mémoire, je dois m’en occuper et je me plais bien dans les travaux champêtres le weekend”. Combien de femmes s’activent-elles autant que Mme Ouloguem Dicko Sidibé dite Ina tout en maintenant un foyer stable ? Elles ne font certainement pas légion.
Amadou Bamba NIANG
Par Aujourd’hui-Mali