Le Mali compte de plus en plus de jeunes écrivains et poètes qui font véhiculer la culture malienne au-delà de nos frontières. Mais la plupart restent encore dans l’ombre. Alors, pour les faire découvrir au grand public, votre quotidien d’informations, d’analyses et d’enquêtes, part chaque semaine à la rencontre de l’un d’eux. C’est dans ce cadre qu’a été réalisé, hier, mercredi 26 septembre 2018, un entretien avec Mandjan Camara, jeune écrivain et poète originaire de la ville de Kangaba. Il nous parle de son parcours, de ses motivations ainsi que de ses ouvrages. Lisez l’entretien !
Le pays : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?
Mandjan Camara : Je suis originaire de la ville de Kangaba. C’est là où j’ai fait également mes études primaires : le premier cycle et le second cycle. C’est l’obtention du Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF) qui m’a conduit à Bamako en 2004, notamment à Sébénikoro. Et là j’ai fait mon Lycée et y ai demeuré jusqu’à l’obtention de mon Baccalauréat au bout de trois ans, en série Science Humaines (SH). De là, j’ai fait mon entrée à l’université, notamment à la FLASH. C’est là où je sors avec ma maitrise en Sciences de l’Éducation en 2012, après une année blanche en 2011. La même année, j’ai fait le concours d’entrée à l’École Normale Supérieure (ENSUP). J’y ai terminé en filière Psychopédagogie en 2014. Mais bien avant cela, depuis 2009, j’enseigne le français. D’abord j’étais dans une école fondamentale publique, notamment CD4 de Sébénikoro, niveau 7e, 8e et 9e années ; l’année suivante, c’est-à-dire 2010-2011, j’ai intégré les écoles privées secondaires et professionnelles et là, jusqu’à présent, j’y enseigne aux niveaux scolaire et universitaire. J’enseigne uniquement le français. Je suis un auteur, un apprenti poète. J’ai commencé ce travail de poésie il y a très longtemps. Mon premier ouvrage est sorti en décembre 2014. Il est arrivé à Bamako en janvier 2015, notamment avec la collection Harmattan au Mali. Ce recueil s’intitulait les « larmes du clan » et ensuite le deuxième est édité en 2016 avec Innov Éditions. Il s’intitule « La voix des rêves » et le troisième, sorti cette année, s’intitule « Au-delà ». Voilà, je suis auteur de ces trois ouvrages. Je fais partie aussi des auteurs d’une nouvelle anthologie qui a été publiée chez Innov également.
Est-ce que nous pouvons connaitre ce qui vous a poussé vers l’écriture ?
D’abord, je trouve que c’est quelque chose d’inné, parce que depuis très jeune j’aimais écrire. Depuis au premier cycle, j’aimais prendre des notes. C’est pourquoi j’étais toujours muni de mon petit calepin. Ainsi, j’écrivais tout ce que je rencontrais comme difficulté dans tel ou tel domaine dans ce bloc-notes, je mentionnais la date, le lieu, etc. Cela est considérable dans mon cheminement. Quant à mon attrait pour la poésie, celui-ci va commencer essentiellement avec mon arrivée à Bamako. Quand j’ai commencé à m’intéresser à la lecture du Coran en arabe, après l’avoir fait en écriture N’ko, j’ai tout de suite vu un aspect poétique dans ce document en arabe. J’ai lu aussi la Bible, l’ancien et le Nouveau Testament. J’ai compris que la poésie est très utile dans la communication pour quelqu’un qui veut s’exprimer, quelqu’un qui veut réellement partager son expérience ou bien sa pensée avec ceux qui l’entourent.
Parlons à présent de votre recueil de poèmes, le dernier intitulé Au-delà. Pouvez-vous nous expliquer de quoi parle cet ouvrage ?
