C’est un grade virtuel que nombre de militaires en Afrique ou ailleurs rêveraient de porter : « soldat de la démocratie ». Amadou Toumani Touré, que tous les Maliens surnommaient par ses trois initiales, « ATT », est mort, mardi 10 novembre, en Turquie, où il venait d’être évacué, quelques jours après avoir été opéré du cœur à Bamako. L’ancien président du Mali était âgé de 72 ans.
Deux dates, espacées de vingt et un ans presque jour pour jour, auront particulièrement marqué son histoire personnelle et celle de son pays. De l’espoir d’un avenir radieux fait de libertés démocratiques à la descente aux enfers d’une nation coupée en deux, déboussolée.
Le 26 mars 1991, alors que le Mali bascule dans la terreur après des manifestations d’étudiants et de travailleurs réprimées dans le sang, le jeune lieutenant-colonel à la tête du 33e régiment de commandos parachutistes fait une entrée fracassante dans la vie de ses concitoyens en renversant le dictateur Moussa Traoré, au pouvoir depuis 1968. Le béret rouge devient un authentique héros. A la tête du Comité de transition pour le salut du peuple, Amadou Toumani Touré organise une conférence nationale qui consacre le multipartisme, la liberté de la presse, ferme les bagnes et bannit la torture.
« Un bouillonnement extraordinaire »
« Il était l’aile militaire du mouvement démocratique. Ce furent quatorze mois d’un bouillonnement extraordinaire où les jalons du Mali nouveau ont été posés », rappelle avec émotion Tiébilé Dramé, qui fut alors son ministre des affaires étrangères. Le Mali est libéré du joug de la dictature et après cette période de transition, « ATT » organise des élections multipartites qui voient Alpha Oumar Konaré accéder à la présidence. Comme il s’y était engagé, l’armée regagne les casernes. Son souhait de la voir définitivement retirée du jeu politique s’avérera cependant vain.
Le 22 mars 2012, vingt ans après avoir rendu les clés de la présidence avec ce titre honorifique de « soldat de la démocratie » et une promotion au rang de général, Amadou Toumani Touré est obligé de fuir le palais de Koulouba sous la mitraille, dévalant à pied, malgré un genou douloureux, la colline du pouvoir pour rejoindre Bamako, la capitale en contrebas, et un lieu sûr.