Comme attendu, la Fifa a désigné mercredi dernier les membres du Comité de normalisation (Conor) annoncé courant fin décembre pour gérer les affaires courantes de la Fédération malienne de football (Fémafoot) jusqu’à l’élection d’un nouveau bureau le 30 avril 2018. Mais à y regarder de près, cette initiative, censée mettre fin à la longue crise du football malien, ne constitue pas nécessairement des étrennes de nouvel an, comme il fallait s’y attendre.
On pourrait s’attendre à la fin de la crise certes, mais les conditions de désignation des membres n’augurent pas nécessairement la réconciliation qui devrait aller avec cette initiative.
Déjà, il faut en convenir, la mise en place du Conor n’a pas de quoi de fouetter la fierté des Maliens, singulièrement des dirigeants. Mieux, l’avènement d’un Conor en lieu et place d’un comité exécutif de la Fémafoot, doit être plutôt ressenti comme un échec des Maliens, notamment des dirigeants politiques, du fait de leur incessante immixtion dans les affaires du football ces dernières années, et plus particulièrement sous le régime d’IBK.
Car, en effet, comment un Etat digne de ce nom, qui revendique une prétendue tradition de dialogue (on aime évoquer Kurukanfuga avec des effets de manches, surtout en ces périodes de Mandé Mansa) n’est pas parvenu à régler une crise aussi simple comme celle du football ? Quid alors des autres crises plus graves qui engagent la viabilité même de l’Etat, voire de la nation malienne ?
Pourtant, dans la panoplie des crises multiples qui décidément gangrènent ce Mali des cinq dernières années, la crise du football paraissait anodine, car née d’une simple tentative d’application des règlements. Pourtant, elle a été délibérément rendue insoluble, par procuration politique et cet échec, il faut être clair, a été celui certes des responsables du football, mais assurément et surtout du département des sports, donc du gouvernement et in fine, du président de la République élu sur sa prétention à résoudre les crises et qui aurait dû s’assumer (comme en divers domaines d’ailleurs), car les paramètres de la crise sont connus dont le traitement ne mettait nullement en cause ni l’unité nationale, encore moins le développement économique et bien évidemment ne menaçait nullement sa réélection ou non.
Il suffisait simplement d’appliquer avec autorité les règles, en situant les torts et les raisons. On ne l’a pas fait, on a préféré l’humiliation d’un Comité de normalisation, comme on avait préféré l’humiliation de la suspension pour revenir, la queue entre les jambes deux mois après au statut quo ante ! Devant cette incapacité collective à trouver une solution et surtout cette déviance nationale à la surenchère, la Fifa vient de décider de nous infliger le Conor.
Il faut faire avec et avaler certainement la coupe jusqu’à la lie. Mais s’il faut se résoudre à accepter cette solution, ne faut-il pas s’inquiéter de l’avenir du football malien car, quand bien même que le Conor, en fin avril prochain parviendra à faire élire un bureau, les acteurs du football seront-ils réconcilier pour autant ? Et pour cause, une simple analyse des personnalités fait rejaillir nettement des doutes quant avec l’intégrité des membres du Conor qui devraient impérativement faire l’unanimité quant à leur neutralité.
C’est loin d’être le cas. Déjà, la personnalité désignée pour diriger la nouvelle instance du football, en l’occurrence Mme Daou Fatoumata Guindo, n’est autre que l’épouse d’un intime du président de la République. Ce n’est guère un crime sauf que cette proximité avec le chef de l’Etat fait craindre le pire, car personne au Mali ne peut douter de l’implication de l’entourage immédiat d’IBK dans la crise du football.
La moralité neutre est encore plus que douteuse, car la nouvelle patronne du football malien (du moins et théoriquement pour ces quatre prochains mois, mais attendons à une prorogation) est directement apparentée au ministre Housseini Amion Guindo, anciennement des Sports, alors que ce dernier n’a jamais caché son rôle d’acteur majeur de la crise.
