Incapable d’assumer pleinement sa position vis-à-vis de l’Accord, le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), joue à fond la carte de la duplicité. D’une part, elle se montre favorable à la paix et à l’apaisement, et, de l’autre, elle jette l’huile sur le feu, en réitérant son attachement à « l’autodétermination du peuple de l’Azawad » qui rime avec le fédéralisme, le séparatisme. À l’issue de sa réunion extraordinaire tenue le 27 février, le HCUA réactualise ces deux options.
Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) s’est réuni le 27 février 2022 à Kidal. À l’ordre du jour : faire le point de la situation actuelle du mouvement et du pays, proposer les actions idoines à court et moyen termes.
Selon les termes de sa déclaration, le HCUA invite les différentes structures du Mouvement à mobiliser les militants à tous les niveaux autour du plan d’action adopté lors de cette réunion extraordinaire tout en exhorte la CMA à prendre toutes les dispositions afin de renforcer la cohésion et l’équité en son sein.
Outre ces aspects, le HCUA a pris des décisions de provocation contre le pays.
À cet effet, il invite le Président de la Transition du Mali à clarifier la position de son gouvernement par rapport à l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu d’Alger suite aux propos tenus par son Premier ministre et son ministre chargé des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
De même, exhorte-t-il, le Président de la transition à veiller à plus de retenu dans les sorties médiatiques de son gouvernement pour ne pas rendre vains les efforts déjà consentis pour la paix.
Les velléités séparatistes
Les conclusions de cette réunion sont la preuve que les ex-rebelles n’ont pas abandonné leur projet de partition du pays malgré la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.
En effet, ils ont signé l’Accord pour la paix à l’époque à fin d’éviter d’aller à un affrontement avec la communauté internationale et même avec le Gouvernement qui a rempli sa part du contrat.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les ex-rebelles ont donc apposé leur paraphe au document de l’Accord sous la pression.
C’est pourquoi depuis 2015, la CMA et ses alliés de regroupés armés sont dans la défiance, la duplicité voire la provocation.
Et chaque rencontre est une occasion pour ces groupes d’afficher leur projet de partition du pays, en plein jour, qui n’est pas une option pour eux, mais un processus qui doit suivre son chemin.
La dernière réunion du HCUA actualise ce désir et, donc les conclusions sont pompeuses puisqu’elles contrastent avec la réalité sur le terrain et avec l’esprit de l’Accord pour la paix signé en 2015. À cet effet, certaines observations s’imposent.
Primo, le HCUA qui réitère son attachement à l’unité et au droit à l’autodétermination du peuple de l’Azawad fait recourt à un principe adopté par les Nations unies en vue de permettre aux peuples colonisés de se battre pour leur autonomie, leur indépendance.
À cet effet, on peut constater qu’aucune communauté malienne n’est colonisée. Sauf si ce n’est que ce sont des responsables de ces groupes armés qui pratiquent toujours l’esclavage contre une partie de la population du Nord.
Mais leur agitation contre la stabilisation du pays sonne comme une manœuvre visant à satisfaire la volonté cachée de certains partenaires étrangers.
Par ailleurs, l’option de « l’autodétermination du peuple à disposer de lui-même » a été tranchée par les Nations unies qui apportent une limite à ce droit international.
« Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes des Nations Unies ».
La résolution 2625 (XXV) relative aux principes du droit international touchant aux relations amicales et à la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 24 octobre 1970, a réitéré la condamnation de la sécession en précisant que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne peut être interprété « comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant».
Le HCUA, à travers ses membres signataires de l’Accord pour la paix, a librement consenti à signer la feuille de route des négociations dans le cadre du processus d’Alger dont les principes de base étaient les suivants : le respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale du Mali ; le respect de la forme républicaine et la laïcité du Mali ; l’engagement pour un règlement pacifique du conflit ; le dialogue et la négociation comme moyen de règlement du différend ; la volonté de rechercher des solutions politiques, économiques et sociales comme condition d’une paix durable et définitive au conflit.
Ces principes de base ne font aucune place à une quelconque partition du territoire.
Comment le HCUA peut-il alors parler d’autodétermination du peuple de l’Azawad ?
Dès lors, le HCUA doit arrêter d’invoquer ce droit international qui ne correspond nullement à la situation à laquelle le Mali est confronté.
APR, le faux procès contre les autorités
Secundo, en invitant le Président de la Transition du Mali à clarifier la position de son gouvernement par rapport à l’application de l’Accord d’Alger, le HCUA fait un faux procès aux autorités de la Transition qui n’ont jamais affiché une posture du rejet de l’Accord.
Le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale se sont engagés pour l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.
La preuve : le ministre Abdoulaye DIOP dans un entretien avec Jeune-Afrique en date du 22 juillet 2021 déclarait : « Il y a eu beaucoup de retard dans sa mise en exécution. Cette faute n’incombe pas à une seule personne, mais à tous les acteurs qui l’ont soutenu et signé. Le gouvernement malien a sa part de responsabilité notamment concernant la mise en place de l’armée reconstituée connue sous l’acronyme DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion). Ce point central de l’accord de paix devait intervenir 60 jours après sa signature, mais nous avons été loin du compte ».
Cependant, la position du gouvernement est de réviser ce document conformément à son article 65. Cette disposition stipule : « Les dispositions du présent Accord et de ses annexes ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement express de toutes les Parties signataires du présent Accord et après avis du Comité de suivi ».
D’ailleurs, est-il nécessaire de rappeler que cette position du gouvernement est aussi une volonté maintes fois exprimée par le Peuple malien lors de plusieurs fora, comme ce fut le cas lors des ANR, du DNI, etc.
En clair, aucun passage en force n’est possible pour la révision de ce document qui est loin de faire l’unanimité au sein de l’opinion nationale, même si dans la douce euphorie de sa signature, beaucoup d’observateurs internationaux ont salué le meilleur compromis possible.
Rapidement, il est apparu comme une compromission pour une partie, en l’occurrence l’État qui est buté à des blocages objectifs l’empêchant de tenir ses engagements.
Or, bien avant, dès sa signature une frange importante de la société civile regroupée au sein du Forum des organisations de la société civile (FOSC) a montré son total désaccord avec le texte de l’Accord.
Pour le ministre DIOP, cette révision est nécessaire pour prendre en compte l’évolution du contexte.
« La donne a fondamentalement changé sur le terrain. En 2015, cet accord permettait de faire face aux groupes armés. Aujourd’hui, il s’agit davantage d’une problématique liée aux groupes terroristes et aux conflits intercommunautaires. S’il y a relecture de l’Accord de paix, il faut la faire de manière intelligente, en incluant toutes les parties prenantes. Les Maliens doivent sentir que cet accord leur appartient» justifiait le ministre Abdoulaye DIOP.
En clair, le HCUA qui prétend être en faveur de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation est toujours camper sur des positions séparatistes de provocations, de défiance des autorités maliennes.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin