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Mali: que penser des voix qui réclament le départ des forces étrangères à cause de leur inefficacité ?

A l’instar des pays qui connurent la présence des Nations-Unies pour mettre fin à des crises à dimension internationale, le Mali aussi collabore avec la communauté internationale pour résoudre la crise inédite de son histoire.

Sous un angle historique récent, le conflit armé en Libye provoquant l’arrivée massive des terroristes au Nord du Mali a basculé le pays dans une crise multidimensionnelle inédite. Profitant de la faiblesse de l’Etat à sa partie septentrionale, de la corruption, du trafic de la drogue et des crimes organisés, les rebelles et les terroristes prennent les villes en commettant de graves violations des Droits de l’homme. Il s’en est suivi le coup d’État du 22 Mars 2012.

Ces tristes événements ont eu pour conséquence la crise à dimension multiples : sécuritaire, politique, économique et sociale.

Les autorités de transition avec un Premier Ministre de pleins pouvoirs ont d’abord hésité de solliciter l’intervention militaire de la communauté internationale. Ce n’est que le départ de celui-ci mettant fin à l’incompréhensible pleins pouvoirs qu’elles ont fait appel aux Nations Unies en adressant officiellement une lettre à la CEDEAO, à l’Union africaine et à l’ONU dans laquelle elles ont demandé « une aide de la CEDEAO dans le cadre du recouvrement des territoires occupés du Nord et de la lutte contre le terrorisme .>>

Ainsi, le 28 septembre 2012, la CEDEAO, adresse une lettre au Secrétaire général de l’ONU dans laquelle « elle demande, avec l’appui de l’Union africaine, que le Conseil de sécurité adopte une résolution autorisant le déploiement d’une force de stabilisation de la CEDEAO au Mali en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. »

Le Conseil de sécurité autorise alors le déploiement d’une force internationale au Mali par le vote du 20 décembre 2012 à l’unanimité la Résolution 2085 (2012), au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Par la suite, il a créé et décidé d’autoriser la MINUSMA à prendre toutes les mesures requises pour s’acquitter du mandat qui lui a été confié par la résolution 2100 du 25 avril 2013.

Il s’agissait d’aider les autorités de transition maliennes à stabiliser le pays et à appliquer la feuille de route pour la transition en accordant une attention prioritaire aux principales agglomérations et aux axes de communication, en protégeant les civils, en surveillant la situation des Droits de l’Homme, en mettant en place les conditions indispensables à l’acheminement de l’aide humanitaire et au retour des déplacés, à l’extension de l’autorité de l’État et à la préparation d’élections libres, ouvertes à tous et pacifiques.

Plus de six ans après, la situation malienne semble aggraver d’année à l’année. En effet, pendant que tous les efforts sont concentrés au Nord du pays, le centre aussi bascule dans l’insécurité. C’est ainsi que les critiques sont de plus en plus virulentes contre la présence des Nations-Unies, notamment la MINUSMA, l’opération Barkhane et le G5 Sahel. On peut donc se demander si ces critiques sont justifiées.

Si on s’en tient à ignorer qui fait quoi, on se positionne en faveur des critiques (I). Malheureusement on ne peut pas s’en passer. Ce qui décrédibilise les critiques (II).

I. RAISONS DE FRUSTRATION DE LA POPULATION

De 2012 à nos jours, la population malienne perd patience pour la sortie d’une crise qui fait plus en plus de victimes. On a du mal à admettre que malgré la présence considérable des forces étrangères(A), l’insécurité s’étend vers le centre du pays(B).

A. Aperçu de la présence des forces étrangères au Mali

Sur la base d’un accord militaire, la France intervient militairement au nord du pays à travers l’opération Barkhane. La Mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilité au Mali est créée pour aider le Mali. L’armée malienne a reçu plusieurs formations des partenaires étrangers, notamment de l’Union Européenne. Le Groupe de cinq(5) pays de la sous-région est une force commune de la sécurité qui intervient aussi pour lutter contre le terrorisme.

Sur le plan judiciaire, Ahmad Al Mahdi a été reconnu coupable pour commission du crime de guerre, d’avoir dirigé intentionnellement des attaques contre les bâtiments à caractère religieux et historiques. Une enquête est ouverte contre Mohamed Ag Mahmoud pour soupçons de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Malgré tous ces efforts de la communauté internationale, l’Etat malien tarde à exercer sa souveraineté dans son nord. Le retour de l’administration n’est pas toujours effectif. L’école est timidement régulière. S’ajoute aussi de graves violations constantes des droits humains. Aussi, c’est surtout l’extension de la zone de l’insécurité qui semble susciter d’indignations.

B. Extension de la zone d’insécurité

Au surplus, la crise s’aggrave en s’étendant au centre du pays. Depuis 2015, la région de Mopti connaît des actes terroristes. L’année 2019 semble être l’année de génocide.

Le 1er janvier 2019, les Maliens se sont réveillés avec le massacre de 373 habitants de Kologo, un village situé au centre du pays. Ce, pour alerter que 2019 délocalisera le conflit du Nord vers le centre. Les hommes et femmes, enfants et vieux ont été sauvagement tués, les maisons saccagées, mêmes les animaux ne furent pas épargnés.

Aussi, l’ennemi frappa plus fort le 23 mars 2019 en massacrant plus de 1604 personnes à Ogossagou au centre du pays. Aucune vie n’a été épargnée : les femmes enceintes, les enfants, les bébés, les vieillards sont abattus. Les maisons furent incendiées, les animaux furent égorgés.

