La crise du football tarde à trouver une solution. Et la lettre circulaire du Comité de normalisation (Conor) d’organiser le championnat national Ligue 1 avec 16 clubs est venue mettre de l’huile sur le feu de la crise. Et Mamoutou Touré dit Bavieux et ses camarades ont organisé une conférence de presse le lundi 11 février 2019 pour manifester leur refus catégorique de l’application de cette décision du Conor. Pour eux, “le championnat national Ligue 1/Orange se jouera avec les 20 clubs” et “les ligues de Bamako, Kayes, Koulikoro, Sikasso et Mopti disent non à la lettre circulaire n°003/2018-2019/Fémafoot”, comme écrit sur leurs banderoles.
Dans ses propos liminaires, Mamoutou Touré “Bavieux” a déclaré que son camp avait pris la décision de ne rien entreprendre qui puisse entraver le travail du Conor. “Depuis l’installation du Conor, nous n’avons pas jugé nécessaire de nous exprimer, car nous avons estimé que le Conor était là pour une période de transition et qu’il fallait attendre”, a-t-il dit. Il a rappelé les péripéties de la crise du football.
A son entendement, avec le départ de Boubacar Baba Diarra de la tête de la Fédération malienne de football, les acteurs du football s’étaient ressaisis et allaient se retrouver. “Quand le Conor est arrivé, mon camp était dans cette dynamique. Mais, malheureusement, la crise aujourd’hui est plus grave qu’elle ne l’était il y a un an. A notre entendement, l’arrivée du Conor a créé plus de problèmes que lorsque notre bureau avait été invalidé”, a-t-il regretté.
Bavieux a rappelé que son bureau avait été invalidé suite à la plainte de ses adversaires au motif que certains membres votants, notamment les ligues de Kayes, Ségou et Bamako étaient entachés d’irrégularités. Et Bavieux de dire que le Conor, dans sa première feuille de route, avait pour mission essentielle d’identifier les membres votants. “Un travail que le Conor avait fait sans problème même si on sait comment la Ligue de Ségou avait été mise en place. La Ligue de Kayes, sans élection, a été remise à notre frère Cheick Kanté. Et la Ligue de Bamako a été renouvelée. Nous avons accepté tout cela, car notre intime conviction était et demeure toujours que nous sommes majoritaires. Mais jusqu’à présent, les mêmes problèmes, animés par les mêmes hommes, constituent un blocage pour la mise en place du bureau fédéral. Sinon, à notre avis, à présent, nous sommes majoritaires. Pendant tout ce temps, le Conor a fait un an pour dire quoi ? Les délégués légitimes avaient été identifiés, un projet de statut avait été élaboré et soumis à la Fifa à la suite des observations que les différents camps ont eu à faire. Donc, pour nous, on était sorti de la crise. Il n’y avait plus de problème en réalité. Mais, à notre grand étonnement, le Conor nous a saisis pour nous dire qu’il y a des problèmes car une sentence arbitrale est arrivée du Tas pour dire qu’il faut revenir en 2015. Donc, pour nos adversaires, tout ce qui avait été fait y compris le travail du Conor était nul et de nul effet. Et cette sentence du TAS qui fait suite à une plainte de nos adversaires”, a-t-il fait la genèse du rebondissement de la crise du football.
Un rebondissement qu’il a regretté parce qu’à ses dires, la crise avait été résolue par l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga qui avait mis une commission en place pour ramener les différents acteurs du football à s’entendre. Cette commission a pu obtenir l’élaboration d’un protocole d’accord qui mettait fin à toutes poursuites.
“Le protocole a été signé et lu par notre grand frère Boubacar Monzon Traoré pour dire qu’il fallait reprendre l’élection des ligues de Bamako, Ségou et arrêter toutes les poursuites tant au plan national qu’international. C’est ce à quoi du reste, à la faveur d’une rencontre avec le président de la République, les acteurs du football s’étaient engagés. De notre côté, il n’y a eu aucun problème. Tout ce qui avait été demandé ce jour dont la relève de Yacoubadjan et de Diallo du secrétariat général de la Fédération, la levée des suspensions, a été intégralement respecté par le comité exécutif. C’est ce qui nous a permis d’aller aux élections sans problème. Quand nous avons gagné les élections et que nous avons été attaqués au niveau de la Fifa, personnellement, je n’ai pas compris cette attitude. J’ai aussitôt attaqué la décision de la Fifa portant annulation de notre bureau devant le Tas. Et la Fifa, à travers le ministre des Sports, nous a demandé, dans un souci d’apaisement, de retirer notre saisine contre elle. Bien que nous ayons la majorité, nous n’avons pas vu d’inconvénient à retirer notre plainte. Nous avons accepté de retirer notre plainte. Nous l’avons fait. Nous avons même été félicités et remerciés par le gouvernement. C’est pour dire qu’il n’y avait plus de problème pour aller à l’élection du nouveau bureau exécutif quand subitement cette décision du Tas est arrivée”, a-t-il soutenu.
