Au centre du Mali, à proximité de la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, le chef de village de Boulikessi a finalement été libéré ce jeudi 21 mai. Il avait disparu depuis deux jours, après son arrestation par des militaires maliens. Hama Abdou Diallo est à ce poste par intérim depuis un an car le chef historique du village, Amirou Boulikessi, a été enlevé en mars 2019 par des djihadistes, selon ses proches. Ce village de Boulikessi, tristement célèbre, est depuis au moins deux ans, le théâtre de violences commises par les groupes terroristes mais aussi par l’armée.
Lorsqu’Hama Abdou Diallo enfourche sa moto mardi matin, personne au village n’a anticipé que son retour prendrait autant de temps. Peu après son arrivée à la foire de Hombori, située à plus de 75 kilomètres de chez lui, le chef de village par intérim de Boulikessi est interpellé par les militaires maliens, explique son entourage. « Il est emmené au camp militaire de Hombori mardi et sera finalement libéré avant son transfert à la gendarmerie jeudi matin, le 21 mai », précise une source onusienne. A cette heure, les faits qui lui étaient reprochés ne sont pas encore connus.
En un an, c’est la deuxième fois que la localité de Boulikessi perd la trace de son chef. Le 15 mars 2019, Amirou Boulikessi, le chef historique du village avait été enlevé par des jihadistes présumés. Car cette zone située dans le cercle de Mondoro à la frontière avec le Burkina Faso est particulièrement fréquentée par des groupes armées terroristes. Déjà en 2012, Amirou Boulikessi avait dû négocier une protection avec le groupe extrémiste Mujao, le mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest, « pour mettre fin aux vols et aux assassinats commis par des bandits », lit-on dans un rapport de 2018 de la Fédération internationale des droits de l’homme.
Après cette alliance de circonstance, ce chef de village est régulièrement arrêté par les services maliens et burkinabè, soupçonné de complicité avec les terroristes. Puis, l’année dernière, il est kidnappé par « un groupe jihadiste qui le soupçonnaient également de complicité » avec les forces de défense régulières, insistait à l’époque l’un de ses proches. « Quelques tentatives de négociations informelles ont eu lieu », poursuit-il. Mais à ce jour, Amirou Boulikessi reste toujours introuvable.
L’armée malienne à Boulikessi, coupable d’exactions selon les Nations unies
Le détachement de l’armée malienne, sous commandement du G5 Sahel, stationné à Boulikessi depuis la fin de l’année 2017, n’a pas enrayé la menace jihadiste. En septembre 2019, des dizaines d’éléments armés ont attaqué le camp militaire. Au moins 38 soldats sont décédés, l’un des bilan les plus meurtriers pour l’armée malienne.
Cette attaque n’a pas amélioré les relations déjà conflictuelles entre les habitants et l’armée. Régulièrement accusées de complicité avec les groupes extrémistes, les populations locales craignent les militaires. « Nous sommes une cible, témoigne un natif du village. Ils (les soldats, ndlr) considèrent que tout le monde est 100 % jihadiste », ajoute-il.
Par deux fois en deux ans, des éléments du bataillon malien du G5 Sahel ont été accusés par la Minusma, la Mission de maintien de la paix des Nations unies, de violations des droits de l’homme. En mai 2018, certains d’entre eux « ont sommairement et/ou arbitrairement exécuté douze civils au marché de bétail de Boulikessi », lit-on dans un rapport de la Minusma datant de juin 2018. Cet épisode est décrit par la Fédération internationale des droits de l’homme comme la « première “bavure” des forces sous commandement G5 Sahel » au Mali. Reconnaissant des zones d’ombre, les autorités avaient alors instruit au procureur militaire d’ouvrir une enquête au printemps 2018. Aucune conclusion n’a encore été rendue publique.
Deux ans plus tard, la Minusma, la mission de maintien de la paix des Nations unies pointe une nouvelle fois du doigt des éléments des forces de défense et de sécurité dans cette même zone. Selon une note des Nations unies, des militaires « sous l’égide du G5 Sahel ont été responsable de multiples violations des droits de l’homme », dont 16 cas d’exécutions arbitraires dans la localité de Pogol-N’daki et dans les environs de Boulikessi le 14 mars 2020.
RFI