Depuis bientôt quatre semaines, les hôpitaux et centres hospitaliers publics maliens tournent au ralenti. Pour cause, la grève des médecins et personnel soignant initiée par le Syndicat national de la santé, de l’action sociale et de la promotion de la famille (SNS-AS-PF) et la Fédération des Syndicats de la santé et de l’Action sociale (FESYSAM). Pour le moment, les négociations avec le gouvernement n’ont pas abouti, rendant la situation alarmante.
Les principaux centres hospitaliers publics des grandes villes maliennes fonctionnent au ralenti depuis bientôt un mois. Le 8 mars dernier, réunis derrière leurs syndicats, les médecins rentraient en grève illimitée. Ils réclament l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Avec un cahier de charge contenant l’ensemble de leurs revendications, déposé auprès du ministre du Travail de la Fonction publique et des Relations avec les Institutions Mme Diarra Racky Talla le 15 février 2017, les médecins fonctionnaires n’ont eu d’autres choix que l’entrée en grève pour faire réagir les autorités.
Pour ces derniers, le gouvernement n’a pas rempli sa part du contrat, et leurs doléances n’ont pas été satisfaites. En effet, le 24 octobre 2016, les professionnels de la santé du secteur public avaient menacé d’entrer en grève illimitée le 9 novembre. Finalement, un accord avait été trouvé entre les professionnels en blouse blanche et le gouvernement. Un PV de conciliation avait même été signé entre les deux parties. Si initialement 8 accords avaient été trouvés sur les 9 points inscrits dans les doléances, le dernier restait sans solution. Il s’agit du point relatif à l’augmentation des primes (primes de fonction spéciale, de garde et de la monture ainsi que l’intégration des émoluments des biappartenant dans le salaire) et l’intégration des contractuels dans la fonction publique. Il a été confié à deux commissions qui prendraient séparément en charge les problèmes financiers et l’intégration des contractuels.
In fine, après trois mois de travaux pour les commissions, le gouvernement a proposé une augmentation de 25 %, soit 6375 FCFA pour la catégorie « A ». Un montant bien loin des 100 000 FCFA initialement réclamés par les syndicats. Une issue, que les syndicats n’auraient pas accepté et à laquelle ils ont répondu par la grève illimitée du 08 mars 2017.
De meilleures conditions de vie et de travail réclamés par les professionnels de la santé
Les fonctionnaires médecins maliens ne cessent de répéter que leur cheval de bataille est l’amélioration des conditions de travail. Pour le bon exercice de leur profession, ils estiment avoir besoin de certaines choses qui font défaut aujourd’hui. Les points centraux de leurs doléances sont l’augmentation substantielle des primes de fonction spéciale et de garde ; l’octroi d’une prime de monture aux travailleurs sociosanitaires et de la promotion familiale ; l’intégration des émoluments des bi-appartenant dans le salaire. Aussi demandent-ils le maintien et l’extorsion des ristournes à toutes les structures génératrices de ressources ; la prise à 100 % des soins médicaux des travailleurs sociosanitaires assujettis à l’assurance maladie obligatoire. Et enfin l’abrogation de mutation abusive de syndicalistes en cours de mandat et le payement des primes de garde des agents de santé chargés du contrôle sanitaire de la maladie à virus Ebola…
Pour le porte-parole de l’hôpital Gabriel Touré de Bamako, Djimmé Kanté c’est le manque de volonté du gouvernement qui est à l’origine de cette crise. « Ce que nous demandons ce n’est pas la mer à boire. L’État a suffisamment de moyens pour faire face à nos doléances. C’est en connaissance de cause que nous avons demandé une augmentation substantielle des primes de garde, des primes de fonction et d’autres primes. » A-t-il confié aux journalistes de RFI.
Son confrère, le Dr Badra Aliou Maïga, secrétaire général des syndicats de l’hôpital de Kati va plus loin. Pour le praticien malien, la grève est le dernier recours des syndicalistes. « Ce n’est pas par plaisir que nous partons en grève, c’est par quête d’avantages liés à notre profession. Nous voulons un changement de notre cadre de vie. Nous voulons que le plateau technique des hôpitaux soit amélioré », a-t-il déclaré. Le médecin exerçant à l’hôpital de Kati a ensuite énuméré la montagne de difficultés que rencontre la structure. Elles vont du manque d’eau dans tout l’hôpital, au manque de ventilation pour les malades, en passant par l’absence de sanitaire en bon état.
Les patients, premières victimes du bras de fer Médecins-gouvernement
Depuis le début de la grève, les malades paient le prix fort. Au cœur du bras de fer entre les médecins rangés derrière leur syndicat et le gouvernement, les usagers ne savent plus à quel saint se vouer. Malgré le service minimum assuré par le personnel soignant, on déplore de nombreux décès survenus par manque de soins adéquats.
Les consultations normales ne sont plus possibles. Seuls les cas d’urgence sont pris en charge. Les femmes enceintes et les enfants sont privés de vaccin et de suivi pré ou postnatal. Interrogé par Maliactu.net, une victime a témoigné : « J’ai amené ma femme qui avait fait un malaise, quand nous sommes arrivés à l’hôpital on nous a fait savoir que les médecins sont en grève. Comme son état de santé s’empirait, j’ai tenté de l’amener dans une clinique et malheureusement elle a rendu l’âme en cours de route. Et ça, je ne le pardonnerai jamais ni à l’État ni aux docteurs. »
Ce cas n’est pas isolé. De nombreuses plaintes dans ce sens, montent du côté de la population. Pour les médecins, la grève est l’ultime recours et les autorités devraient prendre leurs responsabilités. D’ailleurs, beaucoup dénoncent le manque de matériel dans les structures publiques. Ce déficit est lui aussi à l’origine de plusieurs décès. La grève a aussi pour but d’améliorer la qualité du service octroyé aux patients.
La venue de plus de 950 médecins cubains pour remplacer les grévistes
La situation devenant de plus en plus préoccupante, le gouvernement a multiplié les propositions, mais aucune ne satisfaisait les doléances des praticiens. Déterminés, ces derniers ont durci le mouvement, et ne comptent le lever qu’après satisfaction du cahier de charges.
Pour soulager un tant soit peu les populations, les autorités ont appelé l’armée à la rescousse. Ainsi, dans un communiqué passé sur la chaine nationale, le 1er avril 2017, le gouvernement a orienté les populations vers les structures hospitalières militaires. Les médecins militaires se sont vus confier les vies des Maliens. Pour les autorités militaires, l’armée est exemptée de grève, car elle a la mission régalienne de sauver les vies des citoyens.
Mais le recours aux militaires n’est pas suffisant pour rétablir la situation et arrêter la vague de décès consécutifs à la grève. Selon, les journaux locaux le gouvernement s’apprête à remplacer les grévistes par plus de 950 médecins cubains. Ces médecins déjà attendus à Bamako viendraient dans le cadre d’une coopération Mali-Cuba. De plus, les praticiens cubains seraient tous spécialistes qui interviendraient pour soulager les patients.
Une ultime mesure, qui selon de nombreux observateurs, ne résoudra pas le problème, mais pourrait envenimer la situation déjà très tendue.
Source: africapostnews.com