Mais il faut aussi noter que son choix n’est fortuit du fait des liens forts qu’elle a avec Fatma Samoura, la secrétaire générale de la Fifa. Or, la neutralité de celle-ci est fortement contestée par les acteurs maliens du football, car la Sénégalaise a même outrepassé ses droits en allant jusqu’à désigner Mme Camara Mariam Sow, pourtant inconnue du bataillon, comme membre de la commission des finances de la Fifa au compte de la Fédération malienne de football qui ne la connaît et où elle n’a jamais joué aucun rôle.
Le principe est que toute désignation d’une personnalité, à une fonction élective des instances dirigeantes du football international, se fait avec l’aval, sinon suite au choix de l’association locale membre, en l’occurrence ici la Fémafoot. D’où l’interrogation de savoir si le déplacement du ministre à Dakar pour les obsèques de la mère de Fatma Samoura, en décembre dernier, n’a pas été déterminante dans le choix des personnalités du Conor.
Comment expliquer autrement alors la présence de Me Mamadou Gaoussou Diarra ? On oublie souvent que cet avocat a été ministre des Sports avant Guindo et qu’il a été aussi l’un des protagonistes de la crise qu’il n’est d’ailleurs pas parvenu à résoudre.
Quant au fameux «Sam-Diéman», il n’est un secret pour personne qu’il a toujours été le conseil attitré des frondeurs, du fait de ses relations avec Moussa Konaté ; ce dont il ne s’est jamais caché d’ailleurs. Le fait qu’en plus de cela on ne peut oublier ses interventions intempestives, en faveur de la dissolution du comité exécutif de la Fémafoot par le ministre Housseiny Amion Guindo, à la fois dans Jeune Afrique et surtout lors d’une assemblée générale du Stade malien, en conseillant aux supporters blancs de Bamako de se désolidariser de la Fédération, car, avait-il alors souligné, la dissolution de la Fémafoot n’était pas le combat du Stade. Résultat, c’est le Mali qui avait été suspendu.
Vue sous cet angle, la balance paraît nettement déséquilibrée en faveur du camp Bavieux et ce n’est pas avec la neutralité agissante des instances internationales du football qui pourra faire l’équilibre. Car il faut y ajouter l’appui de la Fifa, qui n’a jamais été aussi présente que maintenant, à travers Fatma Samoura qui semble avoir pris fait et cause pour un camp.
A ce propos d’ailleurs, on s’interroge sur l’amateurisme et la neutralité de la Fifa, car le Rwanda connaît une crise similaire à la crise malienne, mais pourtant, à la place d’un Conor, il y a été plutôt mis en place un comité de transition dirigé par le président sortant de la Fédération rwandaise de football. Pourquoi, à problème identique, la Fifa a choisi deux solutions différentes ?
Il faut ici noter l’absence de mode opératoire de la Fifa, où visiblement on assiste à un pilotage à vue, car on se rappelle que c’est avec cette équipe dirigeante de la Fifa que, pour la première fois dans l’histoire du football mondial, un match de football (Sénégal-Afrique du Sud) a été repris et rejoué pour faute d’arbitrage. On se demande si c’est un progrès !
Devant cette situation du Mali, la Caf demeure aphone et transie, en se comportant comme une annexe de la Fifa et non comme un membre à part entière. Cela se comprend, car le départ de Hayatou, même attendue, n’en a pas moins été activement accéléré, depuis Lausanne, par Veron qui en est l’architecte et qui présidait d’ailleurs les réunions secrètes de l’actuel président de la Caf. Cette prééminence en Afrique s’explique par l’infantilisme des dirigeants africains du football, car il ne viendra jamais à l’idée d’Infantino ou d’un de ses cadres à la Fifa, de tenter d’instrumentaliser une Fédération de football, que ce soit de l’UEFA, en Amérique ou en Asie.
Malheureusement, on assiste à la même démarche de la Caf et de la Fifa en Côte d’Ivoire, où le même réseau mafieux est en train d’organiser la déstabilisation de Sidy Diallo, le président de la Fif, en demandant la tenue d’une assemblée générale extraordinaire.
Décidément au Mali, on n’est pas prêt de sortir de l’auberge.
J.-B. DEMBELE
Source: Aujourd`hui mali