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Mme Lalabou Fomba, Maire de la Commune rurale de Méridièla : «Le Mali ne s’arrête pas à Bamako»

Partie rejoindre son mari en France en 1977, Mme Coulibaly Lalabou Fomba a décidé de renoncer à sa retraite dorée pour  contribuer au développement de son pays natal. Elle est la Maire de la commune rurale de Méridièla dans la région de Bougouni. Sa candidature a été sollicitée par les populations elles –mêmes en reconnaissance des actes qu’elle avait auparavant posés avec la volonté de participer activement au développement du terroir.

De Paris à Méridièla, la Défenseuse des droits de la femme,  non moins actrice de développement, milite pour un monde plus juste. A 61 ans, Lalabou Fomba fut désignée en 2022, «Meilleur maire de la région de Bougouni». Elle nourrit sans cesse de nobles ambitions pour l’émergence de sa commune, avec la conviction que «le Mali ne s’arrête pas à Bamako». Aussi, appelle-t-elle à promouvoir le développement à la base. Elle, en première ligne, pour montrer l’exemple.

En France, Mme Coulibaly Lalabou Fomba a une vie associative bien remplie. Avec l’association «Jeunes de Banlieue» cette dame au grand cœur a à son actif des œuvres titanesques. Comme pourraient témoigner de nombreux jeunes qu’elle a sortis du pétrin et aidés à se frayer un chemin. Dévouée pour son prochain, elle sait être aussi reconnaissante. Car dans cet accompagnement des jeunes issus de l’immigration, elle ne tarit pas d’éloges en l’endroit de Mme Coumba Traoré, ancienne conseillère technique à la Primature et actuelle secrétaire générale du Forum de Bamako.

C’est nantie de cette somme d’expériences acquise dans le milieu associatif en France que Mme Coulibaly Lalabou Fomba effectue un saut dans l’arène politique. Le monde associatif et le milieu politique, selon elle, sont liés. «Généralement, on a tendance à dire qu’une association est apolitique mais, en regardant le fond des choses, on remarque que c’est un peu pareil…. », souligne-t-elle.

Celle qui a aidé le groupe Tata Pound à arranger son morceau fétiche «Monsieur le Maire» était loin d’imaginer qu’elle porterait un jour l’écharpe de l’édile. «Au début je ne voulais pas faire la politique. C’est mon grand frère (Paix à son âme !) qui s’activait dans le milieu politique. Il a été à deux reprises candidat aux législatives. A son décès, j’ai été démarchée pour le remplacer», rappelle-t-elle.

Au départ, Mme Coulibaly Lalabou Fomba hésitait à franchir le pas les réalités des deux pays étant différentes, argue-t-elle : «J’avais très peur car les réalités sociales des deux pays ne sont pas les mêmes. J’étais habituée au système français. Or, il y a une grande différence entre les deux politiques. Donc, ce n’était pas du tout facile pour moi. Parce que, je ne pouvais pas mentir aux gens comme font plusieurs candidats lors des campagnes».

«Lalabou, tu es amenée un jour à gérer… »

Elle est restée sur sa ligne de conduite conformément à ses convictions. Elle n’a fait la moindre promesse aux populations qu’elle ne pouvait tenir. Les réalisations qu’elle avait faites  plaidaient déjà en sa faveur comme la construction d’écoles, l’aménagement de périmètres maraîchers et les dons d’ambulances. Des preuves de ses capacités pour inciter les  habitants de la commune à lui en confier les clés.

Elle se rappelle cette phrase de l’un de ses professeurs de l’école fondamentale : «Lalabou, tu es amenée un jour à gérer. N’abandonne jamais !» Ce dernier a même osé aller rencontrer son père pour le dissuader de retirer sa brillante élève de l’école pour la faire marier. Elle donne aujourd’hui raison à son professeur dont  la prédication est «devenue une réalité», déclare-t-elle. Elle dirige depuis 2016 une commune rurale composée de 26 villages et 34 hameaux. Méridiélà, selon son édile, est coincé entre les fleuves Banifing et Baoulé.

La commune dispose de deux grandes forêts classées : l’une en 1954 et l’autre en 1986. Elle occupe une bonne position dans  la production du coton, du mil et du maïs. L’orpaillage constitue aussi une activité pratiquée chez Mme le maire. Deux sociétés disposant des permis d’exploitation minière s’apprêtent à y démarrer leurs travaux.

Quant aux réalisations, elles sont aussi qu’elles répondent aux nombreux besoins de la communauté. Ainsi peut-on citer la construction d’un grand bâtiment administratif avec une grande salle de réunion et deux dortoirs ; d’un centre d’hébergement de trois chambres, de cinq hangars au marché. Plusieurs dizaines de forages ont été également réalisés avec l’appui des partenaires.

