Les militaires français de l’opération Barkhane ont tué jeudi au Mali le numéro deux de la principale alliance jihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda, l’Algérien Djamel Okacha, alias Yahya Abou El Hamame, a annoncé vendredi la ministre des Armées Florence Parly.
Après la mort dans une opération française avec le soutien de l’armée malienne en novembre du prédicateur radical peul Amadou Koufa, il s’agit du deuxième coup significatif subi en trois mois par cette alliance, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).
Quelques heures après cette anonce, le Premier ministre français Edouard Philippe, accompagné par Mme Parly, est arrivé à Bamako, pour une visite de “soutien” au Mali qui malgré l’appui militaire de Paris peine à enrayer l’extension des violences jihadistes.
Chef de “l’émirat du Sahara” d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Yahya Abou El Hamame avait succédé à un autre Algérien, Abdelhamid Abou Zeïd, tué en février 2013 par l’armée française lors de l’opération Serval, lancée pour chasser les jihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du Mali en mars-avril 2012, et remplacée par Barkhane en juillet 2014.
Il apparaissait en mars 2017 dans la vidéo annonçant la création du GSIM aux côtés du chef de cette alliance, le Touareg malien Iyad Ag Ghaly, d’Amadou Koufa et de deux autres dirigeants jihadistes, dont l’un a également péri dans un raid français en février 2018.
Cette nouvelle perte représente “un coup très dur pour les groupes terroristes agissant au Sahel”, a affirmé la ministre française, soulignant que cette alliance “aura perdu trois de ses principaux chefs en l’espace d’une année, tous des adjoints proches d’Iyad Ag Ghaly”.
Djamel Okacha “était très important au sein de l’organisation”, a confirmé à l’AFP Aurélien Tobie, chercheur sur le Sahel au Stockholm International Peace Research Institute (Sipri).
Mais l’expert a nuancé l’impact de cette frappe, rappelant que “le GSIM jusqu’à maintenant a toujours réussi à se rétablir et à conduire encore des opérations très très significatives malgré la mort de ses chefs”.
– “Intérêt tactique” –
Jeudi, la force Barkhane a identifié Yahya Abou El Hamame dans un convoi de véhicules au nord de Tombouctou (nord-ouest) et a mobilisé pour l’intercepter des moyens terrestres et aériens, dont cinq hélicoptères et un drone de surveillance Reaper, selon un porte-parole de l’état-major français.
“Quand les commandos se sont approchés, les pickup ont ouvert le feu, déclenchant la riposte des hélicoptères”, qui ont mis hors de combat 11 terroristes”, dont Djamel Okacha, a détaillé le porte-parole.
Une source de sécurité malienne a affirmé à l’AFP que “depuis plus de trois mois, Yahya Abou El Hamame était suivi”, ajoutant qu’il avait été repéré en raison de l’utilisation de son téléphone.
Natif de Reghaïa (préfecture d’Alger), Djamel Okacha était un combattant aguerri.
Ancien membre du Groupe islamique armé (GIA) puis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenu Aqmi), il était soupçonné d’implication dans l’assassinat en juin 2009 à Nouakchott d’un Américain, Christopher Leggett, et dans l’attaque contre l’ambassade de France (deux blessés) en août de la même année dans la capitale mauritanienne.
Des zones entières du Mali échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix, censé isoler définitivement les jihadistes, dont l’application accumule les retards.
Dans un rapport rendu public vendredi après un an en tant qu’observateur indépendant de l’application de cet accord, le Centre Carter déplore ainsi que sur “78 engagements spécifiques” contenus dans ce texte, “seuls 20 sont achevés trois ans et demi après la signature”, soit seulement 25 %.
Le Centre Carter exhorte les signataires à “passer aux vitesses supérieures”, notamment en ce qui concerne la décentralisation et la reconstitution d’une armée plus représentative de l’ensemble des populations du pays.
Depuis 2015, les violences jihadistes ont non seulement persisté, mais se sont propagées du nord vers le centre et le sud du Mali, et le phénomène déborde sur le Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires.