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Mali : les tirailleurs sont de retour

Tirailleur_SenegalaisDans les années 60, à l’avènement des indépendances en Afrique, on voyait disparaître le corps des tirailleurs sénégalais après près de cent ans d’existence. Qui étaient les tirailleurs sénégalais ? Aujourd’hui, dans un contexte de recherche de reconnaissance en tout genre, on les présente presque toujours en référence à leur rôle au cours des deux guerres mondiales au cours desquelles leur sacrifice contribua à sauver la France. Si on parle d’eux, c’est aussi et surtout à cause de la manière dont ils furent utilisés dans les combats lors de la Grande Guerre, sous le commandement du général Mangin, et de l’ingratitude de la France à leur égard à la fin des conflits.

Mais les tirailleurs sénégalais, n’étaient pas que ça. Tout d’abord, précisons qu’ils n’avaient de sénégalais que le nom. En réalité, ils venaient de toute l’Afrique. S’ils furent tous sénégalais, à la création de leur bataillon en 1857 par le gouverneur du Sénégal d’alors, le général Faidherbe, très vite leur recrutement se fit à travers toutes les colonies, au fur et à mesure que la France agrandissait ses possessions. A partir de cette date, ils seront de toutes les campagnes et de toutes les guerres auxquelles aura participé la France.

Ils commenceront par être le fer de lance de la pénétration française en Afrique en combattant les premiers résistants à cette pénétration. En effet, à l’arrivée des français le long des côtes africaines, il existait des royaumes dans tout le continent, qui pendant longtemps, commerçaient avec les comptoirs européens situés le long des côtes. Comme on pouvait s’y attendre, certains de ces royaumes résistèrent farouchement aux tentatives d’hégémonie des nouveaux venus. L’arrivée des tirailleurs décapita, une à une, toute forme de résistance, et permit ainsi la progression des français à l’intérieur du continent.

Ainsi, avant la fin du siècle, grâce aux tirailleurs sénégalais, toute l’Afrique occidentale était aux mains des Français. Ils participèrent à toutes les expéditions, que l’on appelait pudiquement punitives ou de pacification, y compris dans le fin fond de l’Afrique et de Madagascar. On les vit entrer à Tombouctou en 1893, dans l’expédition de Madagascar en 1895, constituer l’essentiel du corps expéditionnaire de la Mission Marchand, etc… Au début du 20ème siècle, ils furent organisés en une sorte de force de police chargée de réprimer toute velléité de révolte dans toutes les colonies. Et ils furent efficaces. Ils furent également utilisés pour assurer une certaine « sécurité » dans des zones plus difficiles à contrôler, comme le Maroc ou la Mauritanie.

Après la première guerre mondiale, ils sont encore de la Guerre du Rif contre Abdel Karim, en 1925 pour briser une lutte anticoloniale qui, pourtant, était bien partie avec la cuisante défaite des espagnols face aux troupes berbères. Puis s’ensuivit une longue période de routine pendant l’entre-deux guerres et au-delà : pacifications, maintiens de l’ordre, expéditions punitives, répressions, y compris parfois contre quelques-uns des leurs qui osaient se révolter pour réclamer leurs pensions.

La fin de la seconde guerre mondiale vit émerger, partout dans le monde, des mouvements indépendantistes cherchant à libérer leurs pays du joug du colonialisme. Comme pour le Rif marocain, des foyers s’allumèrent ici et là dans l’empire. Très tôt, à partir de 1945, les répressions commencent. Sétif d’abord, où ils sont présents aux côtés d’autres tirailleurs algériens ou marocains, ainsi que des légionnaires et des miliciens. Ce fut ensuite Madagascar en 1947 où 18 000 d’entre eux furent envoyés pour réprimer l’insurrection. 1 900 tirailleurs y périrent. Il y eut un véritable massacre parmi les malgaches. On a compté officiellement près de 90 000 victimes dans l’ile – chiffre toujours discuté. Mais, devant la dynamique de libération des peuples, ces répressions n’étaient qu’un début. L’Indochine s’embrasa à son tour. Puis ce fut l’Algérie. Comme à chaque fois, les tirailleurs sont présents, fidèles au poste.

A l’issue de ces deux guerres (l’Indochine et l’Algérie), toutes deux perdues par la France, on assista au démantèlement de l’empire et à la dissolution de cette armée qui a permis à la France de coloniser l’Afrique et au-delà, et d’y maintenir son hégémonie. Rétrospectivement, il est tentant de se poser une question. Sans ces soldats africains, la France aurait-elle pu construire son empire ? Il est toujours vain de refaire l’Histoire avec des si, mais je pense que non. On ne peut pas refaire l’Histoire mais on peut s’y référer et en tirer des enseignements. A condition, toutefois de regarder les choses en face et d’appeler un chat un chat, sans rien occulter. Les africains ont bel et bien conquis l’Afrique pour la France. C’est un fait. Chercher à savoir si les français auraient réussi sans eux ou pas n’est finalement que pure élucubration.

Et que constate-on aujourd’hui ? On remet le couvert. Avec d’autres tirailleurs. On les appelle MISMA, c’est plus moderne, mais ils font exactement comme leurs glorieux ainés. Ils aident à reconquérir l’Afrique perdue. On les recrute dans les mêmes pays, pour les mêmes missions et ils en seront fiers comme leurs ainés furent fiers de travailler pour civiliser leurs concitoyens ou pour sauver l’initiateur de cette civilisation, la France. Ce ne sera plus pour pacifier, ce sera pour libérer. Ce ne sera plus pour apporter la civilisation mais la démocratie. A Tombouctou ce ne sera pas pour protéger la population contre les razzias des touaregs mais pour les protéger contre les exactions des terroristes. Les mots ont changé. Modernisme oblige. Mais les mêmes soldats, recrutés dans les mêmes pays vont faire exactement la même chose pour les mêmes objectifs. Les bénéficiaires de ces objectifs aussi ont changé. Mondialisation oblige.

La France payait le prix de sa défaite en 1940 par la perte de son empire. Elle payait surtout le prix de son engagement aveugle auprès de l’Angleterre qui voulait absolument en découdre avec l’Allemagne et qui, elle n’a pas tant perdu que ça. Les cartes ont été redessinées, les puissances se sont déplacées. Mais les africains sont toujours là pour faire ce qu’on leur demande de faire, pour le bonheur et la grande joie des autres. Tant d’abnégation mériterait un prix, mais même ça, ils ne l’auront pas.

Quelle sera l’étape suivante ? Elle est déjà annoncée, mais on aurait pu, grâce à l’expérience, la deviner depuis bien longtemps. Il faudra que tous ces tirailleurs nouveaux se transforment en force de maintien de l’ordre, comme au début du siècle dernier. Il a été décidé qu’ils seront transformés en une force de l’ONU pour le maintien de la paix. Tiens, là aussi les mots ont changé. Mais ça change quoi, au fond ? On peut d’ores et déjà prédire que cette force de l’ONU est composée d’africains (bien sûr !) qui vont quadriller toute l’Afrique avec une efficacité digne de leurs prédécesseurs. Mais qui s’en offusquera, puisque ce sont les africains eux-mêmes qui le demandent ?

Avic

Réseau International . agoravox.fr/

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