« Je suis proche de tous les leaders religieux et de tous les courants religieux du Mali, y compris des chrétiens. Je suis l’un des seuls responsables politiques du pays, si ce n’est le seul, à avoir des contacts réguliers avec tous les évêques du Mali ! ». L’homme qui s’exprime ainsi est connu pour avoir une haute idée de sa personne et de ses œuvres. Il est également connu pour son sans-gêne ou disons même, son culot. Incontestablement, c’est un jeune premier. Sa trajectoire politique et administrative l’ont propulsé à la tête de l’administration malienne comme Premier ministre alors même que son poids politique est pour le moins insignifiant (il ne disposait ; tout au plus, que d’un seul député). Quand nous avons lu cette phrase (nous proposons l’intégralité de l’interview qu’il a accordée à nos confrères de Mondafrique le mardi dernier) ; nous avons pris peur. Oui, oui, nous avons pris peur qu’il ne nous resserve le plat qu’il a servi à la diaspora malienne à Paris du temps où il était Premier ministre. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie (il avait reçu une volée de bois verts en son temps pour ses déclarations quelque peu osées), il avait déclaré que lui, était bien placé pour appréhendé la question du métissage et du brassage dans la mesure où son père est chrétien et sa mère musulmane, et qu’aujourd’hui, sa mère peuh a épousé un tamasheq. Donc nous avions eu peur qu’il ne nous ressorte ce genre de déclarations. Car cela voudrait dire qu’il n’a rien appris de ses erreurs et de son ignorance. Pour ceux comme lui qui ne le savent pas ou qui ne le savent que trop peu, tout le Mali est bâti sur le brassage, chaque malien est la somme de tous les Maliens. Pour ne pas nous égarer, revenons à sa déclaration. A ce niveau, nous estimons qu’il est utile de préciser que l’homme dont nous parlons n’est autre que Moussa Mara, même si tout le monde l’a compris. Quand il affirme, avec une pointe de fanfaronnade qu’il est l’un des seuls responsables politiques du pays, si ce n’est le seul, à avoir des contacts réguliers avec tous les évêques du Mali ! », il fait ce qu’il sait faire le mieux, du Moussa Maratout craché. Il est toujours le premier quand il n’est pas le seul ou l’unique. Toujours sur ses certitudes. La vérité, c’est qu’il y a de nombreux responsables politiques qui rencontrent régulièrement les leaders religieux dont les évêques. Seulement, la foi étant personnelle, ils n’ont pas besoin de faire de la publicité comme Moussa Mara. Celui-ne manque aucune occasion pour afficher tout ce qu’il fait sur Facebook, y compris quand il participe à des enterrements. C’est donc normal que, quand il ne voit que lui seul sur les réseaux sociaux aux côtés des évêques qu’il affiche sans avoir au préalable demandé leur avis, il pense qu’il « l’un des seuls responsables politiques du pays, si ce n’est le seul ; à avoir des contacts réguliers avec tous les évêques du Mali ».
Nous en connaissons parmi les responsables politiques qui entretiennent des relations régulières, suivies, avec les leaders religieux mais qui n’ont pas besoin d’animer des conférences dans les mosquées. Parce que la foi est personnelle, on n’a pas besoin de l’exhiber sur le haut des minarets. Nous sommes convaincus que tous escomptent quelques retombées au moment opportun. Mais la manière dont Moussa Mara les drague dépasse l’entendement et la simple expression de la foi personne. Souvent en écoutant l’ancien Premier ministre ou en le lisant, nous avons l’impression qu’il a oublié qu’il a occupé les fonctions les plus élevées dans l’administration malienne. Mardi encore, nous l’écoutions sur les antennes d’une radio internationale évoquant le manque de leadership et de volonté politique au plus haut sommet de l’Etat concernant la gestion de la crise au Nord du pays. La bonne blague. Il oublie ou s’exonère trop facilement. C’est quand même lui qui, en voulant coûte que coûte prouver qu’il est le chef de l’administration malienne sur toute l’étendue du territoire, qui a conduit une aventureuse visite à Kidal avec les résultats et les conséquences qu’on connait. Nous ne parlons même pas des administrateurs qu’il a laissés tués comme des poulets et pour lesquels sa seule compassion consiste en une attitude bravache : « si c’est à refaire, je le referai ». Comme tous les Maliens, nous le suivons, nous l’observons, nous l’écoutons dans la mesure où il trace un sillon politique assez intéressant. Il est l’un des rares responsables politique si ce n’est le seul qui exprime son opinion sur tous les sujets d’actualité. Il écrit, il parle, il drague tous ceux qui pourraient voter pour lui. Il n’a pas peur de ses opinions, il n’a pas peur de ses certitudes, il n’a pas peur de ses contradictions. Et pour cela, il voyage. Il a fait presque le tour du monde. Il va à l’intérieur, comme il tourne à l’extérieur. Et partout, son culot laisse stupéfait ou abasourdi.
Si Moussa Mara ne manque pas de culot, il y a un autre qui partage cette qualité avec lui, mais en plus fanfaron. Il s’agit de Me Mohamed Ali Bathily, ci-devant ministre chargé des Domaines de l’Etat et précédemment ministre chargé de la Justice. On retiendra de sa présence au gouvernement, son activisme et sa capacité à brasser du vent. Mais pas que. Bathily, sous certains traits, peut paraître dangereux. On se rappelle de ses sorties ampoulées contre les agents de l’Etat qui envoient leurs enfants étudier à l’étranger. On se rappelle de ses diatribes contre les juges dont il assurait la tutelle, tous corrompus et n’ayant aucune grâce à ses yeux. Quand on lui demande, ce qu’il a pu changer, il reconnait qu’il n’a rien pu faire dans la mesure où les procès qu’il a intentés n’ont pas prospérer. Au ministère des Domaines, il fait encore mieux. Il fait le tour du pays pour rencontrer les paysans dépossédés de leurs terres par des agents immobiliers qu’il qualifie de spéculateurs. Dans ses harangues, il va jusqu’à demander aux populations d’user de la légitime défense. Et après coup il se défend d’’inciter à la révolte contre les juges ou contre les promoteurs immobiliers. Lors de son passage sur les antennes de l’ORTM, l’homme nous a parus encore plus fatigué, disons même las, dans la mesure où il semble prêcher dans le désert. Comme il sait que devant la loi, devant la justice, les plaintes prendraient du temps à prospérer, il invoque la légitime défense. Les populations qui ont une notion assez vague du contenu que Bathily et la loi donnent à la légitime défense, pourraient tuer juges et géomètres au motif qu’ils sont en légitime défense.
Nous terminons ce tableau par un bavard. Il parle, il parle. Il aime s’entendre parler. Nous sommes sûrs qu’il serait capable de se transformer en ventriloque si jamais on venait à lui fermer la bouche. C’est un membre du gouvernement. Sa dernière sortie concerne les massacres de Ténenkou. Le bon monsieur estime que les faits ont été grossis (avec plus de 41 victimes, il pense que les gens exagèrent, que ce n’est pas aussi grave à la limite) et que ce qui s’est passé est à mettre au compte de Satan. La bonne blague on vous fit.
Ali Kéita
Source : Nouvelle République