Les militaires ont fini par faire irruption sur la scène après près de trois mois d’une intense crise sociopolitique. Après les évènements des 10, 11 et 12 juillet où 23 maliens sont décédés, il devenait évident que la situation était intenable. Les maliens restaient suspendus à la perspective d’un renversement militaire ou d’un durcissement autoritaire du régime. Consciente de la tournure des choses, dans une ultime tentative de médiation, la CEDEAO a fait du jamais vu : dépêcher cinq Chefs d’Etat au Mali. Sans succès car toujours buttée à des positions irréconciliables.
Avant tout cela, de nombreux acteurs nationaux ont proposé des solutions radicales dont la mise en œuvre nous aurait évité une telle situation. A titre d’exemple, dès le lendemain de la marche du 5 juin, nous avions proposé de dissoudre immédiatement la Cour Constitutionnelle, de reprendre les élections dans les zones contestées (d’autres suggéraient carrément de dissoudre l’Assemblée Nationale) et de créer un consensus autour d’un Gouvernement d’Union Nationale pour crever l’abcès. Malheureusement, certainement pris en otage par un petit groupe, le Président IBK s’est laissé convaincre de ne rien céder, en tout cas pas à temps.
La position pour le maintien du Président de la République et la mise en œuvre des mesures fortes citées plus haut ne visait pas à sauver un homme, mais plutôt à enrayer le phénomène de défiance généralisée des populations à l’endroit de l’autorité publique avant qu’il ne contamine la troupe et la pousse inévitablement à un coup d’état pour “rétablir” cette même autorité perdue. Dans une telle perspective et au vu du précédent de 2012, il était plus que probable que se répète le même effet domino d’une mutinerie aboutissant sur un coup d’Etat. Possible également que ce renversement entraine la rupture de la chaîne de commandement militaire, des affrontements entre les différents corps armés et, par conséquent, l’aggravation dramatique de la situation sécuritaire du Mali. Comment les autorités ont-elles pu autant sous-estimer la situation et mal mesurer les enjeux ?
Dans la dernière ligne droite du régime, même les plus mesurés ont fini par perdre l’espoir d’une issue autre que celle que nous connaissons. Plus personne ne parvenait à comprendre le sens des actes posés par le Président. Le sentiment de défiance et de “révolution populaire” s’est mêlé à une grande lassitude des maliens face à la situation. Même les soutiens du Président ont fini par “le laisser faire”. IBK ne semblait plus écouter ni voir personne d’autre que le Premier Ministre et son Directeur de la Sécurité d’Etat.
Le Coup d’Etat militaire du 18 Août est le signe de cette lassitude généralisée. Et contrairement au bain de sang qu’on pouvait craindre, la gestion de cette crise par le pouvoir a plutôt réuni les ingrédients d’un renversement militaire, populaire et pacifique des plus inédits au Mali. D’abord ce ne sont pas des officiers subalternes, mais bien des officiers supérieurs qui ont mené les opérations. Aucun coup de feu n’a été tiré entre “frères d’armes”. Aucun porteur n’a cherché à défendre les Institutions. Le Président et son Premier Ministre sont tombés avec une facilité déconcertante, sous les ovations de manifestants et dans l’indifférence généralisée.
Encore plus facilement qu’ATT. En gros, comme si de rien n’était. Les communiqués laconiques de condamnation cachent mal le sentiment de “soulagement” de la plupart des partis politiques maliens.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus de faire semblant d’être indigné alors que tout le monde est plutôt “satisfait de cette fin heureuse” de la pesante crise. Tous les services publics ont redémarré et le marché a rouvert. La Communauté internationale et singulièrement la CEDEAO doit agir avec responsabilité et sortir de la gestion “par principe” de ce cas.
Pour leur part, les acteurs maliens doivent regarder de l’avant et organiser véritablement une transition politique. Les propos des dirigeants du Comité National pour le Salut du Peuple vont d’ailleurs dans ce sens. Durant cette période de transition, il faudra refonder radicalement le Mali, adopter une feuille de route claire, refonder la classe politique pour lui redonner sa crédibilité et jeter les bases d’un retour rapide à un pouvoir élu suite à des élections “propres”.
Cheick Oumar Diallo /ADP Maliba