Vous savez, moi, je suis quand même quelqu’un qui se donne beaucoup de liberté en matière d’écriture. Donc depuis le premier ouvrage, je suis en même temps humaniste et religieux. Cet ouvrage-là, Au-delà, évoque beaucoup de sujets, parce que quand je suis frappé par une situation, cela m’inspire et tout de suite j’écris un texte par rapport à cela. Par exemple, il y a 47 poèmes dans cet ouvrage. 47 poèmes, c’est pour vous dire qu’il y a des thèmes variés. Je suis quelqu’un qui aime beaucoup les rimes, notamment les quatrains. Je fais des innovations personnelles souvent. Le plus souvent, j’écris en quatrain sur plusieurs formes. Dans le livre, on peut voir de longs poèmes comme de courts poèmes aussi. Notamment le premier poème de ce livre est très long. C’est le plus long poème que je n’ai jamais écrit. Il s’intitule Le monde. J’y parle un peu de ma vision du monde et comment l’humanité tend à sa disparition. Je donne des conseils par rapport à ce qu’il faut faire pour récupérer les dignités humaines.
Vous dites que vous êtes un écrivain humaniste et religieux. Qu’est-ce qui montrera aux lecteurs ce côté humaniste de votre poésie ?
Je dis cela parce que je suis contre la violence, l’injustice, l’oppression, la tyrannie, etc. En fait, je suis pour l’égalité, je suis quelqu’un qui déteste quand même la discrimination raciale, ethnique ou bien celle faite en fonction de la couleur de la peau ou bien de la langue. Je pense que nous sommes tous les fils et les filles de deux êtres, qui sont Adam et Ève. Alors, même si on ne partage pas obligatoirement les mêmes points de vue, nous devons quand même nous considérer comme des frères et des sœurs. Malgré que je sois de la religion musulmane, je ne dois obliger personne à adhérer forcément à la religion musulmane. Je me dis que le mieux vivre est dans l’humanisme. La corde qui doit nous lier, c’est dans l’humanisme qu’on l’a. En tant que musulman, quand vous verrez le livre « Au-delà », comme le précédent « La voix des vers », vous vous apercevrez que je dédie ce livre à l’imam Mahdi, qui est très connu dans l’islam. Par exemple, j’ai écrit : « Je dédie ce livre à Imam Mahdi, que Dieu acte sa réapparition pour le soulagement des opprimés du monde. »Vous voyez, je n’ai pas dit que Dieu acte sa réapparition pour livrer les musulmans de prison, mais les opprimés du monde. Cela laisse croire aux lecteurs que je suis un humaniste, je suis un homme ouvert au dialogue et à la justice. Maintenant du côté religieux, j’ai des poèmes essentiellement religieux, qui parlent de la religion, mon amour pour le seigneur. Je parle souvent aussi de mon amour pour le prophète de l’Islam, Paix et Salut sur lui. Je parle encore de sa famille, parce que ce sont eux dont je suis adepte. Je les évoque couramment dans mes textes.
Avez-vous d’autres choses à ajouter ?
Je ne peux que quand même vous encourager, parce que le monde de l’écriture au Mali n’est pas un monde apprécié, admiré, voire considéré. Il parait que c’est ainsi en Afrique de façon générale, mais au Mali c’est encore pire. Donc s’il y a des gens comme vous, qui s’intéressent à ce monde-là, personnellement, je ne peux que vous remerciiez véritablement. Mais quand même, je voudrais juste dire aux jeunes, aux plus jeunes encore, parce que moi je suis jeune mais qu’on ne se réveille pas un beau matin et commencer à écrire, il faut laisser les mots au murissage, permettre aux mots d’être au moins plus costauds pour pouvoir atteindre les cibles. En réalité, je constate que beaucoup veulent écrire, mais on n’écrit pas pour aujourd’hui seulement, la consistance des mots dans le temps et dans l’espace compte beaucoup. Au-delà de cela, ce qu’il faut ajouter, c’est d’inviter les autorités à soutenir des initiatives comme la vôtre, dans le but de promouvoir la littérature malienne.
Propos recueillis par Fousseni TOGOLA
Bakary Fomba, Stagiaire
Source: Le Pays