Le massacre du 09 juin 2019 de près de 100 personnes dans le village de Sobanou au centre du pays encore vient confirmer le cadeau empoisonné du 1er janvier. Tous ceux qui bougèrent ont été sauvagement abattus.

Les actes de génocide sont facilement identifiés dans ces différentes atrocités dans la mesure où l’intention, la volonté d’exterminer un groupe ethnique est établie.

L’ampleur de cette extension de l’insécurité pousse le citoyen à se poser des questions sans réponses. Il ne comprend pas comment le Mali peut avoir tous ces soutiens internationaux sur son territoire et connaître en même temps la montée de la violence. On pourrait lui donner raison si soutenir, aider signifiait : « laisse nous tout faire à votre place. » Tel n’est pas le cas. L’Etat est le premier responsable de toute solution mettant fin à n’importe quelle situation.

II. LE MALI EST MAÎTRE DE SON DESTIN

Les critiques adressées aux forces étrangères sont injustifiées au regard de leur mandat (A). Ce qui nous amène à voir qui fait quoi, car la communauté internationale n’a pas pour vocation de faire tout à la place du Mali (B).

A. Soutien limité des forces étrangères

En effet, quand la France intervenait à la demande du Mali en 2012 pour contrer l’avancée des groupes terroristes sous l’égide des Nations Unies, l’objectif était de combattre le terrorisme afin de permettre le dialogue entre le gouvernement malien et les groupes rebelles. Ce qui a permis le pays de retrouver une bonne partie des régions occupées et de signer un accord pour les pourparlers de la paix à Ouagadougou. Grâce à cet accord, l’élection présidentielle de 2013 a eu lieu.

Ensuite, la MINUSMA prit la relève avec une mission multidimensionnelle. Ce qui signifie que son domaine d’intervention n’est pas seulement sécuritaire, mais aussi politique, économique et culturel. Elle a assuré la stabilité politique du pays à travers la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation de 2015 et la bonne tenue de l’élection présidentielle de 2018. Quant à la stabilité sécuritaire, elle est une force d’interposition et non une force qui aide l’armée nationale à combattre les groupes rebelles. Le volet de lutte contre le terrorisme est assuré par l’opération Barkhane et le G5 Sahel.

Le mandat de la MINUSMA consiste aussi à signaler les éventuels cas de violations des droits humains. C’est pourquoi, elle fait périodiquement des rapports sur l’état des droits humains au Mali. Ce qui permet non seulement de dissuader les présumés responsables, mais aussi et surtout de faciliter une éventuelle enquête de la juridiction pénale internationale.

Comprenons-nous alors que le bilan de la présence des forces étrangères au Mali est mitigé. Beaucoup ont été faits, tout comme beaucoup restent à faire. D’ailleurs, ce n’est pas à la communauté internationale de se substituer à l’Etat malien. Quelle que soit l’ampleur de la mobilisation internationale, l’Etat est et reste le seul acteur principal des problèmes qui pèsent sur lui.

B. Attitude des Maliens pour mettre fin à la crise

Or, on peut constater, depuis le début jusqu’à maintenant, que le Mali manque de bonne volonté pour relever les défis de la crise. Sur le plan politique, les accords se succèdent mais l’application fait défaut. C’est le cas de l’accord inclusif des pourparlers de Ouagadougou en 5 2012, de l’accord pour la paix et la réconciliation de 2015. On fait promotion de la paix mais la pratique en est une autre. Malgré les recommandations pertinentes de la conférence d’entente nationale, tenue au Palais de la culture Amadou Hampathé BA de Bamako, du 27 mars au 2 avril 2017 ; on se mobilise encore pour un autre dialogue national. Il serait temps de passer aux discours aux actes. Comme l’a bien déclaré la Déclaration de Yamoussoukrou sur la Paix dans l’esprit des hommes dans son article premier : « La paix est un comportement. »

Sur le plan social aussi, le Mali ne montre pas le visage d’un pays en quête de solution. Une telle crise inédite censée susciter le sentiment de patriotisme pour faire front à l’ennemi, a au contraire divisée, opposée les maliens entre les partis politiques. Il en va de même pour la gestion des finances publiques. Le peu de ressources insuffisant pour faire face à la crise fait l’objet de détournement, de dilapidation. Les affaires pendantes devant la justice en sont une illustration.

Et puis, on oublie que l’Organisation des nations unies est un organe politique qui intervient en général sous le couvert de l’ancienne puissance coloniale. Elle n’est pas capable de maintenir la paix. C’est un instrument politique qui sert les intérêts des puissances. C’est au Mali de faire en sorte que leur présence puisse lui être bénéfique. Il n’y a pas d’état d’âme en relations internationales. C’est ainsi que Machiavel conçoit les États comme des monstres froids qui n’ont ni amis, ni ennemis, uniquement des intérêts nationaux à défendre.

Les critiques contre les Nations Unies méconnaissent donc la réalité des relations internationales. Chaque État a le devoir de défendre ses intérêts.

En définitive, même si beaucoup de maliens ont marre de la situation chaotique du pays malgré la présence accrue des forces étrangères ; ils se trompent, car aucun État, aucune personne ne viendra mettre fin à cette crise si ce n’est le Mali lui-même. Il nous faut donc conjuguer nos efforts pour atteindre nos objectifs. Pour cela, le patriotisme s’impose.

Ce qui nous amène de nous demander si les voix s’élevant pour réclamer la substitution des forces étrangères par uniquement de la force Russe, ne sont pas une fuite devant notre responsabilité ?

Denis KAMATE

Spécialiste en Droits de l’homme et Justice Internationale

Source: Malivox

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