Interprétation erronée
Il a tenu à préciser que le Tas est un tribunal arbitral. Et il n’a pas compris le fait que son camp qui avait été cité comme des éléments ayant commis des dysfonctionnements par rapport aux règlements, n’a pas été convié à la rencontre au Tas. Ce sont les Yéli, Moussa Konaté et le Conor qui sont allés. A ses dires, à la faveur de cette audience qui s’est déroulée en leur absence, la présidente du Conor leur a fait savoir que la décision du Tas est inattaquable. Et quand, son camp a voulu faire son droit de recours par rapport à la sentence du Tas, le président de la Ligue de Bamako et les présidents des clubs de première division ont rencontré la présidente du Conor pour lui dire que la décision du Tas n’est pas conforme avec les statuts du football malien. Et la présidente du Conor n’a pas voulu que nous exercions notre droit d’appel. C’est comme ça que son camp a commis de célèbres avocats européens dont un avocat de Michel Platini et un avocat de la Fédération française de football pour défendre leurs intérêts. Mais la présidente du Conor a refusé de leur donner le mandat d’exercer leur droit de recours. Ce qui, selon Bavieux, a constitué un blocage. Malgré tout, lui et ses camarades sont restés sereins et ont raison gardée.
“Même si on organisait dix fois les élections, nous estimons que nous gagnerons les dix fois. Parce que les ténors du monde du football sont avec nous. Ce qui pose problème, c’est l’interprétation faite par le Conor de la sentence du Tas qui ramène les clubs qui étaient en 2015 en activité dont certains sont aujourd’hui inexistants et qui vont être les clubs de première division. Nous avons dit que cela n’est pas possible. Quelqu’un ne peut pas être dans son salon en train de prendre du thé et qu’un bon matin une décision arrive pour lui dire qu’il est en première division. La première division, c’est l’élite, elle se mérite. Il faut jouer au ballon pour être en première division. Nous avons évoqué ce point de vue mais nous n’avons pas été compris.
Et plus grave, une décision arbitrale ne peut même être appliquée au Mali que si l’autorité judiciaire du Mali donne une décision exécutoire. On ne peut pas faire un jugement en dehors du territoire souverain du Mali et venir simplement avec cette décision pour dire qu’on va l’appliquer. Il y a un préalable pour l’application de la sentence du Tas. Le Conor est allé trop vite en besogne en convoquant les 16 clubs qui étaient en activité en 2015 et en disant que tout ce qui a été fait de 2015 à nos jours est nul et de nul effet. C’est là le grand danger de cette histoire. Et si ce qui a été fait est nul et de nul effet, en quoi le problème de Bamako concerne Bougouni qui joue sur un autre territoire, c’est-à-dire, la Ligue régionale de Sikasso qui a organisé ses compétitions. Et l’US Bougouni a battu tous les autres clubs pour monter en D1. On dit que la décision du Tas ramène l’US Bougouni en D2. Cela n’est pas possible. Parce que pour la même période, le Djoliba et le Stade malien de Bamako ont joué avec les mêmes clubs pour mériter leurs titres de champion du Mali ou de détenteur de la Coupe du Mali. C’est à ce titre que le Djoliba et le Stade sont allés jouer les compétitions africaines.
Et ils ont eu de l’argent dans ça. Ils ont joué contre le LCBA. Si on devait tout annuler, qu’on commence à annuler cette décision qui a amené le titre de champion et de vainqueur de la Coupe du Mali au Stade malien de Bamako et au Djoliba AC. Plus grave, les coupes d’Afrique obtenues par le Mali l’ont été pendant cette période. Si l’interprétation de la sentence du Tas voudrait dire que tout ce qui a été fait de 2015 à maintenant est nul, pourquoi le Mali ne va pas restituer les deux coupes d’Afrique qu’il a gagnées avec l’impulsion du LCBA et de l’US Bougouni qui avaient des joueurs là-dans ?
Nous ne sommes pas d’accord avec l’interprétation faite par le Conor de la sentence du Tas. Mais par contre, nous ne sommes pas contre la sentence du Tas parce que nullement ça ne nous dérange. Les conclusions de la sentence disent simplement qu’il faut reprendre l’assemblée générale du 10 janvier 2015 avec le même ordre du jour et le même quorum.
La sentence n’a jamais parlé ni de montée, ni de descente. En quoi cela va concerner nos clubs ? Simplement parce qu’ils ont tout calculé, ils ont tout revérifié et ils se sont rendus compte qu’avec tout ce qui a été fait lors de la mise en place de la Ligue de Ségou et de Kayes, ils se sont rendus compte que nous sommes toujours majoritaires. C’est au regard de cette majorité qu’ils sont allés réveiller ce faux dossier de 2015. En quoi, il concerne les élections de 2019 ? Pour nous, il faut qu’on arrive à se dire la vérité”, s’est-il largement appesanti.
“La crise du football malien n’est qu’un problème d’égo”
Bavieux a ajouté qu’il est simplement venu pour servir le football malien. Mais, a-t-il dit, “si la modeste personne de Bavieux est un problème pour le football malien, je prends mes affaires, je rejoins ma famille sans aucun état d’âme, sans aucun problème. Parce que ce qui se passe pendant combien d’années, nos enfants ne jouent plus au football, les vendeuses d’arachide, d’orange, d’eau fraiche qui gagnent leur prix de pain au stade n’arrivent plus à le faire. Durant combien d’années, les responsables de parking aux stades qui trouvaient quelque chose pour soutenir leurs familles n’arrivent plus à le faire. Il ne faut pas que mon nom soit mêlé à cela. Je suis issu d’une grande famille, je n’aime pas qu’on interprète les choses sur un problème d’égo. La crise du football malien n’est qu’un problème d’égo. Tout ce qui se passe aujourd’hui n’est ni plus ni moins qu’un problème d’égo. Un Etat ne peut pas, en présence du président de la République, amener les gens à signer un protocole d’accord et d’autres par d’autres systèmes arrivent à défier l’autorité de l’Etat et qu’on veuille nous faire porter le chapeau. Je dis non ! Ma petite personne ne va pas se résumer à ça”.
Siaka Doumbia
Aujourd’hui-Mali