Malgré la décision finale de la Cour suprême, la partie victorieuse dans l’affaire de la Coordination des associations et ONG féminines (Cafo), conduite par Mme Dembélé Ouleymatou Sow, n’est pas au bout de ses peines puisqu’on lui empêche l’accès aux locaux de la faitière des femmes. Dans l’interview ci-dessous, Mme Dembélé dévoile ses peines. Entretien.
Indicateur du Renouveau : Quel est l’état actuel de la Cafo après le processus judiciaire ?
Dembélé Ouleymatou Sow : Après le verdict de la Cour suprême, l’état actuel de la Cafo n’est pas très reluisant pour moi. Il y a eu un grand engouement sur le terrain après le verdict. Nous remercions très vivement l’institution judiciaire de notre pays, qui venait de dire le droit. Donc nous raisonnons en termes de droit. En d’autres termes, le Mali est un pays où les citoyens se refusent d’appliquer correctement les lois, les règlements et cela peut amener à une telle situation.
Mais quelle que soit la situation, l’une dans l’autre, je pense qu’à un certain moment, il faut que l’on s’arrête pour se dire la vérité et donner de l’opportunité aux femmes de se mouvoir. Les femmes du Mali ne demandent qu’à travailler. C’est en travaillant qu’on peut nous considérer. C’est en travaillant qu’on peut nous apprécier, être reconnues, avoir des financements, des partenaires techniques. Les femmes ne demandent ni or ni argent à qui que ce soit.
Après le verdict de la Cour, on a écrit aux plus hautes autorités, aux institutions, aux PTF pour leur signifier cet état de chose, mais j’avoue qu’on reste toujours dans l’attentisme. Le siège de la Cafo était fermé sous l’ordonnance n°102 qui avait demandé l’ouverture forcé des portes. Après la réouverture, nous avons à notre possession trois procès-verbaux de constat qui ont amené le camp adverse à venir ouvrir et vandaliser les lieux. La première fois a été le 8 mars 2019. Après le constat de l’huissier, on n’a pas voulu accéder à l’enceinte de la Cafo.
Depuis cet instant, les femmes sont toujours dehors dans le vent et dans la poussière devant les locaux de la Cafo. Mais nous avons (les femmes) mobilisé des émissaires à deux reprises pour aller voir le procureur de la Commune III, il nous a renvoyées à la Cour suprême.
A la Cour suprême, on nous a dit qu’il y a des requêtes qui demandent de rabattre la décision de la Cour et qu’il y a également des tierces personnes qui sont intéressées, qu’on appelle tiers opposition, qui demandent encore de surseoir à l’exécution de la grosse. Je me demande qui peut avoir ce droit avec des citoyens qui ne sont même pas légitimes.
Nous sommes victimes d’injustice. Les femmes sont frustrées sur le terrain et on est en train d’étrangler leurs efforts. Nous avons peur de cette situation, parce qu’avec la situation que le Mali vit, il ne faut pas avoir celle des femmes. La situation est simplement à résumer : on n’a pas non seulement accès à l’enceinte de la Cafo mais aussi on nous envoie des femmes pour nous injurier père et mère, pour nous manquer de respect mais avec tout ça on n’a pas voulu entrer dans la provocation.
Indicateur du Renouveau : Quelles sont vos perspectives ?
- O. S. : On a bénéficié d’une grosse depuis fin 2019, on est en train de travailler et on a fait un plan d’actions opérationnel. Ce plan d’actions n’est pas déroulé mais on voulait le partager avec tout le monde. Concernant les activités ponctuelles, je suis en train de prendre la température de toutes les localités pour rassembler les femmes pour qu’on puisse évoluer ensemble.
Indicateur du Renouveau : Qu’est-ce qui est à la base du report de la cérémonie de 8 mars ?
- O. S. : On a appris par voie de presse le report. Et tout ce qui a été dit officiellement c’est à cause de la maladie du Coronavirus. Mais dans le fond, les organisations traditionnelles qui ont toujours travaillé sur le terrain n’ont pas été associées. Par exemple, pendant toute la préparation du 8 mars, nous, la nouvelle équipe de la Cafo n’avons pas été sollicités alors que nous sommes la masse critique, on ne nous considère pas.
Après l’accès à la grosse, la ministre de la Promotion féminine a été la première à laquelle nous avons écrit officiellement après le ministre de l’Administration territoriale. Je ne sais pourquoi ce refus de nous associer. Ne pas nous associer même entant que Cafo mais il faut nous associer en tant que femmes parce que depuis des années nous travaillons sur ces questions.
Notre ministère de tutelle ne nous associe à rien à rien du tout. Je le dis à haute et intelligible voix. Nous avons été les premières personnes à susciter la création du ministère lors des premières heures de la Cafo, en ce moment la Cafo avait une ligne budgétaire dans le budget du ministère. On nous a exclues depuis le temps l’ex-ministre de la Promotion de la femme qui était la présidente sortante. Donc l’actuelle ministre aussi est dans la même dynamique. La Cafo est un acquis démocratique. On peut créer tout ce qu’on veut, mais c’est un acquis pour les femmes du Mali, une fierté, régionale internationale et elle doit rester.
Indicateur du Renouveau : Au-delà du 8 mars, quelles sont les activités programmées ?
- O. S. : Nous avons programmé courant mars une cérémonie de lecture du Coran, des remises de dons aux veuves et orphelins des militaires tombés sur les champs de bataille. On a également prévu des dons aux femmes déplacées du Centre et du Nord du pays. Un déjeuner aussi est prévu pour parrainer les enfants orphelins qui n’ont pas bénéficié de l’accompagnement de l’Etat.
Indicateur du Renouveau : Avez-vous une pensée pour les femmes qui ont été affectées par la crise qui frappe notre pays ?
- O. S. : C’est vraiment dommage, que le Mali soit victime d’une telle crise. Le Mali ne mérite pas ça. On ne sait pas qu’est-ce qui a occasionné cet état de fait mais nous ne pouvons que faire des bénédictions pour qu’on sorte de cette situation et j’ai une pensée émue à l’endroit de toutes ces femmes qui sont dans la souffrance extrême, des femmes qui ont été victimes de violations graves des droits de l’Homme.
Il y a des femmes qui ont été violentées et qui ne pourrons plus retourner chez elles. Elles sont là, en train d’être accompagnées par les autorités et certains partenaires. Je déplore la situation, je regrette cette situation, je ne pouvais jamais imaginer que le Mali pouvait tomber à ce point. Les femmes et les enfants ne font pas la guerre mais ils sont les victimes. Je lance un cri de cœur aux autorités du pays aux partenaires de trouver des moyens pour protéger les femmes et les enfants.
Indicateur du Renouveau : Votre message pour toutes les femmes ?
- O. S. : Je veux que le Mali change. On a tellement d’acquis. De 1994 à nos jours, on a fêté le 8 mars sur une problématique de fond, c’est-à-dire sur la situation du pays. Et cette année le thème c’est soutien aux FAMa, le thème est bien choisi mais malheureusement il n’a pas été fêté à hauteur de souhait. C’était l’occasion pour informer, communiquer et galvaniser les femmes au sursaut national. Si on veut vraiment la survie de notre nation, il faut que cette gent soit informée, protégée et soutenue pour que l’on puisse sortir de l’ornière.
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