Ce n’est pas tout : Mme le maire a réussi avec l’aide d’Ong à faire former  des groupes de femmes de la commune en savonnerie. Elle n’oublie pas la couche juvénile à l’épanouissement socioculturel de laquelle elle entreprend des actions. Comme la création d’un studio d’enregistrement à Bougouni pour aider les jeunes rappeurs et autres artistes à mieux profiter de leurs talents. «J’ai même ouvert un studio à Bougouni pour aider les jeunes à promouvoir leur talent. Car, avant d’être dans la politique, j’étais productrice de musique….J’ai collaboré même avec les Tata Pound à l’époque. Aujourd’hui, on peut se permettre d’inviter n’importe quel grand artiste pour faire un concert. Ainsi le 1er janvier dernier, j’ai organisé un concert pour des jeunes rappeurs de la commune.»

Dans son village natal, a été aménagé un périmètre maraicher de cinq hectares avec deux châteaux d’eau. Actuellement, elle est en collaboration avec une association pour l’aménagement d’un jardin de trois hectares avec deux forages également. «Cela réduira le chômage des jeunes dans le village», commente Mme le Maire.

Merci, Messieurs les chefs de villages !

En 2022, elle est désignée meilleur maire de la région de Bougouni. Une distinction qu’elle a accueillie avec modestie. «J’étais très contente. J’ai pensé aux chefs de village qui m’ont aidée. Ce sont eux qui sont à saluer».

Malgré un bilan aussi digne d’éloges avec de si nombreuses et importantes réalisations, elle n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Car sont grandes, les ambitions qu’elle nourrit pour sa collectivité, dont elle entend booster le développement, sans limites. Car les priorités restent nombreuses. Celle qui assiste impuissamment à l’évacuation des femmes enceintes dans des conditions pitoyables ou qui voit les paysans brader leurs productions veut des routes. «Les routes sont totalement impraticables pendant la saison des pluies alors qu’elles ont une importance capitale dans le processus du développement de notre commune. Ces infrastructures routières, si elles sont réalisées, permettront aux paysans de tirer un grand profit de leurs productions mais aussi contribueront même à la réduction du prix des céréales et autres denrées alimentaires.»

Les femmes, Mme le Maire veut les voir épanouies et autonomes. Celle qui s’occupe personnellement de plusieurs orphelins estime qu’il est inadmissible que «la femme perde la vie en donnant la vie». Epouse, mère et grand-mère, la sexagénaire ambitionne de doter sa commune d’un hôpital bien équipé pour les prises en charge sanitaires nécessaires. «J’ai vu des femmes qui sont mortes dans les charrettes. Cela est inadmissible au 21è siècle…. Je rêve d’avoir un hôpital où les femmes peuvent accoucher facilement.»

Décentralisation pour résoudre des problèmes

Mme le maire ne veut pas non plus entendre de manque d’eau potable à ses concitoyens et est déterminée à leur en fournir. La preuve : à la quarantaine de forages s’ajoutera dans les jours à venir la réalisation de plusieurs autres grâce à ses partenaires.

A la question de savoir si c’est facile d’être femme maire au Mali, elle répond sans ambages : «Pas du tout…Cela est dû à nos réalités socioculturelles, surtout dans le milieu bambara dont je suis issue. Où certains jurent encore qu’ «une femme ne nous gouvernera jamais». Mais Mme Coulibaly ne fait pas partie de ces personnes qui cèdent aux intimidations, surtout qu’elle bénéficie du soutien multiforme de la collectivité. «On a même essayé maintes fois de m’intimider mais sans succès… Je n’ai jamais abandonné. Je remercie tous mes soutiens, notamment les femmes et les jeunes, les collègues ainsi que les chefs de villages», lance-t-elle.

Selon elle, le processus de développement doit venir de la base,  commencer dans les villages. La décentralisation, argumente Mme Coulibaly Lalabou Fomba, devrait permettre aux  communes rurales de se développer au même titre que celles urbaines. «La décentralisation peut résoudre certains problèmes. Le Mali ne s’arrête pas à Bamako. Le Mali est très profond.» Une meilleure articulation du développement à la base aidera les jeunes à oublier l’émigration et à s’éloigner du banditisme. «Si l’Etat pouvait jeter un regard sur cet aspect avec le nouveau découpage, tout le Mali avancerait ensemble ».

Elle appelle les autorités à accorder une importance particulière à l’instruction des femmes. «J’invite les plus hautes autorités à s’investir davantage dans l’alphabétisation des femmes. Car cela permettra aux femmes de défendre leurs propres causes et d’occuper les plus hautes fonctions du pays».

C.D

 

Le Challenger

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